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Sous la présidence de Donald Trump : le spectre d’une guerre commerciale mondiale plane

L’investiture de Donald Trump, ce vendredi 20 janvier, au poste de président des Etats-Unis d’Amérique est accueillie avec angoisse à travers le monde. Chefs d’état et de gouvernement, économistes et penseurs craignent que le nouveau locataire de la Maison Blanche ne mette à exécution sa menace d’une guerre commerciale qui commencera contre la Chine et le Mexique et qui pourrait s’étendre sur le monde.

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Donald Trump ne part pas en guerre contre la Chine sans munition. L’économiste Stephen S. Roach, ancien Chairman de Morgan Stanley Asia, indique que le président élu s’est armé de deux canonniers appropriés pour déclencher la guerre commerciale contre la Chine qui, par la suite, va se muer en une guerre commerciale mondiale.

Donald Trump (à dr.) et Peter Navarro, futur directeur du National Trade Council.

Peter Navarro, qui est anti-Chine, sera nommé directeur du National Trade Council. Ce professeur d’économie à l’université de Californie a sorti récemment deux livres sur la menace chinoise : Death by China (2011) et Crouching Tiger: What China’s Militarism Means for the World (2015). Un autre anti-Chine, l’industrialiste Wilbur Ross, sera le secrétaire d’état au Commerce. D’ailleurs, c’est le tandem Navarro-Ross qui avait écrit l’Economic Policy Position Paper que Donald Trump avait publié sur son site de campagne électorale.

Stephen S. Roach prévient qu’une guerre commerciale sera au détriment des deux pays vu qu’il y a « une codépendance » entre les états-Unis et la Chine. D’une part, l’économie des états-Unis repose en partie sur l’argent chinois. Les Chinois ont acheté USD 1,5 trillion de bons du Trésor américain. D’autre part, la Chine est le troisième plus grand exportateur vers les états-Unis après le Canada et le Mexique.

Une oligarchie à l’oeuvre

Le futur secrétaire d’état au Commerce Wilbur Ross et son épouse Hilary Geary.

Simon Johnson, ancien chef économiste au Fonds monétaire international (FMI), va plus loin en avançant que Donald Trump est en train de créer une oligarchie au sommet de l’Etat. « Son cabinet est composé de cinq multimilliardaires et de six multimillionnaires. Ceci dit, l’état sera sous le contrôle d’une poignée de personnes disposant d’un important pouvoir économique. L’administration de Trump sera une alliance de riches hommes d’affaires qui croient que le protectionnisme est le moyen le plus efficace de booster l’économie américaine. Mais c’est une fausse conception », soutient-il.

Le plan du protectionnisme à la Trump est déjà en phase d’application. La première étape a été la menace contre la délocalisation des industries américaines (voir plus loin). Ensuite, ce sera l’imposition d’une taxe à l’importation « en vue de rendre l’économie américaine plus forte ». Cependant, l’ancien chef économiste du FMI rappelle qu’une taxe à l’importation signifie tout simplement une hausse du prix des produits importés. « Cette oligarchie veut réduire les taxes directes imposées sur eux, les riches, pour imposer la taxe indirecte sur tous les consommateurs. Elle va transférer le fardeau fiscal de l’épaule des riches à celui des autres. Cela aura un effet négatif sur les Américains », déplore-t-il.

Simon Johnson prédit un retour de manivelle. Une guerre commerciale verra le jour lorsque les pays menacés par cette mesure vont riposter par des mesures dites punitives contre les états-Unis. « Les pays qui se sentent menacés, comme la Chine, ne vont pas rester les bras croisés. Qu’adviendra-t-il s’ils décident, à leur tour, d’imposer une taxe sur les produits exportés par les états-Unis ? à coup sûr, cette mesure va affecter les firmes américaines d’exportations, allant jusqu’à les forcer à réduire leur personnel. La guerre commerciale n’a jamais profité à aucun protagoniste. L’histoire l’a prouvé à maintes reprises », prévient-il.

Mise en garde d’Angela Merkel

La chancelière allemande Angela Merkel.

Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie en 2001, redoute la réaction de la Chine et du Mexique. « Trump sait sans doute que sa proposition viole la réglementation de l’Organisation mondiale du commerce mais il sait aussi probablement que cette institution sera lente à réagir. à ce moment-là, l’Amérique aura peut-être rééquilibré sa balance commerciale. »

Si une guerre commerciale éclate, que se passera-t-il ? Joseph E. Stiglitz pense que Trump pourrait gagner car la Chine dépend davantage des exportations vers les états-Unis que l’inverse. Cependant, ces derniers pourraient eux aussi se retrouver perdants. « Les représailles de la Chine pourraient se révéler politiquement destructrices et, pour cela, elle se trouve en meilleure position que les états-Unis. » 

La chancelière allemande Angela Merkel a mis en garde contre les tendances protectionnistes prêtées au président américain, rappelant l’exemple de la crise financière de 2008 et insistant sur la nécessité d’avancer ensemble. « Ma conviction profonde, c’est qu’il y a plus d’avantages (...) à avancer ensemble que lorsque chacun règle ses problèmes pour soi, j’en suis vraiment convaincue, c’est une attitude constante chez moi », conseille-t-elle à Donald Trump. L’ancien secrétaire aux Affaires étrangères du Mexique, Jorge G. Castañeda, appréhende que le nouveau président créé les conditions d’un « worst case scenario » à travers le monde en laissant planer l’incertitude sur sa stratégie économique et sa politique de commerce international. Déjà, fait-il ressortir, les marchés, les investisseurs, les banques centrales et les gouvernements se préparent au pire.

Le Siècle chinois pourrait arriver plus tôt que prévu

«Avec l’aide de Donald Trump, le Siècle chinois peut arriver plus tôt que prévu. » C’est ce que prévoit Yasheng Huang,  professeur d’économie et de management à la Sloan School of Management aux états-Unis. Car après que le président élu a annoncé que son pays ne fera pas partie du Trans-Pacific Partnership (TPP), des pays d’Asie privilégient le « regional trade bloc » qui sera chapeauté par la Chine.

Donald Trump ne fait qu’afficher son antagonisme pour la Chine en accusant les Chinois d’avoir violé les accords commerciaux, d’avoir dévalué leur monnaie pour avoir un avantage sur les états-Unis au niveau des exportations et d’avoir construit une importante base militaire. Ensuite, il est allé plus loin, mettant fin à un protocole de 40 ans en passant un coup de fil à la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen.

« C’est à la fois un impair diplomatique et la violation d’un protocole qui existe depuis quatre décennies interdisant tout contact direct entre le président des Etats-Unis et celui de Taïwan », déplore le professeur Yasheng Huang. Ce protocole, précise-t-il, a été respecté par tous les présidents américains et a pour but d’apaiser les tensions entre la Chine et Taïwan en décourageant le premier nommé à déclencher le processus de réunification et en dissuadant le second de réclamer son indépendance. Le professeur Yasheng Huang note que la politique de Donald Trump risque de détériorer les relations entre la Chine et Taïwan qui se sont améliorées au fil des ans « avec une augmentation croissante du commerce et des investissements ».

Donald Trump ne l’entend pas de cette oreille. Il ne voit aucune raison de ne pas avoir de contact direct au niveau présidentiel car les états-Unis vendent « des milliards de dollars » d’armes à Taïwan pour sa défense.

La reconnaissance de la « Chine unique » n’est « pas négociable », a affirmé Pékin dans une réplique au président élu américain, qui s’est dit prêt à remettre en cause ce principe pour renforcer les relations entre Washington et Taipei.

Mise en garde

« Le principe d’une Chine unique est le fondement politique des relations sino-américaines, il n’est pas sujet à négociation », s’est insurgé Lu Kang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Il n’y a dans le monde qu’une seule Chine, Taïwan est une région inaliénable du territoire chinois, et le gouvernement de la République populaire est le seul gouvernement légitime de Chine », a insisté M. Lu, dans un bref communiqué. « Nous enjoignons (M. Trump) à réaliser la sensibilité extrême de la question taïwanaise, et à respecter les engagements pris par les précédents gouvernements américains (...) afin de ne pas compromettre le développement sain et stable des relations bilatérales », a-t-il ajouté.

L’Amérique d’abord

Donald Trump est déterminé à privilégier les intérêts nationaux au détriment des accords bilatéraux et multilatéraux. En plaçant l’Amérique d’abord, il compte freiner la délocalisation des compagnies américaines, réduire au maximum l’importation, créer des emplois et doper la consommation.

