Bébé miraculé, Marie-Cléanne Papillon est la survivante de la délicate intervention chirurgicale pour séparer les sœurs siamoises en mars 2019. Elle s’était rendue en Inde en avril pour un bilan de santé. Elle se porte à merveille et respire la joie de vivre. Le Dimanche/L’Hebdo a rencontré la fillette, qui est une véritable boule d’énergie...
Marie-Cléanne Papillon vit à la rue Higginson à Sainte-Croix. Sa mère est Marie-Hélène Gérard (40 ans), ses grands-parents sont Pierre (72 ans) et Marie-Claire Gérard (64 ans). Ses frères aînés sont Emilio (20 ans) et Willrick (13 ans). Ils partagent la cour familiale avec la sœur de Marie-Hélène Gérard et d’autres proches.
La fillette a fêté ses 3 ans, le 4 janvier, et mène tout ce beau monde à la baguette. Tout le monde est très attentionné à son égard et essaye autant que possible de la rendre heureuse.
En la regardant, on ne dirait pas qu’elle n’est pas comme tous les enfants de son âge. Mais elle a une grosse bosse sur son estomac et un trou dans son cou. « Elle grandit comme un enfant normal. Elle aime son chat (mimi) dessiner et jouer », lance Marie-Hélène Gérard.
En effet, c’est une Marie-Cléanne pleine de vie, avec une âme d’aventurière et avide de connaissances, que nous avons rencontrée, le mardi 24 mai. Elle aime faire la grasse matinée et se réveille à 9 h 30 chaque matin. Marie-Hélène Gérard se lève plus tôt pour préparer le repas de ses enfants avant d’aller travailler.
« Je suis éducatrice en préscolaire dans une école de la localité. Je quitte la maison à 8 h 15 et je rentre à 14 h 30. Avant de m’en aller, je m’assure que Marie-Cléanne a tout ce dont elle a besoin pour la journée. Si elle se réveille avant que je parte, je partage un petit de moment de complicité avec elle. On a essayé d’instaurer une certaine discipline. Généralement, Marie-Cléanne se réveille dans la bonne humeur au quotidien », explique-t-elle. Elle a quatre enfants et l’aîné habite avec son père.
Une fois réveillée, Marie-Cléanne illumine son univers. C’est sa grand-mère Marie-Claire et son grand-père Pierre qui s’occupent d’elle jusqu’au retour de Marie-Hélène. « Je lui donne son bain. Ensuite, elle prend le petit-déjeuner et va jouer avec sa cousine Léana. C’est la fille de la grande sœur de Marie-Hélène. Elle aime aussi regarder des comptines sur YouTube. Vers midi, elle mange et deux heures plus tard, elle fait sa sieste de l’après-midi », explique la grand-mère. Celle-ci est constamment sur ses gardes, car Marie-Cléanne aime bien marcher et découvrir le voisinage.
Marie-Hélène Gérard avait peur, car la fillette ne marchait pas. « Depuis un mois et demi, elle a appris à marcher. Depuis, elle ne reste pas en place », confie la mère. C’est dans le salon familial que Marie-Cléanne passe la majeure partie de son temps. Elle joue, elle court, elle récite l’alphabet, compte jusqu’à dix et fredonne des comptines à longueur de journée. Elle respire la joie de vivre.
