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Financement des partis : une porte ouverte sur la corruption selon les observateurs

Pierre Dinan, Rajiv Servansingh et Jocelyn Chan Low.

Les entreprises doivent-elles financer les partis politiques ? Quelles sont les implications d’une telle pratique ? Éléments de réponse avec l’observateur Rajiv Servansingh, l’économiste Pierre Dinan et l’observateur politique Jocelyn Chan Low.

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Pourquoi les entreprises financent-elles les partis politiques ? 
Rajiv Servansingh : Dans le principe, le financement des partis politiques est une manière pour les entreprises de contribuer à la démocratie. Un des premiers bénéficiaires d’un système politique stable et d’un changement de régime et de gouvernement qui se fait dans l’ordre est le secteur privé. Les entreprises gagnent à financer le maintien d’un système démocratique. Or, en réalité et ce qui est dommage, c’est ce que ces contributions sont finalement devenues des « investissements » sur lesquels les entreprises attendent à recevoir un retour. Ce qui ouvre la porte à la corruption généralisée.
Pierre Dinan : L’entreprise n’opère pas dans un ‘vacuum’. Elle opère dans un milieu qui doit être bien gouverné et être porteur. Elle aura des difficultés à réaliser ses objectifs si elle opère dans un milieu où il y a des bagarres et une mauvaise gouvernance en général. Travailler dans un milieu qui est proprement gouverné, c’est s’assurer que le pays est bien géré, qu’il y a des routes, des aéroports, de la fourniture d’eau et d’électricité ou qu’il y ait encore la discipline à travers la force policière. Tout cela, c’est le rôle du gouvernement. Le principe du financement des partis politiques est de s’assurer que le pays est bien gouverné.
Jocelyn Chan Low : Une entreprise a une responsabilité sociale et politique. Elle opère et prospère dans un environnement démocratique sain. Toutefois, il ne faut pas être dupe. Certaines entreprises donnent de l’argent aux politiciens, parfois par affinités. D’autres accordent des grosses sommes d’argent, dans le but de nouer des bonnes relations susceptibles de faire avancer des dossiers. Quelque part, c’est une forme de corruption.

Qu’est-ce qu’elles y gagnent ? 
Pierre Dinan : Le principe est là, mais on peut dévier. C’est le cas lorsque l’entreprise se dit qu’en accordant des sommes importantes à un parti, elle sera favorisée dans l’obtention des contrats une fois que ce parti sera au pouvoir. Et cela même au détriment des autres. C’est cela qui mène aux abus et à la corruption. C’est pourquoi toute cette activité d’aides aux partis politiques doit être réglementée.
Rajiv Servansingh :  Je ne sais pas ce qu’elles gagnent, mais ce qu’elles espèrent gagner, ce sont des contrats et d’autres avantages.
Jocelyn Chan Low : C’est souvent pour faire avancer des dossiers et avoir des gros contrats. N’oublions pas que le gouvernement dépense énormément sur des projets. L’aide aux partis politiques est aussi une façon de veiller que le pouvoir politique ne remette pas en question le pouvoir économique.

Justement, il y a une perception selon laquelle le financement des partis politiques rime avec corruption. Vos commentaires ?
Jocelyn Chan Low : Bien sûr. On l’a vu ici et ailleurs. Il faut qu’il y ait un barème. Cela dit, il faut faire ressortir que les politiciens ne remettent pas en question ce système. Ils ont tout à gagner d’être financés par les entreprises. 
Pierre Dinan : Le financement des partis politiques peut être dévié. Il faut absolument réglementer. Il faudrait, à mon avis, fixer un plafond du montant que chaque entreprise pourrait accorder et que ce soit révélé dans les comptes. Certes, certaines entreprises révèlent la totalité du montant accordé aux partis politiques, mais elles devraient donner plus de détails sur le montant accordé. Dans cette optique, il faudrait amender la Companies Act. Il y aura alors une totale transparence. Parallèlement, il faudrait que les partis politiques publient les sommes qu’ils ont reçues et les noms des compagnies donatrices. En jouant la pleine transparence, on devient l’ennemi de la corruption. Ce que je trouve aussi regrettable ce que les partis politiques n’existent que parce qu’ils sont reconnus par l’Electoral Supervisory Commission. Or, les partis ne sont qu’un assemblage de personnes et sont loin d’être une organisation de type légal et formel. Un parti politique n’est, en effet, ni une compagnie, ni une association et encore moins une coopérative. Or, il aurait fallu qu’un parti politique soit incorporé sous la Companies Act. Il aurait ainsi des directeurs et des comptes audités tous les ans. Il devrait rendre compte des aides reçues et des dépenses faites qui seraient dûment auditées par des experts-comptables.
Rajiv Servansingh : La meilleure formule, ce serait de créer un fonds dans lequel les entreprises ainsi que l’État apporteront leur contribution. Ce fonds devra être géré par la Commission électorale pour le financement les partis politiques selon une formule qui reste à trouver. Dans un tel cas, le financement direct d’un parti politique par une firme ou un individu serait un acte illégal. Avec cette formule, les entreprises apporteront leur contribution au bon fonctionnement de la démocratie. Le gouvernement apportera aussi sa part. La distribution sera faite selon une formule agréée et aucune des entreprises y ayant contribué ne pourra venir demander des faveurs par la suite.

Est-ce sain pour la démocratie que certains conglomérats participent à la vie politique en avançant des dons aux politiques ?  
Rajiv Servansingh : Il faudrait que les entreprises participent au fonctionnement de la démocratie, mais pas au financement d’un parti politique en particulier. D’où l’avantage de la formule que je propose. 
Jocelyn Chan Low : Non ! C’est l’État qui doit financer les partis politiques afin que ces derniers ne soient pas l’otage du secteur privé. Il faut que la population sache les désavantages de ce type de financement. C’est cette pédagogie qu’il faut inculquer au peuple. Je crois que la population s’opposera à cette idée si elle connaît toutes les conséquences de ce type d’aide.

 

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