Le président élu « means business ». Dès son élection le 8 novembre, il a envoyé un message très fort à l’égard des industriels américains qui prônent la délocalisation de leurs unités de production. Il les a sommés de ramener leurs usines aux états-Unis pour y relancer l’emploi manufacturier. Au cas contraire, il leur imposera de lourdes taxes douanières lorsque leurs produits entreront sur le territoire américain.

Plusieurs d’entre eux ont vite obtempéré comme le constructeur automobile américain Ford qui a annulé la construction d’une usine au Mexique pour investir aux états-Unis, invoquant un « vote de confiance » dans l’agenda économique du futur président américain. En décembre, c’était le fabricant américain de climatiseurs Carrier qui est revenu sur le transfert de 1 000 emplois vers le voisin mexicain, après un accord avec M. Trump, moyennant USD 7 millions de réductions fiscales. Ce dernier a aussi menacé la société General Motors de droits d’importation si elle continuait à importer des Chevrolet Cruze du Mexique au lieu de les fabriquer aux États-Unis.

Cette méthode inquiète des économistes de renom international. à l’instar de Dani Rodrik, professeur de politique économique internationale à l’université de Harvard, qui s’attend à ce que la politique industrielle de l’administration Trump vacille entre le népotisme et l’intimidation. « Cela pourra bénéficier à certains mais ce ne sera guère utile à l’écrasante majorité des travailleurs américains, ni à l’économie dans son ensemble. »

Nouriel Roubini, l’éminent économiste américain qui avait prédit la crise financière de 2008, pense que la politique « l’Amérique d’abord » aura de fâcheuses conséquences pour les états-Unis : « L’administration de Trump va shifter la stratégie géopolitique vers l’isolation et l’unilatéralisme en ne s’occupant que de l’intérêt national. » L’isolation de l’Amérique, fait-il ressortir, profitera énormément à la Russie de Vladimir Poutine. « Sans l’apport des états-Unis en Europe, la Russie va mettre à l’œuvre son plan d’expansionnisme. Déjà, elle défie les états-Unis et l’Europe en Ukraine, en Syrie et dans les Balkans. Elle va renforcer son influence dans les pays qui faisait autrefois partie du bloc soviétique », explique Nouriel Roubini.

Émotion et fébrilité chez les partisans

Depuis une semaine, la capitale vit au rythme d’événements plus ou moins exclusifs. à côté de la Maison Blanche, une boutique de souvenirs croule sous les objets à l’effigie du successeur de Barack Obama. Notamment cette paire de lunettes jaunes, surmontée d’une frange de cheveux blonds, à 13 dollars. Les autorités disent attendre un million de personnes, vendredi, pour la cérémonie d’investiture.

Seuls ceux qui auront obtenu une place par l’intermédiaire de leurs parlementaires pourront se trouver dans la zone la plus proche du Capitole tandis que les autres regarderont la cérémonie à distance sur des écrans géants. Au nouvel hôtel Trump de Pennsylvania Avenue, des ballons sont accrochés au haut plafond de verre pour un probable lâcher festif. Admirateurs du magnat et hommes d’affaires conservateurs se croisent dans le hall du rez-de-chaussée, décoré de bleu, blanc et rouge. Une rare opportunité d’approcher le nouveau pouvoir pour ceux cherchant des postes ou des contrats.

Programme de l’investiture

Matinée : Donald Trump, Mike Pence et leurs familles participeront à un office religieux à l’église épiscopalienne St-John, située près de la Maison Blanche. Le président Barack Obama et sa femme Michelle accueilleront ensuite Donald et Melania Trump à la Maison Blanche pour un thé. Puis, les deux couples se rendront ensemble dans le même cortège au Capitole, le bâtiment qui abrite le Congrès.

16 h 30 : Début de la cérémonie d’investiture proprement dite devant le fronton ouest du Capitole avec des chants et de la musique.

20 h 30 : Discours d’ouverture. Des responsables religieux prononceront l’invocation et feront des lectures. Mike Pence sera investi dans ses nouvelles fonctions de vice-président par un juge de la Cour suprême, Clarence Thomas.

21 heures : Prestation de serment de Donald Trump qui sera investi président par un juge de la Cour suprême, John Roberts. Le nouveau président des états-Unis utilisera la Bible d’investiture de l’ancien président Abraham Lincoln, ainsi que la Bible que sa mère lui avait donnée à la fin de son catéchisme en 1955. Puis Donald Trump prononcera son discours d’investiture.

 

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