Sa mère ne cache pas sa fierté quand elle voit les progrès de sa fille : « Je lui apprends des choses, mais la grande majorité des choses qu’elle sait, elle a appris par elle-même à travers des vidéos sur YouTube. Elle est très intelligente. »
Une fois réveillée, vers 16 h 30, Marie-Cléanne se balade dans la maison et dans la cour familiale. Elle aime monter à vélo et aller faire des tours sur le chemin avec son grand-père. « À 17 heures, on regarde les chapelets à la télé en famille. Marie-Cléanne y participe et sait chanter Ave Maria. On est une famille très pieuse. On l’emmène à la messe les dimanches. »
En début de soirée, la fillette prend sa douche et ensuite son dîner. « Quand elle prend sa douche, il faut empêcher que l’eau ne pénètre dans le trou dans son cou. Mais ma mère et moi sommes habituées. Côté nourriture, elle aime manger des pâtes et des mines Apollo. »
Elle passe un peu de temps avec sa mère Marie-Hélène, qui lui donne aussi les médicaments qu’elle prend au quotidien. Mère et fille jouent, ont des moments de complicité et regardent la télé. À 22 h 30, c’est l’heure à laquelle elle se met au lit.
C’est dans sa chambre, où trônent plusieurs photos, dont celles avec sa sœur décédée, que Marie-Cléanne s’endort avec ses peluches, dans un lit recouvert d’une moustiquaire de couleur rose. Cependant, pour pouvoir s’endormir, elle a besoin de son biberon de lait et ne manque pas de scander « le lait, le lait, le lait ».
Durant le week-end, Marie-Hélène Gérard essaye de passer le plus de temps possible avec sa fille et ses autres enfants. Elle s’occupe aussi des tâches ménagères. « Pour les repas, c’est chacun son tour. Durant la journée, on fait des sorties, comme aller à la mer ou au jardin de Pamplemousses. Marie-Cléanne aime la mer et aussi le jardin, où elle peut courir librement », ajoute-t-elle.
Pour son traitement, Marie-Cléanne a rendez-vous tous les deux mois à l’hôpital. Sa mère envisage de l’envoyer à la maternelle : « Peut-être pendant le troisième trimestre. Cependant, encore faut-il qu’une école accepte de la prendre. Sinon, je vais devoir trouver une école spécialisée. Elle est très douée. Je vais la pousser pour qu’elle puisse se développer et s’épanouir davantage. Je me sens heureuse et fière de la voir grandir. Prendre soin d’elle nécessite beaucoup de courage et de patience. »
Dr Mansoor Takun, pédiatre et ancien chef de service (pédiatrie et des soins néo-natals à l’hôpital) de Flacq : «Ce cas particulier a été un grand défi»
« J’ai été privilégié d’avoir le bébé Cléanne dans mon service suite à la demande du ministre de la Santé. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard qu’on a choisi mon service par rapport aux autres hôpitaux. La raison étant que nos soins, notre prise en charge, nos statistiques de mortalité et de morbidité infantiles étaient les plus bas de l’île », indique Dr Mansoor Takun.
« À son retour à Maurice, Marie-Cléanne était oxygène-dépendant et sur trachéostomie. Un cas rarissime. Notre prise en charge très rigoureuse et le soutien de Ram Mudhoo, l’unique inhalothérapeute (« respiratory therapist ») ont été très bénéfiques. Au bout de neuf mois, nous sommes arrivés à sevrer l’enfant de la ventilation mécanique sur trachéostomie. Une tâche très méticuleuse et très difficile. Pour moi, ce cas particulier a été un très grand défi et nous sommes fiers d’avoir pu le relever », ajoute le docteur.
Dans l’entourage du Dr Ram Mudhoo, on indique que ce dernier est tout aussi fier d’avoir pu aider à sauver Marie-Cléanne. En janvier 2019, sa sœur, Cléa et elle étaient considérées comme non viables. L’établissement de soins, Narayana Health de Bangalore, en Inde, a accepté de prendre en charge les jumelles siamoises. Elles étaient sous la responsabilité du Dr Devi Shetty, fondateur et chef de la chirurgie cardiaque de l’établissement et l'équipe de chirurgie pédiatrique, dirigée par le professeur Ashley D'Cruz. Les enfants n'ont pas été jugés aptes à voyager et non viables. Cependant, par la suite, il a été décidé qu’elles soient transférées par une équipe dirigée par Dr Ram Mudhoo. Ce dernier est le thérapeute respiratoire spécialisé dans le transport néo-natal et le maintien avancé de la vie.
