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Rajen Bablee : «Les Mauriciens se sont mus en ‘roder bout’ fidèles et obéissants»

Nous célébrons, ce vendredi 9 décembre, la journée internationale de lutte contre la corruption. Le directeur exécutif de Transparency Mauritius brosse un tableau sombre de la situation dans le pays. 

En cette journée contre la corruption, quel regard jetez-vous sur la situation à Maurice ?
Le regard est plutôt sombre. L’île Maurice est perçue par beaucoup d’étrangers comme un modèle de paradis. D’autre part, beaucoup de Mauriciens perçoivent leur pays comme étant résolument corrompu. Mais les actions citoyennes pour dénoncer, protester ou stopper cette corruption sont inexistantes ou rares. Le Mauricien lambda veut le minimum de contrariétés. Il est fasciné par le pouvoir et par ceux qui le détiennent. Un sourire, un signe, une faveur et il est subjugué et laisse la voie libre aux puissants.

Maurice se classe à la 49e place au niveau mondial. Qu’est-ce que cela implique ?
En théorie, ce n’est pas mauvais sur une liste de 180 pays. Le gouvernement avait émis le souhait que Maurice améliore son score pour être parmi les premiers. Les mesures n’ont cependant pas suivi.

Selon des sondages, de nombreux Mauriciens pensent que la corruption gangrène le système…
Ils n’ont peut-être pas tort, mais que font-ils concrètement pour changer le système ? Au lieu de s’organiser contre cette gangrène, beaucoup se l’approprient et estiment que c’est la meilleure solution. C’est chacun pour soi. Les Mauriciens se sont mus en ‘roder bout’ fidèles et obéissants. 

Il y a la commission anti-corruption qui a un grand rôle à jouer dans ce combat, mais qui peine à donner les résultats voulus. Qu’est-ce qui cloche ?
Déjà, on voit aujourd’hui que la police enquête sur la commission anti-corruption. En parallèle, l’Icac enquête sur nombre de policiers et se trouve engagée dans un conflit avec une autre agence, l’IRSA. Pour beaucoup, l’Icac est perçue comme étant une arme politique contre les opposants au pouvoir du jour. Le fait que le directeur général, sans mettre en doute ses compétences, soit nommé par le Premier ministre, instille le doute.Par ailleurs, il y va de la capacité des enquêteurs. Les enquêtes de l’Icac par rapport à la corruption et au blanchiment sont différentes de celles auxquelles les policiers de carrière ont été exposés. Ils peuvent être excellents pour retrouver des braqueurs, mais dans le cadre d’une enquête sur le blanchiment, les éléments sont différents et nécessitent un paradigme différent. Or, l’Icac est dirigée par une génération dépassée.

Faut-il un nouvel organisme ?
Le problème relève surtout de la compétence ou incompétence à mener de telles enquêtes ou alors d’un problème de génération. Un jeune enquêteur, alliant sa science à l’intelligence intuitive ou émotionnelle, peut être meilleur qu’un limier avec 40 ans d’expérience. Ce n’est pas une critique, mais les typologies et technologies ont complètement changé en moins d’une génération et sont toujours en train de muter. Il faudrait peut-être un mariage de styles

Comment redonner confiance à la population ?
Tous les citoyens doivent être traités de la même façon et le même respect. Et le principe de la pérennité de l’État et des institutions doit primer. Les politiciens ne sont que de passage pour donner une direction à un pays. L’État ou les institutions ne sont pas leurs jouets et ceux qui dirigent ces institutions ne sont pas leurs marionnettes. La bonne gouvernance ne doit pas être un mot creux. Elle doit être vivante. De même, les citoyens doivent apprendre qu’ils ont le droit de poser des questions et demander des comptes à leurs élus.

Quelles sont les mesures à prendre dans cette lutte contre la corruption?
Il faudrait redonner leurs lettres de noblesse aux institutions, comme la police et l’Icac. Les nominations doivent être effectuées non pas par une seule personne, mais par un comité parlementaire qui siège en public pour choisir les candidats. Nous maintenons aussi que la source principale de la corruption a un lien direct avec le financement occulte des partis politiques. Tant que l’on ne règle pas ce système opaque et que l’on ne connaît pas les sources de financements, la corruption durera.

 

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