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Avec ou sans le Royaume-Uni, l’Europe ne sera plus la même

Un peu de surréalisme n’a jamais effrayé Bruxelles. Depuis des semaines, les responsables européens ont tenté de bannir le terme Brexit [contraction entre Britain et Exit] du vocabulaire officiel, esquivant les débats trop sensibles sur le sort du Royaume-Uni. Mais dans les coulisses, le sujet est sur tous les agendas. Car, quelle que soit l’issue du vote des Britanniques [le résultat officiel sera annoncé vendredi matin 24 juin à la mairie de Manchester], partir ou rester, l’Union européenne devra certainement entreprendre des changements d’une ampleur inédite afin de poursuivre son chemin. Un divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, premier du genre, porterait un nouveau coup à une Union déjà affaiblie par la crise migratoire, la mauvaise passe de son économie et la menace croissante du terrorisme. Et même si le pays décidait de rester, le statu quo ne serait pas une option viable, tant les thèmes qui ont agité la campagne du référendum britannique ont trouvé écho sur un Vieux Continent semblant avoir perdu confiance dans l’utopie européenne d’après-guerre. « Il serait insensé pour nous d’ignorer un signal d’alarme tel que le référendum britannique », a averti le président du Conseil européen lui-même, Donald Tusk. Dès les jours suivants le référendum, les dirigeants européens, qui n’ont pas brillé par leur discipline ces derniers mois pour trouver des solutions aux crises successives, devront s’entendre sur la marche à suivre. Mais même si le sentiment d’un changement nécessaire est partagé, « si vous regardez dans les détails pratiques, vous vous heurtez vite à des difficultés », note Chris Bickerton, professeur à l’université de Cambridge et auteur de « L'Union européenne : un guide pour les citoyens ».

Initiatives

« Il est très possible que les institutions communautaires aient un réflexe de type “retour au travail, retour à la normale” », estime Vivien Pertusot, analyste pour l’Institut français de relations internationales (Ifri) basé à Bruxelles. Le président français François Hollande a promis mercredi 22 juin que des initiatives seraient prises « quoi qu’il se passe » pour faire « évoluer la construction européenne ». Une initiative du couple franco-allemand est notamment envisagée, pouvant inclure des éléments d’une Europe « à deux vitesses », ou se limiter à la politique étrangère étant donné que les deux pays ont des avis divergents sur l’intégration de la zone euro. « Les Français et les Allemands vont annoncer une initiative conjointe mais s’en tiendront strictement à la sécurité et à la défense. Essayer de s’entendre rapidement sur l’économie, c’est trop difficile », rapporte un haut responsable de la zone euro, sous condition d’anonymat. En cas de maintien de son pays dans l'Union européenne, le Premier ministre David Cameron a d’ores et déjà prévenu qu’il exigerait plus de réformes sur la liberté de circulation, en plus des marges déjà négociées en février dans un accord avec ses 27 homologues. « Je ne pense pas que les réformes s’arrêtent le 23 juin, la voix des réformes sera renforcée, car nous aurons eu un référendum », a-t-il déclaré dans un entretien au Guardian, tandis que le camp du Brexit assure de son côté pouvoir négocier de nouveaux accords commerciaux avantageux avec l’Union européenne. « Les hommes politiques britanniques et les électeurs britanniques doivent savoir qu’il n’y aura en aucune sorte de nouvelle négociation » avec le Royaume-Uni, insiste mercredi 22 juin Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

Spirale négative

La crainte de nombreuses capitales européennes, quelle que soit l’issue du scrutin britannique, est de voir se multiplier les appels aux référendums. À l'extrême droite française, Marine Le Pen a déjà fait part de son souhait que se tienne « dans chaque pays » un vote populaire sur l’appartenance à l'Union, tout comme les eurosceptiques danois, néerlandais et suédois. Un vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union européenne aurait de son côté, à l'évidence, l’effet d'un tremblement de terre. Pour Donald Tusk, cela mènerait non seulement à « la destruction de l'Union mais aussi de la civilisation politique occidentale ». Ce ne sera pas le « coup fatal », explique pour sa part à l’AFP le Pr Bickerton, étant donné le rôle central de l'Union européenne dans la vie politique européenne, mais cela pourrait annoncer un changement fondamental en direction d’une union moins intégrée : « Je ne pense pas qu’elle disparaîtrait soudainement, mais à long terme on pourrait voir un déclin progressif et quelque chose de différent émerger », avance le Pr Bickerton. « L’Union européenne se trouve dans une spirale négative, et on commence à peine à remarquer le négatif », observe Janis Emmanouilidis, du Centre de politique européenne, un think-tank basé à Bruxelles. « Même un vote en faveur du maintien ne changera pas l'humeur générale », prédit-il.

Un dernier sondage donne RemaIN en tête à 52 %

Le maintien [RemaIN] du Royaume-Uni dans l'Union européenne était en tête des intentions de vote à 52%, contre 48 % pour le Brexit, indique un sondage publié jeudi 23 juin en plein référendum, mais réalisé avant le début du vote. La publication de ce sondage, effectué par l'institut Ipsos Mori pour le quotidien The Evening Standard, accentue la hausse de la livre sterling face au dollar et à l’euro, signe que les marchés envisagent une victoire du camp du maintien dans l’Union européenne.

Avec l'AFP

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