Les requins font parler d’eux ces derniers temps. Notamment depuis que le corps déchiqueté d’un pêcheur a été retrouvé à l’île aux Flamants en décembre dernier. Faut-il avoir peur ?
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Qui n’a jamais regardé Les Dents de la mer ? Une franchise qui a, sans doute, contribué à la mauvaise presse faite aux requins. Considérés comme de redoutables prédateurs des océans, ils sèment la peur.
Une frayeur qui a gagné certains Mauriciens depuis que le corps sans vie d’un pêcheur a été déchiqueté par un squale en décembre dernier, à l’île aux Flamants. Depuis, plusieurs vidéos circulent sur les réseaux sociaux (voir encadré), où l’on peut apercevoir des requins dans plusieurs régions de l’île. Pourquoi rôdent-ils dans les parages ? Explications avec l’ingénieur en environnement et océanographe, Vassen Kauppaymuthoo.
D’emblée, il indique que les requins font partie de l’écosystème marin et jouent un rôle important dans l’équilibre écologique des océans. « Les requins sont présents dans les océans et les lagons depuis plus de 420 millions d’années. Il existe plus de 500 espèces de requins regroupées en 35 familles », dit-il.
Cependant, dit Vassen Kauppaymuthoo, depuis quelques décennies, leur population décroît rapidement. « Surtout à cause de la pêche aux ailerons de requins destinés aux pays asiatiques, qui décime plus de 100 millions de requins chaque année. »
L’effondrement des stocks de poissons à travers le monde a également eu un impact sur la population des requins. Un effondrement lié à la surpêche et la pêche industrielle (un tiers des stocks de poissons s’est effondré, un tiers va s’effondrer à court terme et il est estimé que le dernier tiers s’effondrera d’ici 2050), ainsi que le changement climatique qui a entraîné la création de grandes zones atoxiques.
Conséquence : les squales doivent désormais trouver de nouveaux territoires, avec un déséquilibre au niveau des espèces, fait savoir Vassen Kauppaymuthoo. « C’est ainsi que les requins de récifs (pointe blanche, pointe noire) et le requin bleu océanique sont en train de disparaître, alors que des espèces opportunistes comme le requin bouledogue et le requin tigre prolifèrent. »
Quid du requin blanc ? « Je n’en ai vu qu’une fois en plongée, au large de Flic-en-Flac. Il préfère les eaux plus froides, comme au Capo en Afrique du Sud. »
Pourquoi rôdent-ils dans nos parages ?
La présence des requins près de nos côtes et même dans les lagons représente un changement de comportement et de territorialité. Cela peut être lié à la présence de fermes aquacoles et de marinas/ports de pêche où les pêcheurs éviscèrent les poissons et rejettent les tripes à la mer, avance l’océanographe.
Vassen Kauppaymuthoo cite ce qu’il s’est passé à l’île de la Réunion. « La ‘crise requin’ a commencé en 2011, au moment de l’installation de la ferme marine de Saint Paul. Le nombre d’attaques, qui était de 3 pour une période de 10 ans entre 2000 et 2011, est passé à 25 entre 2011 et 2021, avec 11 morts, même des baigneurs dans un mètre d’eau ! »
Les espèces incriminées dans les attaques non provoquées sont principalement les requins bouledogue et tigre, poursuit-il. C’est pourquoi il estime que la présence des requins dans nos eaux pourrait être liée à la présence et au développement de fermes aquacoles qui auraient attiré les requins bouledogues qui sont territoriaux et qui ont lentement éliminé les autres espèces de requins de récifs.
Selon Vassen Kauppaymuthoo, un requin est à la recherche de proies pour se nourrir. Or, chasser des proies sauvages lui demande beaucoup d’énergie et le rendement de la pêche est souvent médiocre. « On retrouve quelques fois des requins qui suivent les bancs de dauphins – j’en ai vu personnellement dans l’ouest – car ils font partie de leurs proies. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il est dangereux de nager avec les dauphins en plein océan. »
Il souligne que les fermes aquacoles renferment une concentration de poissons importante, faciles à chasser, dans des eaux troubles, simplement en déchirant les filets avec leurs dents coupantes. D’ailleurs, lance-t-il, des filets supplémentaires ou la pêche aux requins organisée par les fermes aquacoles ne changeront pas la donne.
« Cette situation est inquiétante, surtout après une période de plus de 42 ans sans attaque mortelle. Cela pourrait laisser présager une augmentation des attaques à Maurice. Ce serait catastrophique pour la population mauricienne ainsi que pour les activités touristiques et nautiques. Pourtant, depuis plus de 15 ans j’avais signalé le risque de requins lié aux activités aquacoles. »
L’océanographe se prononce en faveur d’une étude scientifique afin de déterminer le nombre et les espèces de requins présents dans les lagons à travers l’île, y compris dans l’Est où la majorité des activités aquacoles sont pratiquées. Ce qui permettrait de faire la lumière sur la situation et prendre les mesures qui s’imposent. « Je n’ose imaginer ce qui pourrait arriver si nous traversions une ‘crise requin’ comme celle que La Réunion a connue. C’est un risque à prendre très au sérieux. »
Timides…
Les requins de récifs sont quelques fois visibles le jour. Ils occupaient la niche écologique de nos lagons avant que les zones côtières de Maurice ne se développent. On en retrouve dans les lagons à Saint Brandon. Vassen Kauppaymuthoo rappelle qu’un requin bouledogue de presque deux mètres a été pêché à La Preneuse dans le canal creusé pour les pêcheurs dans le lagon. En général, les requins sont plutôt timides et ils n’aiment pas le bruit et les perturbations causés par les activités humaines. « Ils ont un système de capteurs de champs électromagnétiques très puissant, les ampoules de Lorenzini. »
Attention aux vidéos en circulation
Vassen Kauppaymuthoo demande de faire attention aux images et vidéos que l’on trouve sur les réseaux sociaux provenant d’autres endroits à travers le monde. Il recommande d’en vérifier la source avant de poster une photo ou une vidéo pour ne pas véhiculer de fausses informations.
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