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Saveetree et Darmaraj Juggoo : 45 ans d’amour et de mer au Morne

Saveetree et Darmaraj Juggoo, unis par l’amour de la mer.

Au cœur du lagon du Morne, un couple mythique perpétue la tradition de la pêche artisanale. Ensemble depuis 45 ans, Saveetree, 72 ans, doyenne des femmes pêcheuses du village, et son époux Darmaraj, 67 ans, vivent une histoire d’amour rythmée par les marées et les vents. Leur vie entière, ils l’ont bâtie sur la mer, avec courage et passion.

« C’est la mer qui nous a réunis », confie Saveetree Juggoo avec un sourire. Ses yeux sont plissés par le soleil et des décennies passées à guetter l’horizon. Nous sommes assis sur le sable du Morne, face au lagon turquoise qui s’étire à l’infini. Son mari, Darmaraj, acquiesce d’un signe de tête. « Il y a 45 ans, je l’ai vue pour la première fois alors qu’elle pêchait avec son père. Je me suis dit : c’est elle ».

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Le coup de foudre est immédiat. Il a 22 ans, elle en a 27. « Je suis allé directement demander sa main. À l’époque, pas de téléphone, pas de réseaux sociaux… C’était simple : tu vois quelqu’un qui te plaît, tu y vas ! », raconte Darmaraj en riant. Saveetree se souvient avec émotion de cette époque : « Quand il est venu voir mes parents, j’étais surprise, mais dans mon cœur, j’avais déjà dit oui ».

Le mariage est célébré peu après et depuis, le couple ne s’est jamais quitté, ni à terre ni en mer. Aujourd’hui, ils cumulent 45 ans de mariage, quatre filles âgées de 43 à 32 ans, et deux petits-enfants.

La mer comme maison et horizon

Leur histoire est indissociable de celle du Morne. Depuis leur enfance, Saveetree et Darmaraj y ont grandi, les pieds dans le sable et bercés par les vents de l’océan Indien. « Nos parents étaient déjà pêcheurs. À cinq ans, je ramassais des oursins avec mon père. La mer, c’est comme une deuxième maison pour moi », explique Saveetree.

Chaque matin, à 5 heures précises, le rituel est immuable. Le couple charge son petit bateau, embarque ses paniers et ses outils de pêche : lignes, casiers, piques à huîtres. Darmaraj raconte : « On part quand il fait encore noir, la lampe frontale sur la tête. Quand le soleil se lève derrière la montagne du Morne, on est déjà sur l’eau. C’est le plus beau moment de la journée ».

Tous deux connaissent chaque recoin du lagon : les passes à capitaines, les zones à huîtres, les coins où poser les casiers. « La mer, on la connaît sur le bout des doigts », assure Saveetree. « Toutefois, elle reste imprévisible », ajoute-t-elle.

Survivre à la mer, ensemble

Au fil de leurs décennies de pêche, le couple a vécu des moments de frayeur absolue. Saveetree raconte : « La première fois, notre bateau a chaviré en haute mer. On s’est retrouvés à l’eau, juste nous deux, au milieu des vagues. J’ai cru qu’on allait mourir ». Pendant 20 longues minutes, ils se sont accrochés à la coque retournée avant d’être secourus. « Quand j’ai senti la main de Darmaraj serrer la mienne, j’ai eu la force de tenir », dit-elle.

Le deuxième incident est survenu par mauvais temps. « Le vent nous a poussés et notre bateau s’est retrouvé coincé sur la mer démontée. On a prié et attendu que ça passe », relate-t-elle. La troisième fois - la plus effrayante - un vent violent a brisé leur embarcation. « On a dérivé, mais on a survécu, ensemble. Après ça, on se dit que la mer est à la fois notre amie et notre ennemie », raconte Darmaraj.

Ces épreuves n’ont jamais entamé leur passion. « La peur, elle passe. L’amour de la mer reste », avoue Saveetree avec un sourire.

Une vie bâtie sur la pêche

Pendant des décennies, la pêche n’a pas seulement été leur passion : elle a été leur gagne-pain. Avec leurs revenus de pêcheurs, ils ont construit leur maison et élevé leurs quatre filles, aujourd’hui toutes employées dans le secteur public.

« On ne roulait pas sur l’or, mais on savait économiser pour les mauvais jours », explique Darmaraj. Le couple pêchait à l’aube, puis vendait ses poissons et huîtres dans le village et sur les marchés voisins, avant de rentrer pour réparer les filets ou poser de nouveaux casiers. « C’était dur, mais on était heureux », fait ressortir Saveetree.

Leur fierté ? Avoir donné à leurs filles une vie plus stable. « Je voulais qu’elles aient une éducation, qu’elles n’aient pas à se battre avec la mer tous les jours. Aujourd’hui, elles ont toutes un bon travail », ajoute-t-il.

La passion plus forte que l’âge

Aujourd’hui, Saveetree a 72 ans et Darmaraj 67 ans. Certes, ils ne dépendent plus de la pêche pour vivre, mais impossible pour eux d’arrêter. « C’est notre vie. Si je reste à la maison, je tombe malade », confie, en riant, Saveetree.

Le couple continue à sortir en mer presque tous les jours, sauf en période de mauvais temps. « Maintenant, c’est plus pour le plaisir que pour l’argent. Quand je suis sur l’eau, je respire mieux. Je me sens vivante », confie la doyenne des femmes pêcheuses du Morne.

Les années ont passé, pourtant la complicité du couple est intacte. « On s’engueule parfois sur le bateau, surtout quand je rate un poisson, mais cinq minutes après, on rigole ». Leur amour pour la mer se confond avec celui qu’ils se portent. « Nous deux, c’est comme la mer et le sable : inséparables », dit Saveetree. 

La mémoire vivante du Morne

Dans le village, Saveetree est une figure respectée. Les jeunes pêcheurs viennent la saluer, écouter ses conseils. « Je leur dis toujours : la mer, il faut la respecter. Elle donne, mais elle reprend aussi ». Une philosophie que partage son époux. « Aujourd’hui, beaucoup veulent tout, tout de suite, mais la mer t’apprend la patience. Tu attends des heures pour un poisson, tu apprends l’humilité », ajoute-t-il.
Le couple représente une mémoire vivante de la pêche artisanale. À une époque où la modernité gagne même les villages côtiers, ils incarnent un lien précieux avec les traditions d’antan.

« La mer, c’est notre vie »

Alors que le soleil décline sur le lagon, Saveetree et Darmaraj s’apprêtent à rentrer. Quelques capitaines et huîtres reposent dans leur panier. Ils les vendront au marché avant de retrouver leur maison, simple, chaleureuse et bâtie pierre après pierre grâce à la mer.

« Quand je regarde derrière, je ne regrette rien. J’ai eu une belle vie, remplie d’amour et de mer », dit Saveetree en fixant l’horizon. Darmaraj pose sa main sur celle de son épouse : « Tant qu’on peut, on continuera à sortir ensemble. Le jour où on arrêtera, ce sera que la mer nous aura appelés pour de bon ».

Le vent se lève, et le couple reprend la mer, silhouette à contre-jour dans le lagon doré. Deux cœurs, une seule vie, à la mesure des marées.

 

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