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Plus de 50 ans d’existence - Pentecôtiste : un mouvement qui attire de plus en plus de fidèles

Pentecôtiste Le pays compte des dizaines de milliers de pentecôtistes..

Après un peu plus de 50 ans d’existence, les pentecôtistes se chiffrent en dizaines de milliers. Ce qu’ils recherchent aujourd’hui : le statut de religion pour se débarrasser enfin de l’étiquette « secte » qu’ils ont en horreur.

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Pour la première fois de leur histoire, les pentecôtistes ont obtenu qu’un Premier ministre assiste à une de leurs fonctions. Pravind Jugnauth était l’invité d’honneur d’un dîner donné par l’Assemblée de Dieu, l’église la plus importante du mouvement pentecôtiste, au Triveni, Beau-Bassin, le vendredi 5 octobre 2018. Le Premier ministre a prononcé un discours de circonstance. Si les responsables de l’Assemblée de Dieu estiment le nombre de pentecôtistes à 100 000, le dernier recensement qui remonte à 2010 donne le chiffre de 68 000. Ce mouvement n’existe pourtant que depuis 51 ans. Comment en est-il arrivé là en si peu de temps ?

Dans son livre intitulé « Histoire des religions de l’île Maurice et Rodrigues » et publié en 2002, Breejan Burrun explique les origines et les traits distinctifs du mouvement pentecôtiste, notamment les aspects qui ont attiré les masses. C’est en 1967 que le Français Aimé Cizeron lance le mouvement des Assemblées de Dieu à Maurice. Le mouvement est également appelé « Mission, salut et guérison » – l’origine de la dénomination « mission » utilisée par les non-pentecôtistes. Dès son lancement, l’église compte des milliers de membres.

Michel Ramsamy, un pentecôtiste de la première heure, explique l’attrait initial du fondateur Cizeron : « J’avais à peine sept ans à l’époque, mais je me rappelle des malades qui venaient, ceux qui arrivaient en fauteuil roulant pour sortir en marchant. Des personnes guérissaient de manière miraculeuse. Certaines prenaient le micro pour témoigner. C’est cela qui explique la croissance initiale du mouvement. »

La langue des anges

L’ouvrage de Breejan Burrun explique un autre trait distinctif des pentecôtistes : « Le baptême du St-Esprit dont le signe initial est le parler en langues. » Michel Ramsamy confirme que les pentecôtistes croient en la guérison miraculeuse du corps et de l’âme ainsi qu’au parler en langues. Qu’est-ce que le « parler en langues » ? « C’est la langue des anges. On ne l’apprend pas. On la parle quand on est dans une sorte de transe. La personne elle-même ne comprend pas ce qu’elle dit. »

Le « parler en langue » a de quoi fasciner : la personne qui s’y livre, sans s’en rendre compte, enchaîne à haute vitesse une série de syllabes articulés autour des occlusives « b » et « d » et des voyelles « e » et « a ». Cela sonne comme du charabia à l’oreille, mais l’expérience de toute une congrégation se livrant au « parler en langue », yeux clos et mains levées aux cieux, a de quoi faire frissonner.

Guérison miraculeuse

La guérison miraculeuse et le « parler en langue » contribuent donc largement à la fascination pour le pentecôtisme. Mais d’autres éléments sont à l’origine de sa rapide expansion, selon l’auteur Breejan Burrun. Il y a d’abord l’utilisation intensive du kreol, voire du bhojpuri, et de la musique folklorique dans le culte du mouvement. Cela le rendait plus accessible. Puis, il y a le « zèle missionnaire des membres » qui joue un rôle important. Si bien qu’après à peine 30 ans, le mouvement comptait plus de fidèles que d’autres églises – anglicane, presbytérienne, adventiste et témoin de Jéhovah – qui étaient présentes à Maurice bien avant.

