Un an après l’arrivée au pouvoir de l’Alliance du Changement, le député travailliste Roshan Jhummun défend le bilan du gouvernement. Il appelle à la patience, assurant que les réformes structurelles engagées poseront les bases d’un redressement durable du pays.
Un an après l’arrivée au pouvoir de l’Alliance du Changement, quel regard portez-vous sur le bilan du gouvernement ? Les grandes orientations annoncées pendant la campagne ont-elles trouvé un début de concrétisation ?
Je l’ai dit plusieurs fois : quand nous avons pris le gouvernement en novembre 2024, le pays était « anbaloa », il était gangréné. Toutes les institutions étaient presque en faillite. Il y avait beaucoup de désordre et nous devions remettre de l’ordre. Comme je le dis souvent, il est beaucoup plus facile de construire une nouvelle maison que de la rénover. Vous avez vu combien de temps il nous a fallu pour rétablir les choses.
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Pour parler du bilan après un an au pouvoir, je dirais que nous avons surtout pris le temps de remettre de l’ordre. N’empêche qu’il y a eu de nombreuses réalisations – cela reste relatif, tout dépend de la perception. Certains voient le verre à moitié plein, d’autres à moitié vide. Mais il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Avant de vous rencontrer, j’ai pris le temps de noter les réalisations du gouvernement : de mémoire, j’ai listé dix pages A4. Cela va de l’indépendance retrouvée des institutions à la liberté du peuple. Comme l’a dit le Premier ministre Navin Ramgoolam, l’une des grandes conquêtes de cette année est bien la liberté. Avant, le peuple était muselé, physiquement et virtuellement sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, la police a retrouvé son autonomie. La Financial Crimes Commission (ex-ICAC) a retrouvé ses lettres de noblesse – au point qu’une enquête a même été ouverte sur l’un de ses commissaires. Cela n’aurait jamais été possible sous le régime précédent du MSM. Le Directeur des poursuites publiques (DPP) a également retrouvé ses pouvoirs.
Sur le plan démocratique, il n’y a aucune comparaison possible entre le gouvernement actuel et l’ancien. Un an s’est écoulé et aucun député n’a été expulsé du Parlement par la Speaker de l’Assemblée nationale. Sous Dharam Phokeer, presque chaque séance se soldait par des expulsions.
Malgré ces réalisations, une partie de la population estime que le changement promis tarde à se concrétiser et que les réformes avancent trop lentement. Comment expliquez-vous ce sentiment ?
Comme je vous l’ai dit, tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il faut donner le temps au temps. Nous avons hérité d’un pays où il fallait d’abord remettre de l’ordre. Maintenant que cela est fait, nous allons avancer dès l’année prochaine. Il est vrai que nous avons promis beaucoup, mais il faut du temps.
Nous avons été élus pour un mandat de cinq ans. Les investissements que nous faisons aujourd’hui, notamment dans la production d’électricité, ne rendront pas le pays autosuffisant du jour au lendemain. Il en est de même pour l’eau. Nous allons de l’avant avec le projet du Rivière des Anguilles Dam, en suspens depuis des décennies. Le ministre concerné m’a donné la garantie que les travaux débuteront très prochainement, et je veillerai personnellement à cela.
Les nominations à des postes stratégiques continuent de susciter des critiques sur le manque de transparence. Le gouvernement a-t-il respecté l’esprit de rupture et de bonne gouvernance annoncé ?
Il ne faut pas oublier qu’à Maurice, tout le monde se connaît. Même avec un comité de sélection, celui-ci serait composé de Mauriciens nommés par des politiciens. Au final, c’est toujours le gouvernement qui désigne les dirigeants des institutions.
L’important est de nommer des personnes compétentes, et c’est ce que nous avons fait. Est-ce que Kishore Beegoo, président du conseil d’administration d’Air Mauritius, n’était pas compétent ? Est-ce que Rama Sithanen et Gérard Sanspeur, comme gouverneur et Second Deputy Governor de la Banque de Maurice respectivement, ne l’étaient pas ?
