Un an après l’arrivée au pouvoir de l’alliance du Changement, le ministre du Travail dresse un bilan « positif ». Reza Uteem évoque les réformes engagées, les défis persistants du marché du travail et la solidité de la coalition gouvernementale.
Un an après la victoire de l’Alliance du Changement, quel bilan global tirez-vous de l’action gouvernementale ? quelles réalisations traduisent-elles le mieux l’esprit de rupture et de renouveau promis aux Mauriciens ?
En un court laps de temps, nous avons tout de même accompli d’importantes réformes en matière de consolidation de la démocratie et de renforcement du pouvoir du Directeur des poursuites publiques, ainsi que des institutions chargées de lutter efficacement contre la fraude et la corruption. Il n’y a plus de « reward money », plus de « planting », plus de tables d’écoute pour surveiller les moindres faits et gestes de la population. Le peuple est libéré et peut s’exprimer librement, que ce soit sur les réseaux sociaux, à la télévision ou à la radio.
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Concernant le Parlement, la Speaker Shirin Aumeeruddy-Cziffra a redonné à l’institution ses lettres de noblesse. En matière de « Law and Order », la volonté de combattre les fléaux, notamment le trafic de drogue, est claire.
Sur le plan économique, malgré la situation catastrophique héritée, nous avons réussi à verser un 14e mois et à accorder une compensation salariale pour compenser la perte du pouvoir d’achat. Nous avons revu la fiscalité afin de faire davantage contribuer les plus riches et d’alléger le fardeau des travailleurs à faible revenu. Aujourd’hui, 90 % des Mauriciens ne paient pas d’impôt sur le revenu. Nous avons également freiné l’érosion de la roupie et consacré plus de Rs 1,5 milliard en subventions pour faire baisser le prix des denrées essentielles, comme le lait, le fromage et les produits en conserve.
Au sein de mon ministère, nous avons commencé à appliquer les recommandations du comité interministériel sur l’embauche des travailleurs étrangers. Une nouvelle loi encadre désormais les agents recruteurs, qui doivent adhérer à un code de conduite et veiller à ce que les travailleurs étrangers ne soient pas exploités par des intermédiaires véreux.
Le système de permis d’emploi a été largement simplifié : le quota a été remplacé par la preuve de l’incapacité à recruter localement, ce qui favorise les petites et moyennes entreprises. Nous avons également pris en compte les difficultés rencontrées par les personnes âgées pour employer des « carers » et du personnel domestique.
Enfin, nous avons rétabli le dialogue entre les partenaires sociaux, syndicats comme représentants patronaux. Les Assises du travail, tenues en septembre, nous ont permis de récolter des données précieuses : nous préparons à présent des amendements législatifs pour améliorer les droits des travailleurs.
Le ministère du Travail était particulièrement attendu sur des dossiers comme la précarité, le salaire minimum et la protection des travailleurs. Quels progrès concrets ont été réalisés et quelles réformes sont envisagées ?
Les Assises du travail et de l’emploi visaient justement à instaurer ce dialogue. J’ai voulu rompre avec la pratique de l’ancien gouvernement, qui modifiait le droit du travail à travers le Finance Bill sans consultation préalable. Aujourd’hui, nous privilégions la concertation. Nous tenons compte des revendications des travailleurs mais aussi des attentes du patronat, afin d’aboutir à des solutions gagnant-gagnant.
Plusieurs observateurs estiment que le changement promis tarde à se concrétiser, notamment sur le plan de la gouvernance et de la transparence. Que répondez-vous à ceux qui jugent que l’élan initial du gouvernement s’est essoufflé ?
Je pense qu’en matière de bonne gouvernance, ce gouvernement agit dans la transparence. Contrairement à l’ancien régime, nous ne faisons pas de « cover-up ». C’est pourquoi il y a eu plusieurs arrestations, y compris celle de Mamy Ravatomanga de Madagascar. Comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Premier ministre Navin Ramgoolam, ce gouvernement pratique la transparence et la tolérance zéro envers ceux qui ont fauté.