Durant son passage de 1967 à 1972, Aimé Cizeron ouvrira dix églises. À la fin des années 2000, l’auteur estimait le nombre de ces églises à 130 (voir hors-texte pour les dernières estimations) et les pasteurs à une centaine. Les années 80 verront la scission du mouvement avec de nombreuses dissidences après la création de La Voix de la Délivrance, entre autres. Sans compter l’avènement de l’église Chrétienne, initialement issue du renouveau charismatique de l’église Catholique, avec des connexions sud-africaines.

Au-delà du nombre de fidèles, un élément du discours du Premier ministre au dîner a retenu l’attention plus que les autres : il a rappelé qu’il a augmenté les subventions accordées aux religions après de longues années de stagnation. Est-ce la reconnaissance officielle et l’obtention des subventions qui attirent ? Non, affirme Georges Leste, président de l’Assemblée de Dieu. « Notre démarche n’a rien à voir avec l’argent. Depuis des années on utilisait le terme ‘secte’ pour nous décrire. Nous sommes une religion et nous prêchons la Bible. Notre démarche n’a rien de politique. » Le terme « secte » est effectivement mal digéré par l’ensemble de la communauté pentecôtiste. Derrière toute démarche de reconnaissance, on sent ce besoin de se laver de l’infamie de l’étiquette de « secte ».

maurice

Près de 70 000 membres en 2010

Le recensement effectué en 2010 puis publié en 2011 donne les détails concernant les appartenances aux différentes branches du christianisme à Maurice, y compris les pentecôtistes. Le questionnaire est conçu de sorte à ce que ce soit les personnes interrogées elles-mêmes qui donnent librement leur appartenance religieuse. La catégorie la plus importante pour les pentecôtistes est l’Assemblée de Dieu, qui comptait à l’époque 8 692 membres. La deuxième catégorie la plus importante est Pentecotiste Church avec 6 817 membres. Mission Salut et Guérison complète le podium avec 3 731 personnes. Et 731 personnes se reconnaissent comme des fidèles de La Voix de la Délivrance alors que les autres dénominations pentecôtistes sont moins importantes : Église Chrétienne (142), Full Gospel Church (77) et Peniel Tabernacle (43). Au total, ce sont 20 233 Mauriciens qui se réclamaient d’une veine pentecôtiste ou une autre. Il faut toutefois y ajouter une autre catégorie : celle intitulée Christian et comprenant 47 774 membres. Le terme « chrétien » est communément utilisé par les pentecôtistes pour se décrire eux-mêmes. Le total atteint donc 68 007. Certains des responsables des églises pentecôtistes revendiquent jusqu’à 100 000 membres, si on prend en considération toutes les églises disséminées à travers le pays. Michel Ramsamy, un des pentecôtistes de la première heure qui a fait des études universitaires en théologie chrétienne, estime toutefois qu’ils sont entre 45 000 et 50 000 au total.


Rs 85 millions pour le financement des religions

C’est dans les comptes du ministère des Finances qu’on retrouve l’item « Religious and other Community Services ». La somme dédiée : Rs 85 millions. Elle est donnée aux six religions éligibles aux subsides gouvernementales : l’église Catholique, l’église Anglicane, l’église Presbytérienne, l’église Adventiste, les hindous et les musulmans. Il s’agit de religions officiellement reconnues avant l’Indépendance. La somme obtenue par chaque religion est calculée par rapport au nombre d’adeptes qu’elle compte au sein de la population. Un chiffre obtenu dans le recensement décennale, dont le dernier remonte à 2010. Les nouvelles églises ou mouvements religieux sont tenus de s’enregistrer auprès du Registrar of Associations (voir infographie) avec un minimum de sept membres ayant chacun une responsabilité. Si ces religions ne bénéficient pas de subventions de l’État, elles jouissent tout de même de privilèges en termes d’exemption fiscale.