Il est à noter que Cleanne Papillon, lors du transfert vers l’Inde, qui a duré 22 heures, a dû être réanimée deux fois. Deux heures et demie de réanimation continue ont été réalisées sur les genoux du thérapeute respiratoire avant d’atteindre le centre de Narayana. Cet exploit a été enregistré comme la plus longue réanimation effectuée sur ce type de jumeaux siamois dans le monde.
Après deux interventions, Cléanne Papillon, sous ventilateur avec une trachéotomie, a été ramenée à Maurice par la même équipe et a été admise à l’hôpital de Flacq.
Ode à une mère courageuse
En ce jour de la fête des mères, on ne peut que saluer le courage de Marie-Hélène, qui élève seule ses deux fils Emilio et Willrick, ainsi que sa fille Marie-Cléanne. Mère célibataire, elle se donne corps et âme pour le bien-être de ses enfants. Elle s’est séparée de son époux en 2019, après 20 ans de vie commune.
« Il y a des hauts et des bas. Ce n’est pas toujours facile de gérer les enfants, surtout Marie-Cléanne. Heureusement que je peux compter sur mes parents. Il y a des jours où je me sens seule, mais je sais que je dois continuer à me battre. La maladie de Marie-Cléanne demande beaucoup de force physique et mentale », dit-elle.
Elle travaille et Marie-Cléanne bénéficie d’une aide sociale. « Ce n’est pas facile, avec le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter. Il y a le lait, les couches et les autres dépenses. On doit prendre des taxis pour les rendez-vous. Malgré les épreuves, Marie-Cléanne reste mon plus beau cadeau », lance notre interlocutrice.
Marie-Hélène Gérard a aussi une pensée spéciale pour Marie-Cléa. « Je pense que Marie-Cléanne sent la présence de sa sœur en elle. Elle se caresse le ventre et parle à son reflet dans le miroir. Au fond, je crois qu’elle sait qu’elle a le cœur de sa sœur en elle. »
Chirurgie dans deux ans
Marie-Hélène Gérard ne cache pas que la naissance des jumelles siamoises n’a pas été de tout repos. La naissance, le séjour en Inde, la délicate opération, le décès de Marie-Cléa, les mois passés en Inde, le retour à Maurice et le long séjour à l’hôpital de Flacq ont été difficiles.
« Ces trois dernières années ont été très dures. Après le décès de Marie-Cléa, je ne pouvais pas baisser les armes. Je savais que je devais continuer à lutter pour Marie-Cléanne. En la voyant aujourd’hui, j’ai le sentiment que ma patience a porté ses fruits », dit-elle.
Marie-Cléanne s’est rendue en Inde du 14 avril au 29 avril pour un bilan général. Elle a passé une batterie de tests et se porte bien. « Pour la chirurgie au niveau de sa colonne vertébrale, elle a fait un scan, mais est trop petite pour être opérée. Si tout se passe bien, on va le faire dans deux ans », indique la mère.
À Maurice, elle suit ses traitements à l’hôpital du Nord pour le cœur et à l’hôpital de Flacq pour son suivi médical. « C’est positif. Elle avait trois médicaments à prendre au quotidien. Désormais, il n’y en a que deux. »
Bébé miracle
Marie Cléanne est le troisième bébé miracle du monde avec un cœur partagé. La chirurgie de séparation des jumeaux a eu lieu le 14 mars 2019, à l’hôpital Narayana de Bangalore. Le Dr Devi Shetty, chirurgien cardiaque, et son équipe ont passé plus de dix heures à séparer les jumelles siamoises Papillon. Marie-Cléa n’a pas survécu et ses funérailles ont eu lieu le 26 mars 2019, à Vieux-Grand-Port. Elle a été inhumée au cimetière de Petit-Bel-Air.
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