
- Benjamin Leu aux enquêteurs réunionnais : « Il y a une grosse organisation derrière tout ça »
Le 9 septembre 2025, après un mois de détention, le footballeur professionnel Andy Patate a obtenu la liberté conditionnelle contre une caution de Rs 100 000. Il avait été arrêté par l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) pour le délit de « conspiracy to import drug » le samedi 9 août 2025, dès sa descente d’avion à Maurice. Il était alors escorté par la gendarmerie réunionnaise. Il purgeait à l’île sœur une peine pour détention non autorisée de stupéfiants et tentative d’exportation ou trafic entre les deux îles sœurs.
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La police mauricienne, via l’Adsu, s’est appuyée sur le contenu du jugement délivré au Palais de Justice de Champ-Fleuri, versé au dossier à charge contre Andy Patate. Ses deux complices, Benjamin Leu et Jean Roddy Meunier, toujours emprisonnés à La Réunion, seront eux aussi arrêtés par les hommes de l’inspecteur Samynaden dès leur arrivée à Plaisance.
La libération sous caution d’Andy Patate jette à nouveau la lumière sur cette affaire judiciaire complexe qui avait fait couler beaucoup d’encre. Le dossier porte sur une organisation de trafic de zamal entre Maurice et La Réunion, impliquant plusieurs protagonistes. Parmi, Muhammad Waliyullah Toorabally, dit Wali.
Ce Mauricien de 36 ans résidant à La Réunion a été condamné à six ans d’emprisonnement en mars 2025. Il a été reconnu coupable comme étant le cerveau du réseau, selon le jugement de la Cour d’appel de Saint-Denis consulté par Le Défi Plus qui en a une copie en sa possession. Cette décision révèle les détails d’une filière inter-îles bien structurée et les liens entre les arrestations survenues lors d’une opération menée en avril 2023.
GPS et panne de bateau
Dans la nuit du 23 au 24 avril 2023, trois Mauriciens – Andy Patate, un habitant de Tamarin de 36 ans, son coéquipier du Petite Rivière Noire Football Club Benjamin Leu, âgé de 34 ans et habitant Case-Noyale, ainsi que Jean Roddy Meunier, un habitant de Cap-Malheureux de 51 ans – avaient débarqué illégalement à La Réunion sur un speed boat équipé de deux moteurs.
Munis d’un GPS, ils avaient accosté à Sainte-Rose, lieu de prédilection pour les convoyeurs de drogue sur l’axe Réunion-Maurice. Ils avaient été rejoints en mer par une barque. Deux hommes leur avaient remis « plusieurs gros sacs noirs contenant du zamal ». Les Mauriciens leur avaient, à leur tour, donné une cage d’oiseaux (serins) et récupéré un chien à ramener à Maurice.
Plus tard, Benjamin Leu, chef de bande, dira aux enquêteurs réunionnais qu’il devait percevoir Rs 500 000 pour cette mission à haut risque. C’est lui qui a recruté Andy Patate comme skipper contre une promesse de Rs 800 000. Le troisième membre, Jean Roddy Meunier, devait percevoir Rs 300 000. Ce dernier est le cousin du présumé cerveau de cette expédition maritime, Samuel Legentil, suspecté de téléguider le trafic depuis Maurice.
Après avoir récupéré les sacs de zamal, les Mauriciens avaient mis le cap sur Maurice. Mais au bout d’une heure, ils avaient eu une panne de moteur liée aux câbles de vitesse. Pris de panique, ils avaient tenté de se débarrasser des sacs en mer. Mais dans les dépositions qu’ils ont faites à La Réunion, ils ont affirmé que l’un d’eux aurait contacté leur complice à Maurice, Samuel Legentil, qui leur aurait ordonné de se rendre à Anse des Cascades pour restituer les sacs, où des occupants d’un fourgon se chargeraient de les récupérer.
