
Dev Jokhoo prend la tête d’un système carcéral en crise. Entre trafic de drogue, complicités internes, sous-effectif et allégations de corruption, le nouveau commissaire des prisons est attendu au tournant. Les défis sont immenses et l’urgence palpable.
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Dev Jokhoo prend les rênes du système carcéral mauricien. Ancien directeur général des National Security Services (NSS), il a été nommé commissaire des prisons, comme l’avait annoncé Le Défi Quotidien il y a près d’un mois. Cette nomination suscite de grandes attentes, tant les défis sont nombreux derrière les murs des établissements pénitentiaires. De la surpopulation à la réinsertion, en passant par la sécurité interne, Dev Jokhoo hérite d’un milieu en crise.
Drogue
Le constat est sans appel : la drogue reste le défi majeur du milieu carcéral mauricien. « Des détenus se droguent en plein jour, à la vue de tous », avancent des sources. L’arrivée du nouveau commissaire des prisons, fait-on comprendre, doit marquer un tournant. « Il y a le trafic, il y a la consommation. Mais pour qu’il y ait de la drogue, il faut qu’elle entre. Il y a forcément des transporteurs », confie-t-on. Le découragement est palpable parmi les gardiens. « Nous faisons ce que nous pouvons, mais c’est une guerre perdue d’avance », souffle-t-on. La menace d’une overdose plane en permanence. Les produits illicites circulent entre les murs, franchissent les grilles, souvent sans rencontrer de résistance.
Connivence
Autre chantier urgent : nettoyer les rangs de l’administration pénitentiaire. « Il y a des brebis galeuses parmi les gardiens. Et des gradés qui ferment les yeux, voire qui profitent du système », dénoncent nos sources. Le rapport de la Commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen en 2018, avait déjà mis en lumière les complicités entre personnel et détenus. Rien n’a vraiment changé depuis. « Le nouveau commissaire devra faire le ménage, sans pitié, y compris parmi les officiers supérieurs », insiste-t-on.
Renseignement et fouilles
Sous-effectif chronique, dispositifs dépassés, manque de coordination : les failles dans le système carcéral ne sont plus un secret. « Il y a un vrai problème de sous-effectif », martèlent nos sources. Ces dernières appellent à une refonte du renseignement interne.
« Il faut créer une cellule de renseignement efficace et dissoudre l’actuelle Special Intelligence Unit, qui a montré ses limites », réclame-t-on.
Autre revendication récurrente : la promotion attendue des gardiens, ainsi qu’un retour massif des fouilles générales, les « General turn-outs », dans l’ensemble des établissements pénitentiaires. L’installation d’un système plus performant de brouillage des réseaux téléphoniques est également réclamée, alors que les saisies de portables se multiplient.
Début février, pour rappel, un téléphone dernier cri a été retrouvé lors d’une fouille dans les dortoirs du Block B, à la prison de Beau-Bassin. L’appareil avait été dissimulé par un détenu sud-africain, qui a ensuite dénoncé l’un de ses codétenus, impliqué dans une affaire de trafic de drogue, comme étant le véritable propriétaire. Considéré comme un maillon stratégique du narcotrafic en détention, ce dernier a été transféré à la prison de haute sécurité de La Bastille, à Phœnix.
Allégations de Peroomal Veeren à la FCC
Les allégations de Peroomal Veeren continuent de faire trembler les murs de La Bastille. Mi-mars, des agents de la Financial Crimes Commission (FCC) se sont rendus à la prison de Phœnix pour enregistrer la déposition de l’intéressé, en présence de son avocat. Le détenu, classé « high profile », a profité de cette audition pour dénoncer les pratiques opaques à l’intérieur même de l’univers carcéral.
Selon lui, plusieurs demandes de transfert vers les établissements de Beau-Bassin et de Melrose, invoquant des raisons médicales, sont restées sans suite. Mais c’est surtout l’accusation visant un haut gradé qui fait l’effet d’une bombe : ce dernier lui aurait réclamé Rs 2,5 millions en échange de son déplacement. « De lame bate fer son, bizin gress lapat », lui aurait-il lancé. Nos informateurs appellent le nouveau commissaire des prisons à faire toute la lumière sur ces accusations, dans un climat de méfiance généralisée entre détenus, gardiens et direction.
Une réunion avec l’état-major
Dev Jokhoo s’est rendu mercredi, aux alentours de 11 heures, au quartier général de l’administration pénitentiaire à la prison centrale de Beau-Bassin. Objectif : une réunion à huis clos avec l’état-major. « Espérons qu’il ne tombera pas dans les pièges du système et qu’il fera preuve de bon sens. La prison, ce n’est pas une promenade de santé : on y gère des hors-la-loi, des trafiquants, et une machine en panne », indique-t-on.

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