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Combat perdu d’avance

Si les relations industrielles à Maurice ont connu une dégradation marquante l'an dernier, rien, a priori, ne laisse présager un inversement de cette tendance cette année. En effet, la lutte pour la défense des droits et intérêts des travailleurs ressemble plutôt à un combat perdu d'avance. Les lois du travail aidant, la première victime du système économique actuel, fondé sur la politique des profits à tout prix, n'est autre que le salarié. Précarité, politique de bas salaires, burn out, licenciements… le travailleur encaisse, subit. Sur le plan global, le Bureau international du travail (BIT) évoque même une « crise de l'emploi ». Devant le  rouleau compresseur que représente le système ultralibéral, les responsables des associations syndicales ne peuvent que constater leur impuissance ; leurs réunions et manifestations de revendications ne constituant qu'un cri dans le désert. Et ils en sont conscients. Ils savent aussi que seul un changement de cap économique dans le but fondamental de replacer l'être humain au centre du développement pourrait restaurer le respect des droits de l'individu et la dignité des travailleurs. Il convient de faire ressortir que, de par le monde, les causes principales de la crise sociale sont tributaires non seulement d'une érosion significative de toutes les valeurs reconnues au travail, mais aussi d'une répartition injuste de l'offre du travail et de revenus. Que représentent, après tout, les dividendes faramineux des actionnaires si ce n'est qu'une partie non négligeable de la contribution directe des travailleurs dans l'avancement de l'entreprise ? Il va de soi qu'un système de développement économique, dont l'énorme  fragilité a été mise en évidence à plusieurs reprises, ne pourrait constituer le socle du bonheur et vecteur du bien-être des populations. Dans une récente déclaration au New York Times, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, évoque son inquiétude pour l'économie mondiale, « affaiblie par des crises répétitives » et maintenant « menacée par un cercle vicieux lié aux taux d'intérêts aux États-Unis – une situation qui alimente l'incertitude  et une plus forte volatilité des marchés ». D'autre part, la chute vertigineuse des cours des matières premières, provoquée dans une grande mesure par une décélération des activités économiques, plombent les finances des pays émergents qui les exportent et dont les progrès économiques réalisés ces dernières années semblent aujourd'hui menacés. Ainsi, en Russie, en Inde comme en Chine, après des années de croissance soutenue, le rythme de la création d'emplois a considérablement diminué et les nouveaux emplois, majoritairement des contrats à durée déterminée (CDD), ne font qu'intensifier la précarisation du secteur du travail. Une telle situation, faut-il le rappeler, avait pris son essor après les événements de novembre 1990, lorsque l'appréhension des pays occidentaux par rapport à l'influence contagieuse du système économique et politique de l'Europe de l'Est se soit finalement dissipée. C'est cette même appréhension qui jadis faisait le bonheur des travailleurs, car entreprises et États consentaient alors à des augmentations de salaires régulières et des droits sociaux appréciables. En revanche, dans un monde globalisé où les travailleurs occidentaux sont mis en concurrence avec ceux moins bien payés des pays de l'Est et de l'Asie, c'est le détenteur du capital qui tire le plus grand bénéfice. Ce dernier peut même faire circuler son argent comme bon lui semble afin de profiter des opportunités maximales de rendement sur capital, des taxations favorables ou alors fuir les régimes fiscaux existants. Or, une des sources principales de l'appauvrissement des pays du Sud et de l'endettement des pays du Nord, c'est justement l'évasion fiscale – pratique sur laquelle même les donneurs des leçons de Bretton Woods continuent de mener la politique de l'autruche. Par ailleurs, la crise de 2008-2009 et celle de la dette de 2010-2011 en Europe n’ont fait que confirmer les lignes de fracture dont le système financiarisé global est parcouru. Et des secousses qui s'ensuivent, ce sont les travailleurs qui en font le plus durement les frais. Pourtant, depuis la Grande dépression du 19e siècle, l'économie mondiale est toujours à la recherche de nouveaux réglages, de nouveaux équilibres. Cela, dans le but de faire la part entre l'État et le marché, entre le capital et le travail.
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