La ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille a annoncé la tenue d’assises nationales sur la famille et les femmes le 10 décembre. C’est un événement clé pour aborder les problématiques sociales qui frappent la société mauricienne. Elles ont pour objectif de rassembler les acteurs de la société civile, dont les ONG. Les constats seront mis en commun et des priorités d’action pour améliorer la situation des femmes et des enfants dans le pays seront définies.
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Le meurtre d’une fillette de 7 ans, enlevée et tuée dans la nuit de vendredi à Bain-des-Dames, choque profondément la société. Après ce drame, la ministre a réagi vivement : « Trop, c’est trop ! ». Il y a de la colère dans l’air après deux meurtres d’enfants en une semaine.
L’urgence d’une prise de conscience collective et d’une action concrète face à la montée de la violence et des souffrances familiales se fait pressante. Les assises seront une consultation qui permettra d’identifier les problèmes urgents et de comprendre les causes profondes des violences qui touchent les femmes et les enfants. Elles permettront de définir des solutions durables.
Approche globale
Pour Christiane Pasnin, de Caritas Solitude, une consultation approfondie avec les ONG est utile. Selon elle, les problèmes familiaux sont multiples et nécessitent une approche globale. « Il est essentiel de prendre en compte le bien-être des enfants, le milieu dans lequel ils grandissent. Il y a aussi la problématique des grossesses précoces et l’engagement des jeunes mères. »
Elle plaide pour la formation des parents et insiste sur la nécessité d’une meilleure évaluation de la situation des familles vulnérables. Un point important : l’implication des pères dans l’éducation des enfants est un aspect souvent négligé. Selon elle, il est primordial de comprendre comment répondre aux besoins des familles vulnérables et d’aider les jeunes mères à s’engager dans des parcours de formation pour mieux assumer leur rôle parental.
Séparations familiales
Christiane Pasnin met également en lumière la forte prévalence des séparations et la nécessité d’un soutien renforcé pour les personnes touchées. « L’éducation sexuelle et la prévention des grossesses précoces doivent être abordées à l’école pour permettre une meilleure prise de conscience chez les jeunes », estime-t-elle. Elle insiste sur l’importance de discuter en profondeur de ces questions pour trouver des solutions durables.
L’ONG Passerelle soutient ces assises. Elle salue l’approche inclusive et la volonté de la nouvelle ministre de collaborer avec la société civile. Selon Mégane Valère, porte-parole de l’organisation, cette démarche marque une rupture avec la position de l’ancienne ministre. Elle félicite cette approche plus concrète et adaptée aux défis sociaux du pays.
« Nous accueillons favorablement cette initiative et estimons que le gouvernement doit travailler main dans la main avec les ONG pour mettre en place des actions concrètes et adaptées aux besoins de la population », déclare Mégane Valère.
Violence domestique
La violence domestique figure parmi les priorités de Passerelle. L’ONG insiste sur la nécessité d’adopter une approche globale qui inclut non seulement des campagnes de sensibilisation, mais aussi des programmes pour impliquer les hommes dans cette lutte. « La violence domestique est une problématique complexe qui touche plusieurs aspects de la vie des femmes : violence physique, économique, psychologique et structurelle. Il est essentiel de protéger et d’autonomiser les femmes en mettant en place des solutions à la fois préventives et réparatrices », explique-t-elle.
Les femmes sans abri
Passerelle attire également l’attention sur la situation des femmes sans abri. C’est une question qui reste largement négligée. « Ce problème est souvent ignoré, pourtant il touche un grand nombre de femmes vulnérables qui n’ont pas accès à un logement stable et sécurisé. » L’ONG annonce la publication imminente d’un rapport détaillant cette problématique, avec des recommandations pour une prise en charge plus efficace des femmes sans domicile.
Situation des enfants dans les abris
Un autre point crucial abordé par Passerelle est la situation des enfants placés dans des abris, souvent des structures initialement destinées aux adultes. « De nombreux enfants se retrouvent dans ces structures sans une prise en charge adaptée à leurs besoins spécifiques », fait observer Mégane Valère. L’ONG appelle à une analyse approfondie de cette situation. Un suivi rigoureux est nécessaire pour garantir le bien-être des enfants dans ces structures.
Trafic humain et abus
Passerelle met en avant aussi la gravité de la situation des femmes et des enfants sujets au trafic humain. « Le trafic humain est un fléau qui continue de se développer. Et il est urgent que des mesures concrètes soient mises en place pour s’attaquer à ce problème. » L’ONG appelle à une attention particulière aux dangers auxquels sont exposés les enfants. Il y a les abus, l’exploitation et l’absence d’accès à une éducation et à des soins de qualité.
Si Passerelle félicite le gouvernement pour cette initiative, elle reste vigilante. « Nous espérons que ces consultations ne seront pas qu’un simple exercice pour montrer que les ONG ont été consultées. Nous attendons des actions concrètes, et nous comptons sur un suivi rigoureux qui assure que les recommandations formulées se traduisent en mesures efficaces. »
« Avant de participer aux assises, il est essentiel de préparer nos contributions de manière réfléchie. C’est pourquoi j’ai souhaité que la ministre envoie une communication aux ONG, afin de nous permettre de nous préparer correctement. Il faut cibler les ONG concernées, en particulier celles qui œuvrent dans les domaines de la famille, des enfants et des personnes âgées », indique Edley Maurer.
