
Jérôme Clarenc, directeur général de Moroil, souligne que l’entreprise, leader du marché local des huiles comestibles, se concentre sur la sécurité alimentaire et la qualité de ses produits. Elle investit également dans le recyclage des emballages plastiques pour répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux.
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À décembre 2024, quelle était la position de Moroil sur le marché des huiles comestibles locales ?
Moroil est leader des huiles comestibles sur le marché local. Nous devons cela à nos marques fortes synonymes de confiance, notre rigueur sur la qualité de nos produits et sur l’engagement sans faille de nos équipes.
Je voudrais vraiment souligner l’importance pour le pays d’avoir une base industrielle forte afin de garantir une sécurité alimentaire. Nous avons mis en place un plan d’investissement pour une efficience optimale de notre usine et ainsi pouvoir assurer à la population mauricienne un approvisionnement continu à des prix compétitifs.
Comment Moroil s’est-elle développée depuis sa création ? Et quels sont les facteurs qui ont favorisé son expansion, faisant de l’entreprise le leader de sa filière à Maurice ?
Pour vous situer, Moroil a vu le jour en 1968, répondant au besoin pour le pays de créer une industrie de substitution visant à renforcer la sécurité alimentaire, diversifier l’économie et créer des emplois.
Je dirais que notre présence depuis toutes ces années est le résultat de plusieurs facteurs. Avant tout, avec le soutien du conseil d’administration, nous investissons régulièrement dans des équipements de renommée mondiale, intégrant les dernières avancées technologiques, ce qui reflète notre engagement constant à rester à la pointe de l’innovation.
Le savoir-faire de nos employés et la maîtrise de la chaîne de valeur, allant de l’achat des matières premières, en passant par le raffinage et le conditionnement, jusqu’à la livraison des produits finis, constituent un atout majeur. Notre partenariat stratégique avec Lesieur nous a permis de bénéficier d’une expertise internationale, mais aussi de produire et de commercialiser cette marque localement.
Notre agilité à répondre aux attentes évolutives de nos clients de divers segments, qui nous sont restés fidèles, renforce notre position sur le marché. Nous jouons également un rôle clé dans la fourniture d’huile en vrac à l’industrie et au secteur hôtelier. Notre engagement collectif envers la qualité est confirmé par l’obtention de certifications telles que la HACCP, BRCGS et MSB, sans compter notre diversification dans une gamme de produits alimentaires de qualité.
Un facteur fort de notre expansion reste notre engagement en tant que membre fondateur de l’AMM (Association of Mauritian Manufacturers) et du label « Made in Moris », symbole de la confiance et de la valorisation de la production locale.
Dans quelles proportions Moroil a-t-elle subi les impacts générés par la crise de la Covid et comment s’en est-elle sortie ? A-t-elle recouru aux différents soutiens accordés à ce moment-là par l’État ? Est-ce qu’on peut dire qu’à ce jour, elle a pu renouer avec la normalité pré-Covid ?
Grâce à la réactivité et à la polyvalence de ses équipes, Moroil a pu assurer l’approvisionnement du pays en huile comestible pendant la crise de la Covid-19. Toutefois, à la suite de cette crise sanitaire, le pays a rapidement été confronté à un autre défi majeur, notamment la difficulté d’approvisionnement d’huiles végétales causée par la guerre en Ukraine. Je me rappelle encore que certains pays producteurs fermaient leurs portes à l’exportation. Encore une fois, nous avons pu maintenir notre production en nous appuyant sur des partenariats solides avec nos fournisseurs de matières premières et rester fidèles à nos engagements.
Imaginez-vous un pays tourné seulement vers une importation de produits finis ? Cette résilience souligne plus que jamais le rôle essentiel d’une production locale, avec des circuits courts, garantissant la sécurité alimentaire de notre île. Quant au retour à la normalité pré-Covid, à ce jour le manque de devises étrangères demeure très inquiétant.
Depuis ces dix à 20 dernières années, Maurice connaît des mutations profondes en matière alimentaire, en termes de variétés et d’ouverture à d’autres types d’alimentation. Comment Moroil répond elle à cette nouvelle réalité ?
Nous avons toujours su rester à l’écoute des attentes du marché en proposant des produits adaptés et variés. En complément de ses huiles raffinées localement, l’entreprise offre une large gamme d’huiles importées telles que les huiles d’olive, de pépins de raisin, de maïs, de colza et bien d’autres, répondant ainsi à une demande de plus en plus diversifiée.
En plus de ses huiles, Moroil propose également divers produits alimentaires de qualité, afin de satisfaire les besoins évolutifs des consommateurs.
