Live News

Politique : la réforme électorale revient sur la table des discussions

Le système électoral reste un chantier inachevé depuis 1968.

Relancée par Paul Bérenger lors d’une conférence de presse samedi, la réforme électorale s’impose de nouveau dans le débat politique. Le leader du MMM plaide pour un compromis mêlant scrutin majoritaire et proportionnel, la refonte du Best Loser System et une modernisation globale du processus, alors que l’Alliance du Changement en a fait un pilier de son programme. 

Publicité

La réforme électorale, enjeu crucial pour l’avenir démocratique de Maurice, fait son retour dans le débat politique. Paul Bérenger l’a remise au cœur des préoccupations le samedi 30 août 2025, lors d’une conférence de presse dans le lunch room de l’Assemblée nationale. Le Premier ministre adjoint, et leader du Mouvement militant mauricien (MMM) a insisté sur le besoin de revoir ce système fondamental.

« La réforme constitutionnelle inclut la réforme électorale », a-t-il affirmé. Selon lui, la révision de la Constitution sur le fond se fera en temps et lieu, mais ce qui mérite une attention particulière rapidement est la réforme électorale. « Je ne pense pas que ce sera difficile pour le Parti travailliste (PTr) et le MMM de tomber d’accord, car nous étions déjà tombés d’accord », a-t-il déclaré. 

Ce compromis proposait que deux tiers des députés soient élus en circonscription et un tiers au scrutin proportionnel. « Nous avions également étudié en détail le Best Loser System (BLS) et envisagé des améliorations. Nous avions dit que nous viendrions avec la réforme électorale et que nous laisserions les gens s’y habituer avant d’aller plus loin avec le BLS », a ajouté Paul Bérenger. 

Si le désir d’ouvrir les discussions dans un délai raisonnable est bien là, il n’est cependant pas question de brûler les étapes. Façonner la réforme électorale prendra le temps nécessaire, confie-t-on dans les coulisses du pouvoir.

Cette relance s’aligne sur le programme électoral de l’Alliance du Changement. Celui-ci prévoit la nomination d’une commission indépendante « qui pourra mieux refléter les vœux de l’électorat et garantir qu’au moins un tiers de candidats de chaque parti aux élections générales soit des femmes », des mesures anti-transfuges, et un mécanisme de révocation du mandat d’un député par ses électeurs (Right 
of Recall). 

Le programme insiste également sur la reconnaissance du droit des citoyens mauriciens à se présenter aux élections sans obligation de classification communautaire, afin de promouvoir une citoyenneté unifiée. Enfin, il annonce une vaste consultation pour moderniser le processus électoral, assurer des élections « free and fair » et réformer les recours judiciaires pendant ainsi qu’après les campagnes, en accélérant les délais de traitement.

Ces propositions interviennent alors que Maurice a déjà fait face à des pressions internationales, notamment celles du Comité des droits de l’homme des Nations unies. Ce dernier a, dans le passé, critiqué le système en vigueur pour son ancrage dans des catégories ethniques. Le BLS, conçu pour assurer une représentation des minorités, est souvent perçu comme un frein au « nation building ».

En 2014, le MMM et le PTr avaient déjà conclu un accord pour remplacer le BLS par six députés élus directement par les leaders politiques à partir d’une liste préétablie. Un projet de loi intégrant cet élément était prêt. Une équipe restreinte, incluant l’Attorney General travailliste d’alors Satish Faugoo, le leader adjoint d’alors du MMM Alan Ganoo et l’ancien chef juge sir Victor Glover, collaborait avec le State Law Office pour finaliser les amendements constitutionnels. 

Parmi les objectifs : supprimer le recensement ethnique ; approfondir la démocratie en rendant impossible un 60-0 ; assurer une représentation équitable à l’Assemblée nationale ; augmenter la présence féminine ; intégrer le BLS dans une représentation politique élargie ; décourager les transfuges ; et porter le nombre de parlementaires élus sur une liste unique de 16 à 20, sous contrôle des leaders. Mais l’alliance d’alors n’avait pas pu s’imposer aux élections générales de décembre 2014. 

Naissance du système actuel (de 1956 à 1968)

• 1956-1957 : Des propositions initiales pour un système proportionnel (PR) sont discutées, mais rejetées lors de l’accord de Londres au profit d’un système majoritaire avec des membres nommés pour garantir la représentation communautaire. 

• 1965-1967 : La Commission Banwell, nommée par les autorités britanniques, propose un système électoral pour l’indépendance. Cela inclut le FPTP avec des mécanismes pour protéger les minorités. Par la suite, ce cadre est modifié par John Stonehouse pour aboutir à l’introduction du BLS. Ce mécanisme prévoit l’attribution de sièges supplémentaires aux communautés sous-représentées, en se basant sur les données du recensement de 1972 (qui restent utilisées jusqu’aujourd’hui, malgré des critiques sur leur obsolescence). 

