
Contre toute attente, la basse saison touristique de 2025 à Maurice ne s'est pas révélée morose. Bien au contraire, les chiffres démontrent une croissance constante des arrivées, signe d'une résilience accrue du secteur face aux défis habituels de l’hiver. Comment se portent les activités chez les opérateurs ? Tour d’horizon.
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Du 1er janvier au 15 juillet 2025, Maurice a enregistré un total de 722 184 arrivées touristiques, contre 700 880 à la même période en 2024. Ce qui représente une augmentation de 3 %, soit 21 304 touristes supplémentaires. Plus encore, les mois traditionnellement considérés comme creux, notamment avril, mai, juin et juillet ont enregistré des hausses significatives d’arrivées. En avril 2025, l’île a accueilli 120 157 visiteurs, contre 105 619 en avril 2024, soit une progression de 13,8 %. En mai, les arrivées ont atteint 115 090, contre 104 952 l’année précédente (+9,7 %), et en juin, elles se sont élevées à 97 273, contre 88 416 en 2024 (+8 857 visiteurs). La tendance s’est poursuivie au début de juillet, avec une hausse de 14,4 % enregistrée sur la première quinzaine, soit 63 275 visiteurs, contre 55 331 en 2024.
Les marchés régionaux au rendez-vous
Cette performance est soutenue par une dynamique positive sur certains marchés régionaux. Le marché sud-africain, en particulier, affiche une croissance impressionnante de 74,3 % du 1er au 15 juillet, avec 7 452 visiteurs, contre 4 275 sur la même période en 2024. Une tendance également observée sur le marché réunionnais. Pour Christian Lefèvre, directeur de Coquille Bonheur et président de Friends in Tourism, cette résilience s’inscrit dans un contexte particulier. « Bien que le recul des arrivées durant l’hiver austral soit un phénomène récurrent, une certaine résilience se manifeste sur les marchés régionaux, avec notamment le retour progressif des voyageurs en provenance de La Réunion et une hausse sensible des arrivées sud-africaines. » Toutefois, il tempère l’enthousiasme en appelant à la vigilance. « Il est plus que jamais crucial de maintenir les efforts de diversification de l’offre, d’intensifier les actions de promotion pendant la basse saison et de consolider notre engagement en faveur d’un tourisme durable, fondé sur une approche qualitative plutôt que quantitative », dit-il.
Occupation satisfaisante
Du côté des hôteliers, la satisfaction est palpable. Constance Hospitality Management enregistre un taux d’occupation jugé satisfaisant en cette période creuse. Le groupe profite de cette accalmie pour organiser des événements exclusifs, comme La Paulée, et préparer des actions de promotion ciblées. En août, un voyage de familiarisation autour du golf est prévu à Constance Belle Mare Plage avec des invités chinois, une initiative stratégique pour renforcer la visibilité sur le marché asiatique. Même son de cloche chez C Resorts, qui met à profit le sport et le divertissement à travers le C Kite Festival et le Kite Camp.
Les petits hôtels aussi profitent de l’élan
Les établissements de moyenne gamme ne sont pas en reste. Shakeel Nundlall, directeur de l’hôtel Le Grand Bleu, se réjouit d’un taux d’occupation de 50 %. « Nous sommes très satisfaits parce que normalement le taux en cette période est plus bas. » Toutefois, il exprime une inquiétude quant à la taxe touristique de 3 euros par nuit et par touriste, prévue à partir du 1er octobre. « Pour les touristes à petit budget, cela peut représenter une barrière. Un couple indien qui séjourne six nuits devra débourser 36 euros, ce qui est conséquent pour eux. Cette taxe risque de fragiliser les petits opérateurs », estime-t-il.
Les marchés émetteurs en basse saison
Chez Constance Hospitality, les marchés traditionnels comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne continuent d’alimenter les arrivées. Le groupe mise aussi sur l’Asie, notamment avec le golf comme produit d’appel. La clientèle locale et régionale reste également précieuse. À l’hôtel Le Grand Bleu, les touristes viennent majoritairement de la France, de La Réunion et d’Afrique du Sud. Cependant, les Indiens sont moins nombreux cette année, au profit de destinations concurrentes comme les Maldives et les Seychelles, jugées plus compétitives.
Une période propice à la formation
La basse saison est aussi un moment stratégique pour investir dans la formation du personnel. Chez Constance Hospitality, plusieurs employés suivent des formations spécialisées en France, en arts culinaires et en sommellerie. « C’est une opportunité d’accompagner nos équipes dans leur développement professionnel », fait valoir le groupe. Même démarche chez Le Grand Bleu, où la direction prépare ses équipes en vue de la haute saison à venir. « C’est le moment approprié de nous préparer pour faire face à l’affluence des clients », souligne Shakeel Nundlall.