Peut-on dire qu’ils ont été nommés par favoritisme ? Non, ils l’ont été pour leurs mérites. Mais il est arrivé ce qui est arrivé, et ils ont dû quitter leurs postes. On peut mettre « the right man at the right place », sans garantie de performance. Le Premier ministre nomme de bonne foi des personnes compétentes, mais il n’a aucun contrôle sur leurs actes une fois en poste. C’est aussi ce qu’on a vu à la FCC, où un commissaire a dû se retirer et fait aujourd’hui l’objet d’une enquête.
Le désaccord récent entre le Parti travailliste et le MMM a suscité des doutes sur la stabilité de l’alliance. Cette tension pourrait-elle affecter la cohésion gouvernementale ?
Je suis d’accord avec vous : Maurice mérite mieux que les tensions internes dont on entend parler. On ne peut pas tenir un pays en haleine en se demandant chaque jour s’il y aura cassure ou non. Cette incertitude nuit au peuple, au gouvernement et aux investisseurs.
Si nous voulons donner un signal fort que nous « mean business », il faut un gouvernement solide. Nous ne pouvons pas rester dans le doute permanent sur la participation du MMM. Une fois pour toutes, il faut clarifier la situation. De même, soit on est dans le gouvernement, soit on ne l’est pas. Mais on ne peut pas rester au gouvernement et le critiquer matin, midi et soir. Comme dit l’expression : un ministre, soit il ferme sa bouche, soit il démissionne.
Qu’est-ce qui a conduit le gouvernement à cette situation ?
Le peuple a voté massivement pour un réel changement, qui ne concerne pas seulement les institutions ou la gouvernance, mais aussi les comportements. Il faut une attitude positive, la volonté de travailler en équipe, de faire des compromis, d’accepter la diversité des opinions.
Un gouvernement réunit des personnes aux parcours et visions différents. On ne peut pas s’attendre à ce que tout le monde pense ou agisse de la même manière. Certains politiciens, malheureusement, vivent encore dans le passé et peinent à s’adapter à la réalité d’aujourd’hui, faite de réseaux sociaux et d’intelligence artificielle.
Nous devons respecter nos partenaires et leurs opinions. Les divergences sont saines, mais elles doivent s’exprimer dans les instances appropriées. Il faut cesser de penser à son parti ou à ses intérêts personnels avant le pays. Une fois pour toutes, il faut ramener la sérénité au sein du gouvernement.
Peut-on dire à ce stade que le gouvernement se porte bien ?
Oui, le gouvernement se porte bien, tant que le Premier ministre garde les rênes. Le jour où il les perdra, ce sera problématique. Mais pour l’instant, elles sont bel et bien entre ses mains. Le train est en marche, tout le monde doit être à bord. Ceux qui refusent de monter ne peuvent être forcés ; le choix leur appartient.
Quel message adressez-vous à ceux qui doutent de la capacité du gouvernement à incarner le changement ? Quelles devraient être les priorités pour regagner la confiance des Mauriciens ?
Qu’on nous juge à la fin du mandat. Nous n’avons pas hérité d’un pays en ordre ; il fallait tout remettre sur pied. Le MSM, en 2014, avait trouvé un pays stable, alors que nous avons dû réparer et tout remettre en place.
Nous avons pris le temps qu’il fallait et aujourd’hui, je peux dire que le pays est en bonnes mains. Nous allons dans la bonne direction. Si, au bout de cinq ans, nous avons failli, le peuple saura quoi faire.
C’est vrai, certaines mesures sont impopulaires, mais elles sont prises pour l’avenir : celui du pays, de nos jeunes, de nos enfants et des générations futures. Navin Ramgoolam sait ce qu’il fait. Il n’a pas pris de décisions pour plaire, mais pour construire. Il restera Premier ministre, et l’histoire retiendra qu’il a eu le courage d’adopter des mesures audacieuses, comme le report du paiement de la pension de vieillesse de 60 à 65 ans.
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