• 1968 : Indépendance de Maurice avec le système FPTP + BLS. L’Assemblée nationale compte 62 députés élus et jusqu’à 8 Best Losers, pour un total de 70.

Années 1970-1990

• 1982, 1987, 1991 et 1995 : Résultats disproportionnés (60-0 en faveur de la coalition au pouvoir), où des partis obtenant plus de 30 % des voix n’obtiennent aucun siège (sauf via le BLS). Cela déclenche des appels à la réforme pour introduire de la proportionnalité. 

Années 2000 : Commissions et propositions non abouties

• 2001-2002 : Nomination de la Commission Sachs (présidée par le juge sud-africain Albie Sachs), chargée d’examiner la réforme constitutionnelle et électorale. Elle recommande un système mixte : maintien des 62 sièges FPTP + 30 sièges selon la proportionnelle pour les partis obtenant plus de 10 % des voix nationales, avec l’intégration du BLS dans la représentation proportionnelle pour éviter le communautarisme. 

Autres propositions : équilibre genre (au moins 1/3 de femmes sur les listes), financement public des partis, interdiction des partis communautaires ou religieux, et renforcement de la Commission électorale. Le rapport est peu débattu publiquement. 

• 2002-2004 : Un comité parlementaire spécial examine le rapport Sachs. Il propose deux modèles : un compensatoire (similaire à Sachs, avec 62 FPTP + 8 BLS + 30 PR) et un parallèle. Pas d’accord final, mais la recommandation pour une représentation proportionnelle compensatoire tout en conservant le BLS. Essai d’un système mixte à Rodrigues (élections régionales), qui réduit les écarts de sièges. Ce système encore en vigueur est souvent critiqué car avec le niveau élevé de proportionnelle dans le système rodriguais, les différents gouvernements régionaux ne tiennent que sur une majorité d’un.  

• 2005 : Les négociations stagnent, sans mise en œuvre. 

Années 2010-2020 : nouvelles initiatives, mais échecs

• 2011 : Rapport Carcassonne sur la réforme électorale, explorant des options pour plus d’équité, commandé par le gouvernement PTr. 

• 2012 : Rapport Sithanen propose 20 sièges selon la proportionnelle pour remplacer le BLS, visant une représentation ethnique sans références constitutionnelles explicites. Loi adoptée pour exiger au moins 1/3 de femmes dans les conseils municipaux et conseils de district.

• 2014 : Document de consultation sur la réforme électorale. Mesure temporaire pour ne plus obliger les candidats à déclarer leur communauté (en réaction à une décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU). 

• 2018-2019 : Projet de loi d’amendement constitutionnel proposé par le gouvernement MSM : abolition du BLS, introduction de 12 sièges sur la base de la représentation proportionnelle + jusqu’à 10 sièges supplémentaires (augmentant l’Assemblée à 85 membres), quota genre (pas plus de 2/3 de candidats du même sexe par parti), et suppression de la déclaration communautaire. 

Critiques : régression sur la diversité (risque de sous-représentation des minorités), allocation PR favorisant les grands partis, nomination post-électorale par les leaders (anti-démocratique), et manque de quota pour les ministres femmes. Le projet est débattu mais retiré, sans adoption, en raison d’un faible engagement public et de résistances. 

• 2019 : Élections générales sous l’ancien système. 

Années 2020-2025 : discussions en cours, sans réforme

Les débats sur la réforme persistent, avec des appels à plus d’équité et de diversité, mais aucune loi n’est adoptée. En résumé, les tentatives de réforme visent principalement à introduire de la proportionnalité, à abolir ou moderniser le BLS, et à promouvoir l’égalité des genres, mais elles échouent souvent en raison de résistances politiques et du besoin d’une majorité de 3/4 à l’Assemblée nationale pour pouvoir apporter des amendements constitutionnels. 


 

La très longue histoire des tentatives 

Depuis son indépendance en 1968, Maurice utilise un système électoral majoritaire à un tour, First-Past-The-Post (FPTP), dans des circonscriptions plurinominales : trois députés par circonscription principale et deux pour Rodrigues. 

Ce système est complété par le système de Best Losers, qui attribue jusqu’à huit sièges supplémentaires afin de garantir une représentation ethnique équilibrée des quatre communautés reconnues par la Constitution : hindoue, musulmane, sino-mauricienne et population générale.

Toutefois, ce dispositif a souvent été critiqué pour sa disproportion (écart entre votes et sièges), son caractère communautariste et la faible représentation féminine. Malgré de nombreuses tentatives, aucune réforme majeure n’a encore été mise en œuvre.

 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !