Interview

Soorya Gayan directrice-générale du Mahatma Gandhi Institute: «La diaspora doit aider sans arrogance»

Comment convaincre les membres de la diaspora mauricienne à mettre leurs compétences au service du pays, sans que leur éventuel retour n’occasionne des problématiques d’ordre économique, social et culturel ? Pour Soorya Gayan, il convient d’amorcer une réflexion de fond sur ce projet cher à l’Alliance Lepep. Comment la République de Maurice peut-elle être attrayante aux yeux de sa diaspora ? Maurice est capable de mettre de l’avant un ensemble de facteurs, tous crédibles et vérifiables. Nous sommes une démocratie vivante et dynamique, respectueuse des institutions. Dans la pratique, au jour le jour, notre population est garante de cette démocratie, de ses libertés à tous points de vue. Les Mauriciens ont appris à enrayer toute tension sociale avant qu’elle n’atteigne des proportions alarmantes. Ce sont là nos ressources. Néanmoins, il reste des éléments observés dans la pratique, en notre défaveur, comme une certaine nonchalance au travail. Il faut que nous apprenions la rigueur, une qualité que peuvent apporter les membres de notre diaspora.
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/div> La nonchalance ne fait-elle pas partie du « charme » à la mauricienne ? Oui ! C’est la raison pour laquelle je n’ai pas de réponses tranchées au sujet de notre diaspora. Ce n’est pas sans enjeu. Il ne faut donc pas prendre des décisions à la hâte. Un des aspects de ce projet se situe en amont. Il s’agit de s’interroger sur les raisons qui ont poussé les Mauriciens à émigrer. Une fois les réponses obtenues, nous saurons pourquoi certains d’entre eux se laisseront tenter par un retour. Je ne suis pas convaincue que tous le veulent. Il en existe encore qui, après des vacances prolongées à Maurice, se sont réjouis de retourner en Europe. En revanche, d’autres voient à Maurice de réelles perspectives pour s’y installer avec leurs familles. Il faut bâtir sur ces notes positives. Pour quels postes nous faudra-t-il l’expérience de cette diaspora ? Moi, je ne le sais pas. Ce sont aux entrepreneurs, avec la collaboration du Board of Investment, d’identifier ces professions dans leur stratégie de développement. Peut-être qu’il faudrait d’abord identifier les pôles de compétences. À ce jour, cela n’a pas été fait, mais il y a une réelle volonté dans ce sens. Il y a une prise de conscience. Il faut désormais procéder à la mise sur pied de mécanismes. Cependant, il importe de bien avoir à l’esprit que nous ne sommes qu’au tout début d’un long processus, soumis lui-même à une dynamique tant économique que sociale et culturelle. Et cette dynamique, elle-même, fait partie intégrante du concept de village global. En ce moment, nous n’avons pas de certitudes. Nous sommes dans la phase exploratoire. Les incentives promis à la diaspora sont-ils de nature à créer une société à deux vitesses ? Je ne suis pas trop favorable à cette formule. Je préfère celle qui se fonde sur le partage des connaissances et des expériences. Même si je suis très consciente de la frustration que peut susciter l’idée d’offrir des encouragements aux Mauriciens de la diaspora chez les locaux. On a parlé aussi d’un style de vie occidental, que ces derniers ne seraient pas disposés à abandonner… Il nous faut être réaliste aussi ! L’île Maurice du 21e siècle n’a plus grand-chose à voir avec celle des années 1960-70. Cela dit, il ne faudrait pas tout sacrifier à l’autel d’une modernité déshumanisante, alors que nous avons bâti notre image sur certaines valeurs, telles notre sens de l’hospitalité et du partage, la solidarité, ainsi que notre charme et notre spontanéité… Cela dit, dans un monde formaté, la présence d’une culture différente peut être enrichissante. Il ne faudrait pas que tout le monde se ressemble. Mais cette transition, si elle se fait, doit s’accomplir dans la douceur. La diaspora mauricienne doit participer à notre développement sans arrogance. Qui doit faire l’effort vers l’autre : le Mauricien d’ici ou celui d’ailleurs ? Les deux ! C’est très compliqué. Nous n’avons pas besoin d’être altruiste à 100 %, mais nous avons besoin de la diaspora dans notre stratégie de développement. Quelle sera la suite de la récente conférence sur la diaspora ? Nous publierons un document de tout ce qui a émergé lors de cette conférence internationale sur la diaspora (ndlr : organisée par le MGI durant la semaine écoulée). Déjà, nous sommes satisfaits d’avoir créé un buzz sur la question de la diaspora mauricienne. Dans le passé, le MGI avait créé l’événement en organisant la commémoration de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage, celle de l’engagisme et une troisième activité appelée The making of a multicultural society. À chacune de ces activités, nous avons touché à des questions sensibles, parfois controversées, mais notre but était de provoquer la réflexion. Aujourd’hui, nous sommes de nouveau parvenus à susciter la prise de conscience.
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