En chiffres
Période | Arrivées 2024 | Arrivées 2025 | Évolution | Variation en % |
---|---|---|---|---|
Avril | 105 619 | 120 157 | +14 538 | +13,8 % |
Mai | 104 952 | 115 090 | +10 138 | +9,7 % |
Juin | 88 416 | 97 273 | +8 857 | 10% |
Juillet (1er au 15) | 55 331 | 63 275 | +7 944 | +14,4 % |
Janvier au 15 juillet | 700 880 | 722 184 | +21 304 (total cumulé) | 3% |
Questions à ...Sen Ramsamy, Managing Director de Tourism Business Intelligence : «Il faut s’attendre à des chiffres records en juillet et août de cette année»
Comment décririez-vous la fréquentation de la basse saison touristique à Maurice actuellement par rapport à d’autres périodes correspondantes dans les années précédentes ?
La basse saison touristique, en particulier le mois de juin, affiche des arrivées très encourageantes avec 97 273 visiteurs, soit 10 % de plus qu’en juin 2024. La seule année précédente comparable est 2019 avant la covid-19 quand nous avions accueilli 92 400 visiteurs pour le seul mois de juin. Cependant, avec une saisonnalité qui s’aplanit depuis quelques années et malgré notre saison hivernale, on pourrait s’attendre à des chiffres records en juillet et août de cette année. Mais c'est sujet au nombre de sièges d’avion disponibles à des prix abordables. Il ne faut pas perdre de vue non plus que pour le premier semestre de 2025, nous sommes à seulement 2 % de croissance et depuis des années, Maurice peine à dépasser le seuil fatidique de 1,4 million de touristes alors que les Maldives ont déjà dépassé 1,1 million de touristes au 30 juin.
Selon mes estimations, les recettes touristiques en devises tourneraient autour de Rs 48 milliards pour le premier semestre, soit environ 9 % de plus qu’en 2024. Mais avec la dégringolade de la valeur de notre monnaie vis-à-vis de l’euro, cette somme ne représenterait que 125 euros en dépenses moyennes par visiteur par jour, comparée à environ 135 euros en 2018. Donc, nous accueillons plus de visiteurs qui dépensent moins. Cette situation est aussi une indication que les touristes fréquentent plus l’hébergement informel, au détriment des petits et moyens hôtels qui sont obligés de brader leurs prix pour rester à flot.
Que recommanderiez-vous aux autorités pour mieux soutenir le secteur du tourisme durant la basse saison ?
Puisqu’il n’y a plus vraiment de basse saison, il serait beaucoup plus sage d’encourager nos visiteurs à dépenser plus dans l’ile. Maurice est une destination plus ouverte, mais les visiteurs dépensent davantage aux Maldives, aux Seychelles, à Zanzibar et même au Sri Lanka. Je tire la sonnette d’alarme depuis des années sur cette situation et surtout sur l’indifférence et les visées autres que l’intérêt de la destination de l’ancien régime par rapport au tourisme. Aujourd'hui, la population a fini par comprendre ce qui se passait réellement avec l’argent des contribuables pour la promotion de la destination. Il n’est pas nécessaire de faire encore des études et des analyses couteuses pour faire progresser notre tourisme en termes de valeurs réelles.
Notre économie est en état d’alerte. Un poids énorme repose sur le tourisme pour plus de rentrées en devises et plus d’emplois productifs. Ce n’est pas le moment de faire de l’apprentissage dans le tourisme. Les nouveaux venus doivent comprendre les vrais enjeux du tourisme et passer à l’action. Si les autorités continuent à écouter certains lobbies et gros opérateurs qui se sont fait servir le beurre, l’argent du beurre et la fermière durant les dix dernières années, elles vont vite se trouver dans le même engrenage du passé. Et le tourisme connaitra le même sort avec une croissance quantitative et une dérive continuelle vers le bas de gamme.
Comment anticipez-vous la reprise pour la haute saison à venir ?
Encore une fois, la reprise s’annonce prometteuse en nombre d’arrivées, mais pas nécessairement en valeurs qualitatives. Il y aura beaucoup de touristes qui dépenseraient peu. L’accent doit être mis sur une meilleure offre touristique, plus diversifiée et qui inciterait les visiteurs à dépenser dans le pays et en faveur de l’ensemble de la population, comme cela se passe partout ailleurs. Il faut offrir aux visiteurs plus de facilités et de services de qualité pour qu’ils dépensent au moins 200 euros par jour en moyenne dans le pays. D’autre part, la solution facile d’importer de la main d’œuvre étrangère pour travailler dans le tourisme nous coutera très cher plus tard en termes de fléaux sociaux et d’insécurité grandissante contre nos visiteurs et nous-mêmes. Le système actuel de formation touristique à Maurice est la meilleure recette pour échouer. Surtout avec des programmes de formation qui prennent fin avant même de commencer et qui durent deux à cinq jours. C’est plus une insulte à l’intelligence. Une campagne de sensibilisation à travers le pays et une formation de qualité pour nos jeunes est une nécessité absolue pour le progrès du tourisme.

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