Maurice a assisté ces dernières années à l’éclosion de grandes surfaces alimentaires, dont la plupart ont aménagé une aire de restauration aux quatre coins de l’île. Quel en a été l’impact pour Moroil ?
Notre mode alimentaire a évolué, d’où de nombreuses aires de restauration (« food courts ») à travers l’île. L’entreprise a été impactée et a dû s’adapter en proposant des formats spécifiques pour répondre aux besoins de nouvelles structures. Dans certains cas, elle assure aussi des livraisons en vrac, réduisant ainsi l’usage de plastique à usage unique.
Depuis l’apparition de la Covid, les chocs liés à l’appréciation du dollar, au coût du fret et à certaines perturbations dans l’approvisionnement de nombreux produits continuent d’influencer les prix des denrées alimentaires. Comment l’entreprise gère-t-elle ces problématiques ?
Les prix des huiles végétales brutes demeurent extrêmement volatils sur le marché international. Nous sommes attentifs à tous les facteurs qui ont un impact sur les prix d’huiles et prenons les décisions appropriées pour nos achats avec l’aide de nos partenaires internationaux.
Y a-t-il une surconsommation d’huiles ménagères par les Mauriciens, ce qui, selon certaines études, constitue un facteur favorisant les problèmes cardiaques, ainsi que les maladies non transmissibles, comme le diabète et l’hypertension ? Comment Moroil contribue-t-elle à promouvoir une consommation alimentaire responsable ?
Notre pays enregistre un des taux les plus élevés de diabète au monde et un quart des décès dans le pays est attribué aux maladies cardiovasculaires. Tout excès nuit ! Un effort conjoint du secteur privé et des autorités doit continuer sur l’éducation et la conscientisation de la population sur un style de vie alliant alimentation équilibrée et activité physique régulière.
Je voudrais faire ressortir que les huiles de Moroil, soumis à un raffinage responsable, sont toutes végétales et riches en acides gras essentiels ; l’huile de soja est source d’oméga 3, tandis que l’huile de tournesol a une teneur élevée en vitamine E et en oméga 6. De plus, les huiles doivent impérativement subir des conditions de cuissons optimales afin de ne pas éliminer les éléments essentiels.
Moroil a participé à des campagnes de sensibilisation auprès du grand public et nous avons aussi été partie prenante à l’élaboration du ‘Food Act 2022’.
La taille du marché mauricien peut-elle limiter l’expansion de Moroil ? Dans ce cas, serait-il judicieux pour l’entreprise de se tourner vers des marchés régionaux et continentaux ?
Effectivement la taille du marché local est limitée et ne permet pas de réaliser des économies d’échelle. Toutefois, Moroil dispose d’une capacité de production excédentaire d’environ 50 %, avec pour objectif de développer l’exportation vers les marchés régionaux. Malheureusement, les règles d’origine en vigueur nous freinent dans cette démarche. Il est important de souligner que s’inscrire sur les marchés régionaux permettrait de valoriser le savoir-faire local et, par ailleurs, toute ouverture à l’export contribuerait significativement à l’économie nationale en générant des entrées de devises appréciables.
Depuis dix ans, les experts en consommation saine encouragent l’utilisation d’huiles de cuisson telles que l’huile d’olive ou d’avocat. Ces alternatives vous semblent-elles pertinentes et réalisables à Maurice ?
Chaque huile a son utilisation. Pour une bonne friture, je conseillerais l’huile Rani ; pour les cuissons de tous les jours, nos huiles de soja ou tournesol. Vous mentionnez l’huile d’olive ou d’avocat. Ce sont des produits que nous avons dans notre gamme et qui répondent davantage à l’assaisonnement de plats, notamment pour relever le goût.
Comment adressez vous les enjeux de coûts liés à la volatilité dans votre filière, tels que les conditions climatiques, les rendements des cultures ou encore les tensions géopolitiques ?
Les enjeux de coûts liés à la volatilité représentent effectivement des défis dans notre filière. Pour y faire face, nous nous appuyons sur des partenariats solides avec nos fournisseurs internationaux, qui nous permettent d’anticiper et de minimiser ces impacts grâce à du ‘Market Intelligence’. Toutefois, il est important de reconnaître que certains facteurs, dont ceux que vous mentionnez, restent hors de notre contrôle, et cela vaut aussi bien pour Moroil que pour l’ensemble du pays.
Est-ce que les pays du groupe des BRICS peuvent offrir une alternative en termes d’approvisionnement en matières premières pour la production d’huiles de cuisson ?
Le Brésil est le plus gros producteur d’huile de soja au monde et Moroil s’approvisionne déjà de cette région. Les autres pays du groupe des BRICS ne constituent pas tous une alternative complète pour l’approvisionnement en matières premières destinées à la production d’huiles de cuisson. En effet, tous ne produisent pas en quantité suffisante pour pouvoir exporter des oléagineux.
