Avec la révolution numérique, les forces de l’ordre arrivent difficilement à passer entre les mailles du… Net ! Des citoyens, armés de leur smartphone, n’hésitent pas à dénoncer les écarts sur les réseaux sociaux ou dans la presse 2.0. Les critiques contre certains officiers s’enchaînent sur la Toile et cette institution en prend un coup.
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«Big Citizen is watching you ». À l’ère de la révolution numérique, nos moindres faits et gestes sont filmés et peuvent être utilisés contre nous. Les internautes se font juges et condamnent fermement à coups de commentaires sur le Net, particulièrement sur les réseaux sociaux. La force policière n’est pas épargnée et se voit régulièrement égratignée lorsque les écarts de certains de ses membres sont dévoilés – vidéos à l’appui – sur Internet, les médias et surtout la presse 2.0. La semaine dernière, des jeunes ont filmé un policier armé qui tentait, malgré son apparent état d’ébriété, de piloter sa moto. Ces derniers ont alors rappelé l’agent à l’ordre, insistant sur le fait qu’il mettait sa vie, ainsi que celle des autres, en danger. Sur l’insistance du public, il est alors descendu de son engin, visiblement très mécontent d’être filmé. Il le montre d’ailleurs à travers un geste obscène en direction de l’auteur de la vidéo. « To fini filme, hein! Filme sa ousi. »
Belly dancing
Mise en scène ou cas réel, ce clip a suscité bon nombre de réactions sur Internet. Certains condamnent, « bizin fou deor tou bann iresponsab ek koupab de mauvaise conduite » ; d’autres comprennent « fode pa pran sanksyon kont sa boug-la, nou pa kone dan ki sirkonstans li finn bwar. Li ena zanfan ek fam, nou bizin kompran li. »
Entre cette vidéo et celles où l’on voit des policiers en uniforme faire du belly dancing dans un poste ou se faire tabasser par des membres du public sans que personne ne lève le petit doigt, la force policière peine à retrouver ses lettres de noblesse.
Pis, elle est souvent pointée du doigt et perd de son autorité auprès du public. Certains internautes vont même jusqu’à les ridiculiser et remettre leurs compétences en question.
Le sociologue Rajen Suntoo parle d’une dégradation des mœurs. « Auparavant, les autorités inspiraient le respect. Ils étaient des role models. De nos jours, ce n’est plus le cas. Avec l’avènement de la technologie, les nouvelles sont répandues rapidement et bon nombre de personnes se forgent une opinion basée sur ce qu’ils lisent sur la toile. Les commentaires se multiplient en quelques secondes et c’est la réputation de toute la force policière qui est ternie. »
Tout ce qui y est dit à propos des agents de police ne reflète pas la réalité, lance, pour sa part, Mahen, sergent. « Certains individus ne postent qu’une partie de l’incident. Il y a eu une vidéo où une personne est agressée et on blâme les policiers d’inaptes. Pourtant, la loi sévit aussi contre la non-assistance à personne en danger. On ne fait que filmer et inciter les autres à porter un jugement », déplore notre interlocuteur, qui ajoute qu’il faut aussi voir le revers de la médaille.
Il affirme que ce sont ceux qui sont sur le terrain qui connaissent vraiment les difficultés de ce métier. « Notre travail n’est pas aussi simple. Il nous arrive de travailler pendant plusieurs heures sans avoir le temps de manger. Nous devons aussi faire face à certains jeunes qui enfreignent les lois et ne respectent pas les policiers, ce qui rend notre tâche encore plus pénible », argue le sergent. Pour le responsable de communication du Police Press Office, Shiva Cooten, il est « injuste » de mettre toute la force policière dans le même panier.
