
- La mère de famille lance un appel pour être opérée
Sandy Pachetty est clouée au lit par une pathologie de la colonne vertébrale. Après trois années d’errance médicale, cette mère envisage de se faire opérer en Inde. Faute de moyens, elle s’apprête à lancer une collecte publique pour espérer retrouver sa mobilité.
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Dans la pénombre d’une petite chambre, une silhouette repose sans repos. Sous une couverture légère, les bras croisés sur un oreiller, Sandy Pachetty fixe le plafond, comme pour y chercher une réponse. À 35 ans, elle a le corps d’une combattante et le regard d’une mère épuisée.
Depuis trois ans, elle vit un calvaire silencieux, un combat contre la douleur, l’incompréhension et l’abandon institutionnel. Ce corps qui était le sien ne lui obéit plus. Et pourtant, elle tient. Pour sa fille de 10 ans. Pour elle-même. Pour continuer d’y croire.
C’est en octobre 2021 que tout commence. Une simple raideur au niveau du dos, diagnostiquée comme un banal nerf coincé. Pendant deux mois, elle fait la navette entre le dispensaire et la pharmacie. On lui prescrit des anti-inflammatoires, des relaxants musculaires. Mais la douleur persiste, s’intensifie. Jusqu’à ce soir de novembre, où elle se réveille, paralysée. Le choc est violent. Elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Des calmants, encore, qui apaisent sans soigner.
Débute alors un long parcours médical, où chaque porte semble se refermer sur elle. En 2022, elle entame un traitement orthopédique à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. Physiothérapie, ceinture lombaire, rendez-vous interminables. Rien ne soulage ses souffrances. Une IRM est prescrite. Nous sommes alors en juillet 2022. À l’heure où ces lignes sont écrites, en mai 2025, Sandy n’a toujours pas eu les résultats.
Pendant près de deux ans, elle suit pourtant consciencieusement les rendez-vous au Spine Center de Candos. À chaque consultation, les mêmes questions, inlassablement : « Vous urinez normalement ? Vous allez bien aux toilettes ? » Elle répond toujours oui. Mais lorsqu’elle évoque ses reins bloqués, ses jambes qui ne répondent plus, ses difficultés à marcher, on la renvoie avec des analgésiques. Des traitements à répétition, sans diagnostic clair. « Mo pe dir zot mo lerin bloke. Zot dir mwa pa trouv nanye », dit-elle.
Un psychiatre est sollicité. On lui prescrit un antidépresseur. Car à force de douleur, le corps lâche, mais l’esprit aussi. Le stress devient une douleur secondaire, alimentée par l’angoisse de ne pas comprendre ce qui l’enchaîne. Et surtout : de ne pas être crue.
Le 16 septembre 2024, on lui annonce, sans explication claire, qu’une opération de la colonne vertébrale est nécessaire. Elle refuse. « Mo pa kone ki zot pou opere », dit-elle, avec lucidité. Pas de protocole, pas de détails. Juste une peur immense et légitime : celle de se réveiller, ou de ne jamais se réveiller. Et de ne plus jamais marcher. De ne plus jamais porter sa fille.
Elle continue, seule, à gérer sa douleur. Elle arrête les rendez-vous au dispensaire. Prend ses médicaments en pharmacie. Jusqu’au dimanche de Pâques, où les douleurs reviennent plus fortes. Le lendemain, elle chute. Son pied ne se lève plus. Les signaux sont clairs : les symptômes sont de retour…
Le 6 mai 2025, à 3 heures du matin, elle vit un épisode qu’elle décrit comme une mort imminente. Une douleur foudroyante. Des tremblements incontrôlables, de la tête aux pieds. Le cœur qui bat la chamade, à la limite de la rupture. Elle appelle à l’aide. Les urgentistes du Samu et les pompiers montent à l’étage. Elle est admise en urgence à l’hôpital, où elle reste jusqu’à jeudi. Deux autres épisodes de tremblements se produisent. Elle voit un psychologue, un psychiatre, un orthopédiste. À nouveau, on lui recommande d’aller au Spine Center de Candos.
Mais le 14 mai, lorsqu’elle s’y présente, une nouvelle gifle l’attend : son dossier médical a disparu. Perdu. Égaré dans un système qui broie les corps et oublie les existences. On lui répète, à nouveau, qu’une opération est nécessaire. On lui tend des papiers pour se faire admettre à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. Mais personne ne sait lui dire ce qui sera précisément opéré. Elle n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Une colonne vertébrale de plus, dans une file d’attente sans fin.
Collecte publique
Face à l’incertitude, elle hésite. Accepter une opération dont personne ne lui garantit l’issue ? Ou risquer de rester allongée, à vie, si elle ne fait rien ? Elle a peur. À 35 ans, avec une fille de 10 ans, cette peur est une compagne constante. Alors, elle se tourne vers une association. Là, des patients lui parlent d’une solution : se faire opérer en Inde. Là-bas, la chirurgie de la colonne vertébrale est une spécialité. Là-bas, dit-on, les risques sont mieux maîtrisés. Là-bas, elle pourrait espérer autre chose que des calmants et des silences.
Sandy Pachetty va donc bientôt lancer une collecte publique. Une cagnotte en ligne, des appels à l’aide, des mots posés sur sa douleur pour espérer que des inconnus, touchés par son histoire, l’aident à payer cette opération. Elle n’a pas le choix. Elle ne se bat plus seulement pour son dos. Elle se bat pour une chance de tenir debout, encore. De pouvoir aller chercher sa fille à l’école, de cuisiner sans trembler, de vivre une vie que la douleur lui vole depuis trois ans.
À Maurice, le mot « soin » résonne parfois comme une ironie cruelle. Car ce que Sandy endure, elle ne le vit pas seule. Ils sont des centaines, peut-être des milliers, à être renvoyés de service en service, à attendre des résultats qui n’arrivent jamais, à voir leurs dossiers s’égarer, leurs souffrances minimisées, et leurs espoirs s’effriter.
Sandy, elle, refuse de s’effondrer. Son corps l’a trahie, mais pas sa volonté. Elle parle lentement, posément, mais chaque mot qu’elle prononce est chargé de dignité. Sa chambre n’est pas un lieu d’abandon. C’est un champ de résistance. Et cette collecte à venir, c’est son cri. Son appel. Pour que son histoire ne soit pas qu’une plainte. Pour qu’elle devienne un exemple. Un électrochoc. Une étincelle dans la nuit des oubliés du système.
Elle n’a que 35 ans. Et elle rêve encore de marcher. Pour sa fille. Pour elle-même. Pour continuer.

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