Le travail en amont consiste à bien comprendre les enjeux et à collecter des informations pertinentes. « Nous devons faire nos devoirs, notre “homework”. Ce qui implique de bien préparer les documents, de réfléchir à nos objectifs et de déterminer ce que nous voulons apporter à ces assises. »
Solidarité et mauricianisme
« L’objectif de ces assises est de définir comment nous envisageons la famille mauricienne et comment elle peut évoluer. Après les dernières élections, il y a un élan de mauricianisme, une volonté de renforcer notre solidarité nationale, dans le respect des cultures, des religions et des différences de chacun », dit Edley Maurer. Il considère que c’est un moment opportun pour réfléchir collectivement sur l’avenir de la famille et pour déterminer comment chaque citoyen peut contribuer à cette transformation.
Edley Maurer insiste sur le rôle central que chaque famille doit jouer dans la société. « Nous devons redécouvrir nos valeurs fondamentales. Chaque famille a un rôle important à jouer dans la construction de notre société. Certaines vivent dans des conditions favorables, mais beaucoup d’autres ont besoin de soutien. Nous devons travailler ensemble pour leur garantir des droits essentiels : un emploi stable et un logement décent. »
Logement
Il précise qu’il est crucial d’assurer à chaque famille un environnement stable et sécurisé. « Le logement est un droit. Mais celui-ci doit s’accompagner d’un environnement sûr. Il faut éviter de créer des ghettos ou de concentrer les conditions de précarité dans certaines zones. L’accès à un logement décent doit s’inscrire dans un cadre qui préserve la dignité et le bien-être des individus », préconise Edley Maurer.
La question du logement est un point crucial. « Le logement est au cœur des préoccupations de toute famille. Il est important que chaque famille puisse vivre dans un environnement sans risque, dans des conditions de sécurité et d’hygiène. Les maisons à étage proposées par la National Housing Development Company, par exemple, nécessitent une réflexion poussée. Il faut penser à des aménagements qui répondent mieux aux besoins des familles, surtout celles avec des personnes âgées », souligne-t-il.
Il insiste aussi sur la nécessité de repenser les aménagements urbains. « Il ne s’agit pas simplement de construire des maisons, mais de créer des environnements harmonieux, avec des espaces communs, des zones sécurisées et des infrastructures adaptées. Les personnes âgées, par exemple, ont besoin de logements qui leur permettent de vivre en toute autonomie, mais aussi de bénéficier de soins et de services de proximité. »
En ce qui concerne l’éducation, Edley Maurer rappelle que le pays fait face à un vieillissement de la population. « La maltraitance des personnes âgées et le manque de soutien à leur égard sont des problèmes de notre société. Nous devons réfléchir à des solutions pour garantir leur sécurité et leur bien-être. » Il plaide pour la création de structures de logement et de soins adaptés, qui permettent aux retraités de vivre dans des conditions dignes et de se sentir en harmonie avec leur environnement.
Des priorités
Edley Maurer conclut en appelant à un effort collectif pour résoudre les défis sociaux actuels. « Il y a beaucoup de travail à faire pour améliorer la situation des familles à Maurice. Nous devons nous concentrer sur des priorités concrètes. Il faut garantir l’accès au logement, à un emploi stable, à une éducation de qualité et à un soutien pour les personnes âgées. Ce travail ne pourra se faire qu’avec un véritable engagement de tous, dans le respect et la solidarité », poursuit-il.
Rita Venkatasawmy : « Évaluer la situation des enfants est essentiel »
Rita Venkatasawmy, ancienne Ombudsperson for Children, se trouve actuellement au Sénégal, où elle travaille avec des enfants de rues. Sollicitée par Le Défi Quotidien, elle revient sur l’importance d’une évaluation claire des besoins des enfants, des femmes et des familles pour mieux les protéger.
Elle salue l’initiative de la ministre de l’Égalité des Genres et de la Protection de la Famille d’organiser une assise dédiée aux familles et aux femmes. « Il est essentiel d’avoir une base solide pour évaluer correctement la situation des enfants et prendre des décisions adaptées », déclare-t-elle.
L’ancienne Ombudsperson for Children applaudit également les efforts pour impliquer Rodrigues dans la protection des enfants. Elle souligne que cette île doit tout comme les autres îles de la République, être pleinement intégrée aux discussions sur la politique sociale. Rita Venkatasawmy met également en lumière l’importance du rôle des parents, et particulièrement des mères et des pères, dans le bien-être des enfants.
« Il faut insister sur le rôle du papa au sein de la famille et dans le développement d’un enfant », indique-t-elle. Elle souligne que le travail ne doit pas justifier la négligence des enfants, et plaide pour un suivi rigoureux par les services de protection des droits des enfants. « Il est crucial de prévenir les risques graves auxquels les enfants peuvent être exposés, en particulier lorsqu’ils sont loin de leurs parents », avertit-elle.
Elle insiste par ailleurs sur l’importance d’un équilibre entre travail et famille. « Les parents, qu’ils soient mères ou pères, doivent être impliqués dans l’éducation et la protection de leurs enfants », ajoute-t-elle. Rita Venkatasawmy va encore plus loin en abordant les conséquences des traumatismes vécus dans l’enfance, souvent à l’origine de comportements violents à l’âge adulte. « Les problèmes des adultes, notamment les agressions, découlent souvent de traumatismes vécus durant l’enfance. C’est un cercle vicieux : un enfant qui souffre peut devenir un adulte agresseur », souligne-t-elle. Elle appelle à une réflexion plus profonde sur les profils des agresseurs, afin de mieux comprendre leurs origines et mettre en place des programmes de prévention efficaces.
Enfin, elle insiste sur la nécessité de mettre en œuvre des programmes de prévention pour les enfants à risque, notamment ceux qui vivent loin de leurs parents. « Ces enfants ont besoin d’un accompagnement constant pour éviter qu’ils ne tombent dans des comportements dangereux. Prévenir est toujours mieux que guérir », conclut-elle. Rita Venkatasawmy appelle donc à une vigilance constante pour garantir un environnement sécurisé et épanouissant pour tous les enfants.
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