Le pasteur Sudesh Gopee : «Le parler en langue est un don de Dieu»

C’est Aimé Cizeron le missionnaire qui lui a implanté la parole de Dieu. « Il a organisé des réunions partout dans le monde. Il nous a dit que notre ami fidèle est Jésus-Christ », explique Sudesh Gopee. Il est aujourd’hui pasteur à l’Assemblée de Dieu de Plaine-Magnien. Cela fait aujourd’hui 44 ans qu’il s’est converti. Il avoue n’avoir jamais cessé d’aider des personnes dans le besoin. « Nous aidons des familles défavorisées. Nous luttons contre la drogue grâce à l’Assemblée de Dieu », affirme-t-il. « Le parler en langue » lui est venu quand il priait.

« C’est un don de Dieu. Des fidèles reçoivent le don du Saint-Esprit et une nouvelle langue se manifeste », explique-t-il. Selon lui, les personnes reçoivent la capacité de parler cette langue après un baptême ou à la maison durant la prière. « C’est inexplicable. Cette langue m’est parvenue lorsque je priais. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Je commençais à parler une langue qui m’était inconnue », raconte-t-il.  


Alvin : «Je ne pensais pas guérir après mon accident»

Comme tous les jeunes, Alvin (il a souhaité être identifié uniquement par son prénom à cause de sa situation professionnelle) aimait s’amuser. Sa vie a basculé lorsqu’il était âgé d’une vingtaine d’années. Il raconte avoir fait l’expérience de plusieurs miracles. Le premier s’est passé après un accident de la route. « Quand j’avais 21 ans, j’ai fait un accident. La voiture dans laquelle je me trouvais a fait plusieurs tonneaux. J’aurais pu y laisser la vie. J’avais plusieurs fractures », raconte-t-il. Malgré les blessures, il s’est rendu à l’église la plus proche de chez lui. « J’ai demandé au pasteur de m’aider et de me guérir. Il a prié. Aujourd’hui, cela fait 12 ans que j’ai rejoint le pentecôtisme. Ma vie a changé grâce à Jésus-Christ », explique-t-il. Plus tard dans sa vie, alors que sa femme et lui essaient d’avoir un enfant, ils se tournent vers Dieu. « Ma femme et moi avons placé notre confiance en Jésus-Christ. J’attends mon deuxième enfant fin octobre », ajoute-t-il.


Anielle Rajeanne : «Je n’ai finalement pas eu besoin d’une greffe»

Anielle Rajeanne a commencé à croire et à prier Jésus-Christ après avoir vécu un miracle. C’est à travers sa mère qu’elle a rejoint le pentecôtisme. « Je venais de rencontrer le Seigneur mais j’ai ressenti le miracle de Dieu après un accident. Il a touché mon cœur », raconte-t-elle. Elle n’avait que 17 ans lorsqu’elle a fait un accident alors qu’elle était à bicyclette. Elle s’est réveillée à l’hôpital et elle s’est rendu compte qu’elle avait le visage abîmé et qu’elle avait besoin d’une greffe. « J’ai reçu la visite du pasteur. Il a prié et j’ai guéri en une semaine. Je me suis promise de prier après ma sortie de l’hôpital. Je n’ai pas eu besoin de greffe », souligne-t-elle.


Ashley Ballkooram : «Je n’étais pas pieux autrefois»

C’est par amour qu’Ashley Ballkooram s’est tourné vers le pentecôtisme. « Ma femme est née au sein d’une famille pentecôtiste. Je n’étais pas pieux, mais je me suis dit pourquoi ne pas essayer », raconte-t-il. Il avoue avoir cessé plusieurs choses : « J’ai arrêté d’aller en boîte de nuit, de boire de l’alcool et de fumer. J’ai changé mes habitudes et ma vie pour le meilleur », explique-t-il. C’est pour devenu lui un devoir de partir prier tous les dimanches. « Je n’étais pas comme cela avant. Le pentecôtisme a changé ma vie », explique-t-il. Il a aussi déjà « parlé en langue ».

 

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