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Assises de l’Éducation : des réformes en vue, mais des interrogations persistent

Des mesures seront prises dès le début du deuxième trimestre pour répondre au mieux aux besoins des élèves.

Le rideau est tombé sur les Assises de l’Éducation 2025. L’heure est désormais à l’examen des centaines de recommandations reçues. Toutefois, le ministère de l’Éducation n’attend pas leur étude approfondie pour commencer à les appliquer : des mesures seront prises dès le début du deuxième trimestre. 

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Les Assises de l’Éducation ont réuni près de 4 000 participants au Mahatma Gandhi Institute (MGI) à Moka la semaine dernière. Ce fut un temps de réflexion sur l’éducation à Maurice : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qu’elle devrait devenir dans les années à venir.

Le porte-parole du ministère de l’Éducation, le pédagogue Preetam Mohitram, décrit les enjeux. « Nous avons reçu de nombreuses propositions, observations et questions durant ces trois jours. Les ONG et syndicats ont exprimé des incertitudes. D’autres ont soulevé divers sujets. Dans cette dynamique, nous voulons que toutes les parties prenantes contribuent avec leurs propositions. Nous avons constaté l’engagement de chacun. Les idées seront compilées sur différents volets de l’éducation, du préscolaire au secondaire, en passant par le Special Education Needs (SEN) et le TVET. Une équipe du ministère de l’Éducation se penchera dessus », indique-t-il.

Il ajoute que l’objectif est de définir une politique nationale de l’éducation. Cette démarche pourrait être la pierre angulaire d’une réforme éducative, que lui-même qualifie d’« école de demain ». Selon les propositions reçues, il faudra améliorer ce qui ne fonctionne pas.

Entre espoir et déception

Rishi Nursimulu, fondateur des écoles Dukesbridge avance qu’il est partagé entre espoir et un certain désenchantement. « La structure de l’événement, bien que fondée sur de bonnes intentions, a révélé certaines limites. Consacrer à peine 1h30 pour chaque session afin de traiter de thématiques aussi lourdes que l’éducation inclusive ou la réforme du curriculum était, à mon sens, trop ambitieux. Le temps manquait pour approfondir les enjeux, les discussions étaient précipitées, et parvenir à un consensus véritable relevait du défi. Par moments, cela ressemblait davantage à un exercice symbolique qu’à une réflexion de fond », explique-t-il.

...il est impératif de garantir un processus plus transparent, inclusif et respectueux de la diversité des points de vue.»

Ce qui l’a davantage préoccupé, c’est la manière dont certaines sessions ont été animées. « Dans le groupe de travail auquel j’ai participé – il était dédié au curriculum du primaire - plusieurs propositions concrètes et consensuelles ont été formulées : abandonner un système centré sur les examens, recentrer le PSAC sur la littératie et la numératie, éliminer les examens modulaires... Pourtant, lors de la restitution finale, ces idées avaient été écartées ou diluées. Trois des cinq recommandations retenues reflétaient exclusivement l’opinion d’un seul intervenant - représentant par ailleurs une institution publique - assis à côté du rapporteur. Cela soulève une question de fond : notre participation avait-elle réellement vocation à influencer les conclusions, ou le document final était-il déjà en grande partie prédéfini ? », fait-il ressortir.

Il ajoute : « Si les Assises de l’Éducation doivent véritablement refléter les voix présentes dans la salle, il est impératif de garantir un processus plus transparent, inclusif et respectueux de la diversité des points de vue. Sinon, nous risquons de tomber dans le piège d’une consultation qui donne l’apparence du dialogue sans en incarner la substance ».

Toutefois, Rishi Nursimulu choisit de rester optimiste, mais précise que : « pour que cet exercice mène à une réforme réelle, il ne suffit pas de parler. Il faut écouter. Écouter avec attention. Il faut aussi oser prioriser, faire des choix courageux et agir dans l’intérêt supérieur de tous les enfants ».

Constat mitigé

Pour sa part, le Dr Pascal Nadal estime que le processus de consultation est bénéfique. « On attend de voir la suite. Certains points interpellent. Les consultations de décembre dernier ont duré plus longtemps que les Assises. Une heure pour répondre à trois questions et proposer cinq solutions, c’est peu »,  indique-t-il.