L’enquête de la gendarmerie réunionnaise a aussi révélé que si la panne de moteur n’était pas survenue, un bateau aurait déjà récupéré les sacs de zamal à proximité des côtes mauriciennes, comme prévu. Leur embarcation s’était échouée contre des rochers à Anse des Cascades. La gendarmerie réunionnaise était intervenue pour les arrêter.
Trahis par des échanges téléphoniques
Bien qu’aucune drogue n’ait été trouvée sur eux, leurs téléphones portables, qui ont été saisis, avaient révélé des échanges de messages liés à un trafic de cannabis. La gendarmerie réunionnaise avait remonté la filière jusqu’à d’autres protagonistes.
Lors de son interrogatoire mené par les enquêteurs réunionnais, Benjamin Leu avait confié : « Il y a beaucoup de personnes qui font ça à Maurice : ils cherchent des gens pour conduire des bateaux et aller à La Réunion. Il y a une grosse organisation derrière tout ça. Je ne suis pas le seul à être approché pour ce genre de travail. »
Andy Patate avait lui aussi admis, face aux enquêteurs réunionnais, que dans le passé, Benjamin Leu lui avait déjà confié une mission similaire. Il avait effectué un premier voyage au large d’Anse des Cascades plusieurs mois auparavant, toujours en 2023, au terme duquel il avait été payé Rs 600 000 en liquide, deux mois après le convoi.
Sur écoute
Marc Allamelou, un Réunionnais de 71 ans, avait été arrêté le 24 avril 2023. Il avait révélé avoir reçu un appel téléphonique du cerveau de l’expédition, Muhammad Waliyullah Toorabally, lui demandant de récupérer les naufragés. Le septuagénaire avait avoué avoir déjà participé à la récupération et au transport de zamal vers Maurice dans le passé.
Entre-temps, Wali Toorabally avait été mis sur écoute téléphonique. Plusieurs de ses conversations codées avaient été interceptées, dont celle du 12 mai 2023 : « Bonne affaire avec un tiers pouvant lui proposer 15 kilos : 2 modelés pour 30 000 euros. » Le 9 mai 2023, il avait contacté un tiers pour l’achat d’un speed boat, ignorant qu’il était sur écoute.
Le 9 juillet 2023, Wali Toorabally avait été arrêté à Saint-Louis, La Réunion, au volant d’une Ford Transit. Le véhicule contenait six ballots de zamal (7,1 kilos), huit autres ballots (53 kilos), douze autres ballots (23,9 kilos), quatre autres ballots (15,2 kilos), un fusil à pompe ainsi que deux sachets contenant près de 100 kilos de cannabis. Une perquisition à son domicile avait permis la découverte de 215 grammes d’herbe, deux box de culture, 20 plants de cannabis et du matériel de culture « indoor ». Les gendarmes avaient aussi trouvé dans un RAV 4 un revolver équipé de six cartouches ainsi que des munitions.
11 voyages en six mois
Durant son interrogatoire, Wali Toorabally avait reconnu avoir déjà transporté ou récupéré des fonds de Maurice pour les remettre à des individus à La Réunion dans le cadre du trafic inter-îles. Les enquêteurs ont dénombré 11 voyages Réunion-Maurice entre décembre 2022 et mai 2023, effectués par ce Mauricien, officiellement pour les vacances, mais servant aussi à organiser des transferts d’argent avec sa petite amie, Lolita Ballester, qui jouait le rôle d’ouvreuse à bord de sa voiture lors des transferts de drogue.
Le tribunal judiciaire de Saint-Denis avait condamné les protagonistes le 21 mars 2025 : trois ans de prison ferme pour Andy Patate, Benjamin Leu et Jean Roddy Meunier ; dix mois de prison pour Marc Allamelou ; trois ans de prison pour Lolita Ballester ; ainsi que six ans de prison et 10 000 euros d’amende pour Waliyullah Toorabally, le cerveau du réseau.

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