Je comprends l’impatience de certains face à l’absence d’actions rapides. Mais la différence, c’est que nos enquêtes sont menées de manière indépendante, sans ingérence politique. Nous respectons les institutions et la justice, même lorsque nous ne sommes pas forcément d’accord avec leurs décisions.
Y a-t-il d’autres changements, moins visibles, mais significatifs ?
Une fois l’économie redressée, les effets seront plus visibles. Je reste très confiant quant à l’avenir économique de Maurice, notamment en voyant le nombre d’entreprises qui recrutent. Cela signifie qu’il y a des commandes et, donc du travail. Les chiffres du tourisme sont également encourageants, tout comme les projets immobiliers en cours. Il reste beaucoup à faire, certes, notamment pour moderniser le secteur portuaire et ouvrir davantage notre politique aérienne et nos échanges économiques.
Le recours accru aux travailleurs étrangers ne traduit-il pas un exode de la main-d’œuvre mauricienne, attirée par de meilleurs salaires à l’étranger ? Quelles mesures pour retenir ces talents ?
Il y a deux facteurs principaux. D’abord, la réalité démographique : notre population vieillit et la main-d’œuvre locale diminue. Pour maintenir notre niveau de vie et notre croissance, nous devons recourir à des travailleurs étrangers.
Ensuite, beaucoup de Mauriciens ne souhaitent plus exercer certains métiers que faisaient leurs parents, notamment dans le textile, l’hôtellerie ou la restauration. La nouvelle génération recherche des emplois de bureau, avec des horaires fixes. Nous devons nous adapter à ce profil.
Concernant le « brain drain », il touche aussi bien les professionnels partis à l’étranger que ceux travaillant sur des bateaux de croisière ou dans des pays comme l’Australie et le Canada. Pour les retenir, il faut revoir la grille salariale, mais pas seulement : il faut aussi offrir des conditions de travail équitables et transparentes.
Il existe une perception selon laquelle certains postes seraient réservés à quelques privilégiés et que la méritocratie n’est pas toujours respectée. Si nous voulons que nos jeunes et nos talents reviennent, il faut changer cette perception. Les recrutements et promotions, dans le public comme dans le privé, doivent se faire dans la transparence.
Que fait votre ministère à ce sujet ?
Nous privilégions la médiation et la conciliation pour résoudre les différends entre employeurs et employés. Lorsque cela échoue, les affaires sont portées devant l’Employment Rights Tribunal. Il faut un changement de mentalités à la tête des institutions : la médiocrité ne peut plus être la norme. Il faut tout faire pour encourager la diaspora à revenir contribuer au développement du pays.
Le désaccord récent entre le Parti travailliste et le MMM a suscité des interrogations sur la solidité de l’alliance. Pensez-vous que cette tension puisse compromettre la cohésion gouvernementale ?
Dans toute alliance, il peut y avoir des divergences d’opinions. J’ai confiance dans le leadership du gouvernement : les leaders sauront mettre de côté leurs différends pour agir dans l’intérêt supérieur du pays.
Comment se porte le gouvernement à ce stade ?
Nous venons de tenir une réunion du groupe parlementaire (lundi après-midi), et l’entente entre les partenaires est excellente. J’espère que cette cohésion perdurera.
En tant que ministre du MMM, comment évaluez-vous la contribution de votre parti au sein de la coalition ?
Je préfère parler du travail collectif. Tous les partis - PTr, MMM, Nouveaux Démocrates, Rezistans ek Alternativ - participent activement aux réunions du Conseil des ministres. C’est un véritable travail d’équipe au service de la nation.
Les tensions ont donc été mises de côté ?
Comme je l’ai dit, les leaders se parlent. Je suis confiant qu’ils trouveront, comme toujours, un terrain d’entente dans l’intérêt supérieur de la nation.
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