Il accueille, néanmoins, la démarche et reste attentif à ses retombées. « Les délibérations semblent précipitées. Une meilleure préparation aurait été souhaitable. Les Assises ne doivent pas être un simple exercice de communication ni une plateforme légitimant des décisions déjà prises. Malgré un constat mitigé, il y a des personnes déterminées à améliorer la situation par leur engagement et leur présence. C’est pourquoi, lorsqu’elles constatent que le temps des Assises est détourné à d’autres fins, elles le regrettent. Mon souhait est que l’enfant reste la priorité, au cœur des débats », dit-il.

Aujourd’hui, l’accent est mis sur la pensée critique, l’analyse et la résolution de problèmes pour assurer un apprentissage durable.»

Pour sa part, le président de l’Union of Private Secondary Education Employee (UPSEE) souligne que les Assises ont permis aux acteurs de l’éducation de faire des propositions. « L’échange avec les experts internationaux nous a enrichis. Nous espérons que le ministère en tirera quelque chose de concret, surtout en termes d’implémentation. Les consultations doivent se poursuivre pour que l’éducation mauricienne en ressorte grandie », indique-t-il.

Mesures attendues

Les propositions issues de ces échanges seront analysées afin d’élaborer un plan stratégique pour l’éducation. Certaines mesures seront appliquées immédiatement, d’autres à moyen et long terme, avec validation du Cabinet des ministres.

Dès la rentrée, des activités extrascolaires et sportives seront renforcées, tout comme la formation des enseignants. Les écoles publiques ouvriront leurs infrastructures après les heures de cours et durant les vacances pour accueillir élèves et public, avec des initiatives axées sur le bien-être. Les recteurs bénéficieront de plus de pouvoir et les parents seront impliqués dans la résolution des défis scolaires.

Lors du deuxième trimestre, le ministre de l’Éducation, le Dr Mahend Gungapersad ira à la rencontre des élèves. Par ailleurs, une révision de la Children’s Act et de l’Education Act est prévue, avec un renforcement de la protection des enseignants. Le système d’évaluation et les critères d’admission en Grade 7 seront également repensés. L’intelligence artificielle et les technologies numériques seront intégrées à l’apprentissage.

À long terme, l’amélioration des infrastructures scolaires et la valorisation de la formation technique (TVET) seront des priorités. L’accès facilité aux psychologues scolaires fait aussi partie des préoccupations exprimées par les élèves. 

Apprendre à réfléchir plutôt qu’à mémoriser

Dans les sociétés modernes, les étudiants adoptent une posture de consommateurs, exigeant un service qui répond à leurs attentes. Ce phénomène contraste avec l’attitude des élèves traditionnels.
Le pédagogue, le Dr Michael Atchia souligne que l’apprentissage actif, basé sur « learning-by-doing », « The Discovery Method », favorise le développement des étudiants. Il précise qu’il y a 50 ans, Charles Gragg soulignait que l’apprentissage véritable nécessite une réflexion créative, et non la simple accumulation de faits.

« Avec l’évolution rapide des connaissances, mémoriser des informations devient insuffisant. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la pensée critique, l’analyse et la résolution de problèmes pour assurer un apprentissage durable. Pourtant, l’enseignement magistral reste répandu, souvent sans réelle participation des élèves. Certains cours stimulent la réflexion, mais la méthode du ‘tableau et craie’ ou des présentations PowerPoint limitent l’engagement actif », fait-il remarquer.

Il fait ressortir que les recherches montrent que l’apprentissage efficace passe par une implication mentale et physique des étudiants. Il rappelle ensuite que « The Discovery Method », développée au XXᵉ siècle et introduite avec succès en Afrique et à Maurice, notamment au Queen Elizabeth College (QEC), au Mauritius Institute of Éducation (MIE) et dans certains collèges du Bureau d’Éducation Catholique (BEC) à l’époque, a démontré son efficacité. Cependant, faute de ressources et de préparation, elle n’a jamais été généralisée.

Comparaison entre l’apprentissage de l’ère industrielle et celui de l’ère de l’information

Apprentissage de l’ère industrielle (ancien) Apprentissage de l’ère de l’information (nouveau)
Mémorisation et restitution Expérimentation et programmes ouverts
Développement intellectuel linéaire et concret Développement total (éthique, intellectuel et physique)
Conformité et uniformité Diversité et créativité
Apprentissage axé sur le contenu Apprentissage basé sur les processus et les concepts
Enseignement cloisonné par disciplines Apprentissage interdisciplinaire
Enseignants isolés, cours magistraux Enseignement collaboratif, apprentissage autonome et en groupe
Technologie comme outil isolé (stylo, papier, livres) Technologie intégrée (recherche sur internet, IA, outils TIC)
 

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