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Enregistrement du mariage ‘nikaah’ : à quand une loi adéquate ?

Le mariage de Nazia n’est pas reconnu et elle ne peut bénéficier de la pension de veuve.

L’État civil ne reconnaît aucun mariage ‘nikaah’ célébré dans une mosquée non enregistrée auprès du Muslim Family Council. Ainsi, si les épouses deviennent veuves, elles ne bénéficieront d’aucune pension. Me Arvin Halkhoree estime qu’un lobby doit être fait au niveau des parlementaires pour présenter une loi adéquate au Parlement.

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C’est le cas de Bibi Nazia N., 33 ans, une habitante de Terre-Rouge, qui s’est mariée religieusement (nikaah) avec un certain Salim K. (né à Maurice le 22 mai 1979). Le mariage religieux a été célébré le dimanche 23 mai 2004 dans une mosquée à Terre-Rouge qui est gérée par la société Masjid Bawa Jahangeer Shah et dont le président est M. Hamza.

L’époux de Nazia est décédé le 24 mars 2018. L’imam qui a célébré le mariage est aussi décédé depuis environ sept ans. Malheureusement pour Bibi Nazia, son mariage n’avait pas été enregistré auprès du Muslim Family Council (MFC). De ce fait, depuis qu’elle est veuve, cette mère de deux enfants, 10 et 4 ans, qui ont été dûment déclarés par leur père, n’a pas droit à une pension de veuve. La raison avancée est que son mariage n’avait jamais été enregistré par l’État civil.

Nazia s’interroge : un enregistrement de nikaah tardif est-il possible dans son cas ? D’autant qu’elle a en sa possession le certificat du mariage religieux et un affidavit pour prouver que le mariage (nikaah)avait bel et bien eu lieu.

M. Hamza du Masjid Bawa Jahangeer Shah, estime qu’il y a des anomalies dans la loi qu’il faut corriger. « Quand j’ai téléphoné à la Sécurité sociale, on m’a dit que notre mosquée n’est pas enregistrée auprès du MFC. De ce fait, les mariages que nous y célébrons ne sont pas reconnus par le MFC et l’État civil. Donc, toutes les femmes qui se sont mariées dans des mosquées qui ne sont pas enregistrées auprès du MFC ne sont pas reconnues comme des femmes mariées par l’État civil. Pour qu’elles le soient, il faut un amendement de la loi », juge M. Hamza. 

Notre interloculeur révèle que, tout récemment, les gens concernés par ce problème s’étaient réunis pour qu’un consensus y soit dégagé. « On nous a dit qu’on allait tout examiner après les élections. On attend toujours que le gouvernement adopte une prise de position. J’ai appris qu’à la Sécurité sociale, tous les jours il y a des veuves qui viennent se lamenter. Et la majorité d’entre elles ne touchent pas de pension même si elles avaient fait un ‘nikaah’. C’est le cas de Nazia. Et beaucoup d’autres femmes sont dans la même situation qu’elle », nous lâche M. Hamza.

Avis d’un avocat

Ainsi, la rédaction a sollicité l’avis de Me Arvin Halkhoree sur la question. « Il y a des efforts qui sont faits pour que les mariages musulmans, qui ont eu lieu à partir des années 90, soient reconnus par la loi. Mais, à ce jour, il n’y a rien eu de concret. À la mort de l’époux, sa veuve n’a pas droit à une pension (ndlr : si le mariage n’a pas été enregistré auprès du MFC). De plus, quand il y a un accident de la route, l’épouse ne peut réclamer des dédommagements», explique-t-il.

Quelle est la solution ? « Le Parlement doit venir avec une loi pour régulariser la situation », précise Me Arvin Halkhoree. « Vous conviendrez que ce n’est pas un problème qu’on traite pour la première fois. Vous avez souvent été appelés pour essayer de trouver une solution pour toutes les femmes se trouvant dans cette situation. C’est un problème très courant et très répandu à Maurice. Un lobby doit être fait au niveau des parlementaires pour présenter une loi adéquate à l’Assemblée Nationale », ajoute Me Halkhoree.

Ceci dit, l’avocat rappelle qu’au début des années 80, la loi a été amendée pour que l’enfant d’un couple, reconnu(e) par le père et la mère, soit aussi reconnu par l’État, même si le couple n’a pas été marié civilement. L’enfant sera reconnu(e) comme un(e) enfant naturel(le). Il/elle bénéficiera de tous les droits propres à un(e) enfant légitime.

Cependant, Me Halkhoree insiste que la solution à ce problème réside auprès de l’instance qui est appelée à se charger du mariage religieux, c’est-à-dire le MFC, et non pas le tribunal. Toutefois, il estime que c’est un problème qui mérite d’être étudié à fond.

Idem du côté de la rédaction qui compte revenir plus longuement sur ce problème : pourquoi il y a des mosquées qui sont enregistrées auprès du MFC et pourquoi il y en a d’autres qui ne le sont pas ?

 

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