« Des incidents ont toujours existé, mais avec l’ère technologique, ceux-ci sont médiatisés, mais cela ne veut pas dire qu’il y a un gros problème de discipline au sein de cette institution. D’autre part, il y a plus de transparence en ce qui concerne la communication. Nous mettons plus d’accent sur la formation continue des policiers, car nous voulons offrir un service irréprochable. Les officiers sont appelés à passer des examens pour maintenir un certain niveau. »
Shiva Cooten affirme que des sanctions seront prises contre ceux qui ne font pas honneur à la profession. « Comme l’a précisé le commissaire de police à plusieurs reprises, des actions seront prises contre les officiers véreux, peu importe leur rang. S’il existe des preuves à l’appui contre les brebis galeuses, la loi sera très sévère envers eux. »
Ramesh M., policier à la retraite : «L’uniforme était notre fierté»
La force policière n’est plus celle d’antan, déplore Ramesh M., un sergent à la retraite de 67 ans. « À mon époque, nous avions une attitude différente. Nous étions reconnaissants d’être les nouvelles recrues de la force policière et nous nous donnions à fond pour faire notre travail. Notre uniforme était notre fierté et celle de notre entourage. Hélas ! Il semble que ce ne soit plus le cas pour certains aujourd’hui. Il est vrai que leur charge du travail a augmenté et tout a été informatisé mais cela n’explique pas le comportement jugé inadéquat de certains. »
Il est malheureux, ajoute-t-il, que certains prennent tout pour acquis. « Après leur formation, ils ont tendance à se relâcher, alors que d’autres n’arrivent pas à gérer une situation spécifique. Je me souviens encore des sanctions quand nous commettions des erreurs. Nous devions être à cheval par rapport à l’accueil, au port de l’uniforme et être confiants quand nous étions en public. Avoir une posture confiante, être professionnel et assidu dans son travail étaient les maîtres mots pour être respectés et faire honneur à l’institution. ». Ramesh M. dit avoir eu un riche parcours professionnel au sein de la force policière. De constable à sub-inspector, il a terminé sa carrière en tant que sergent. « Cela a été une expérience inoubliable. J’ai passé 40 ans de ma vie dans les forces de police », conclut le sexagénaire, fièrement.
Vikash, constable figurant dans un clip : «On nous a jugés comme des criminels»
Il figurait avec ses collègues dans le clip « Flics en délire », qui circulait en octobre 2015. Le constable Vikash, 41 ans, dit avoir réalisé qu’il ne fallait pas faire la fête dans un poste de police, surtout en uniforme, mais affirme que leur intention était d’aider un ami qui allait mal. « Nous avons eu une seconde chance certes, avec un transfert punitif. Bien que nous n’ayons pas perdu notre emploi, cette étape n’a pas été facile pour nous. La réaction du public face à ce clip a été décourageante. Nous voulions juste nous distraire et aider un ami, mais on nous a jugés comme des criminels », déplore le policier.
Le constable dit être triste que certains Mauriciens n’apprécient pas les efforts et le travail des policiers. « Nous sommes conscients que nous sommes là pour servir le public. Des fois, nous allons au-delà de nos responsabilités pour aider des personnes qui ont des problèmes. Nous faisons bien souvent preuve d’empathie dans notre travail. Mais, certaines personnes n’hésitent pas à poster des incidents filmés sur leur portable. Il y a eu des commentaires désagréables à notre égard et nous assumons la responsabilité de nos actes. L’essentiel, maintenant, est de servir la nation. Et c’est que nous comptons faire jusqu’à la fin de notre carrière. »
Micro-trottoir
La force policière face au tribunal populaire
Malgré une pluie de critiques sur la force policière, ces derniers temps, certains citoyens respectent et croient encore dans cette institution. S’il est vrai que certains policiers font des écarts, il ne faut pas tous les mettre dans le même panier, arguent-ils.
Sarah Touche, 25 ans : «J’ai confiance en leurs compétences, car ils assurent notre sécurité. Le problème est que les jeunes ne respectent pas les policiers. Ces derniers ont de l’expérience et savent régler un problème, mais il leur faut aussi la coopération des citoyens. Certains Mauriciens sont déterminés à créer des obstacles en ne pas respectant les lois.»
Marie Dorothy Prosper, 27 ans : «Bien que plusieurs cas aient été rapportés récemment, il ne faut pas généraliser. Car certains font leur travail avec dévouement. La force policière a toujours été un symbole d’autorité et cela ne changera pas à cause de quelques brebis galeuses. Toutefois, il est aussi vrai que certains policiers ne réalisent pas qu’ils doivent respecter les lois et donner l’exemple.»
Kewal Lallah, 65 ans : «Les nouvelles recrues vont certainement se distinguer. Il ne faut pas généraliser, car il y a certains policiers qui font du bon travail. Le simple fait de voir un policier en uniforme décourage beaucoup de délits. Ils sont imposants et exercent une certaine autorité.»
Keith Valaydon, 20 ans : «La force policière n’est plus aussi performante qu’auparavant. Nous avons l’impression que certains policiers ne travaillent plus vraiment dans l’intérêt public et se servent plutôt de leur « statut » pour agir comme bon leur semble. Or, ils devraient donner l’exemple. Comment des personnes qui sont impliquées dans des délits peuvent en arrêter d’autres ?»
Mamad Johar, 53 ans : «Souvent, certains policiers n’arrivent pas à gérer des situations de peur d’être accusés de brutalité policière. Cela ne veut pas dire qu’ils sont incompétents. Le public ne fait que blâmer ou juger sans comprendre que les officiers ont une tache difficile au quotidien. Nous vivons dans une société en dégradation et la police a du pain sur la planche.»
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