Au niveau des emballages, votre secteur compte parmi ceux qui produisent le plus grand nombre de bouteilles en plastique. Quelle est votre politique en matière de récupération et de recyclage de ces emballages ? Est-ce que vous constatez que les Mauriciens sont sensibles à la cause environnementale, devenue un enjeu économique de premier plan ?
Nous avons mené durant ces six derniers mois un cycle de travaux sur notre positionnement en tant qu’industrie du futur, débouchant sur un programme de transformation interne déjà engagé - Moroil 2030. Cette mobilisation de nos comités de direction et de notre équipe exécutive s’est aussi inspirée des évolutions sociétales à l’image de la population qui est sensible aux engagements durables.
Parmi nos initiatives d’économie circulaire, nous utilisons majoritairement des bouteilles recyclables et travaillons à l’approvisionnement en bouteilles incorporant de la matière recyclée. Nous livrons certains clients professionnels (hôtels, industriels, revendeurs) des huiles en conteneurs de 1 000 L ce qui limite l’usage de plastiques et de cartons d’emballages ; nous poursuivons ainsi des efforts engagés depuis plusieurs années.
Par ailleurs, Moroil a développé un partenariat avec Bioil Ltd, collecteur agréé de déchets huileux et graisseux à Maurice, pour le recyclage des huiles alimentaires usagées. Les huiles usagées sont collectées grâce au dispositif BioilBox – des conteneurs spécialement conçus et placés dans des points clés – puis transformées en sources d’énergie verte telles que le biocarburant, le biodiesel, le biokérosène ou le biogaz, offrant donc des alternatives aux carburants fossiles.
Cette initiative vise à sensibiliser la population et les professionnels à adopter les bons gestes pour éviter que ces déchets ne finissent dans la nature. De par cela, ces gestes contribuent à la protection de notre île et de ses écosystèmes.
De plus, la décision prise par Moroil de travailler avec des professionnels pour installer des panneaux photovoltaïques va permettre d’ajouter de l’énergie propre au réseau, de réduire les émissions de notre usine et de contribuer à l’objectif national de 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2035.
Ces projets illustrent la volonté de Moroil de réduire notre empreinte carbone et de concilier production, innovation et responsabilité environnementale, tout en sensibilisant nos compatriotes à la protection de l’île.
Comment voyez-vous évoluer les prix de ces denrées cette année, compte tenu de l’érosion du pouvoir d’achat et des problématiques citées plus haut, mais aussi résultant d’une demande croissante au niveau mondial ?
Il est très difficile de répondre à cette question, car les prix des diverses matières premières restent extrêmement volatils en raison de plusieurs facteurs hors de notre contrôle. Je pense ici aux conditions climatiques, aux tensions géopolitiques, ainsi que l’utilisation croissante du biodiesel.
Dans un autre ordre d’idées, pensez vous qu’une filière agroalimentaire à Maurice soit possible et rentable pour réduire notre dépendance à l’étranger, tout en tenant compte des enjeux liés à la disponibilité limitée de terrains cultivables, à celle de la main-d’œuvre, aux coûts de production et aux limites du marché domestique ?
La création d’une offre agricole locale pour répondre aux besoins de notre filière agroalimentaire, celle des huiles végétales, est séduisante, mais ce ne serait malheureusement pas rentable d’avoir une cultivation sur nos terres. Pour vous donner une idée de grandeur, il faudrait environ 1 arpent de terre pour produire seulement 200 L d’huile de soja. Le potentiel d’approvisionnement se situerait davantage au niveau régional.
C’est dans cet espace de réflexion stratégique que Moroil s’engage, avec des visées de long terme, pour des partenariats agro-industriels régionaux devant aussi améliorer la sécurité d’approvisionnement de notre île.
Je veux vraiment mettre l’emphase sur le rôle majeur de l’industrie locale dans le développement économique, social et environnemental d’un pays. Elle permet de réduire la dépendance aux importations, générer des emplois dans divers secteurs, améliorer sa balance commerciale et assurer une meilleure autonomie en matière de sécurité alimentaire.
N’oublions pas que l’industrie locale a joué un rôle crucial pour le pays pendant la pandémie de Covid-19 et le conflit en Ukraine. Ces crises ont mis en évidence la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement globales, entraînant un manque de produits essentiels. Dans notre secteur, notamment celui de la production des huiles végétales, nous avons fait preuve de résilience et avons pu garantir un approvisionnement continu à la population.
Je voudrais conclure en disant que la sécurité alimentaire est un facteur de stabilité ; investir dans ce domaine, c’est investir dans son avenir.

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