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Pluies acides sur Maurice après l’éruption volcanique aux Tonga ? les avis des scientifiques divergent

Le ciel sous l’effet de Tonga.

Un météorologue d’un côté, un océanographe de l’autre. Pour Prem Goolaub, il n’y a aucun risque que le nuage provenant de l’éruption volcanique aux îles Tonga provoque des pluies acides à Maurice. Vassen Kauppaymuthoo, lui, affirme que la menace sera bien réelle dès mercredi.

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Après l’énorme éruption volcanique survenue le 15 janvier aux îles Tonga, à 12 000 km de chez nous, un vaste nuage de cendres s’est déplacé de l’océan Pacifique vers l’océan Indien. Depuis quelques jours, le ciel de Maurice s’est teinté de couleurs orangées. Le même phénomène est observé à La Réunion. Selon l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise, il est causé par la présence dans l’atmosphère d’aérosols (des fines particules et des gaz) provenant du panache envoyé à 18 km au-dessus du Pacifique Sud par le volcan Hunga Tonga.

Pour l’océanographe Vassen Kauppaymuthoo, ce qui nous semble joli dans le ciel pourrait nous tomber dessus. « La probabilité que nous soyons arrosés de pluies acides est bien réelle. Une partie du nuage a déjà atteint les Mascareignes et le vent circule d’est en ouest. Avec le refroidissement de l’atmosphère, nous risquons d’avoir des pluies torrentielles dans les prochains jours. » Ces pluies seraient alors chargées de particules acides issues de l’éruption volcanique. Selon le scientifique, « les précipitations contenant la plus forte concentration seraient pour mercredi ». Il ajoute que Maurice a déjà connu un tel scénario en 2007 mais qu’il s’agissait d’un phénomène de moindre intensité.  

Le directeur de la station météorologique de Vacoas, Prem Goolaub, ne partage pas du tout cette prévision. « Le nuage provenant du volcan Hunga Tonga est effectivement au-dessus de l’océan Indien mais à 30 km d’altitude, dans la stratosphère. Il se trouve très au-dessus des nuages qui apportent la pluie, qui eux sont situés dans la troposphère, la zone de l’atmosphère comprise entre 0 et 12 km d’altitude. Il n’y a donc aucun risque de pluies acides à Maurice », explique-t-il.

Le météorologue précise que le nuage en provenance des îles Tonga se compose de cendres volcaniques, d’aérosols et de gaz. « Ces particules fractionnent les rayons du soleil, donc le spectre de la lumière, ce qui produit différentes couleurs, dont le rouge et l’orange. » Pour Prem Goolaub, il ne faut pas s’inquiéter mais juste assister au spectacle.

Les petits planteurs inquiets 

Kripalloo Sunghoon, le représentant des petits planteurs, estime que même si la probabilité d’une pluie acide est minime, elle doit être prise au sérieux. « Cela dépendra du degré de concentration en acide de cette pluie et si elle nous arrose ou pas. Mais si cela se produit, ce sera grave pour le pays dans tous les domaines. » Il évoque, entre autres, les plantations qui vont brûler et les animaux qui seront touchés en mangeant l’herbe contaminée.
Au-delà, selon lui, « tout notre microsystème biologique va être détruit. Les pluies acides vont rendre notre terre stérile. Il y a des petites bêtes qui rendent la terre fertile, qu’on appelle des micro-organismes Si l’acide est trop fort, il va pénétrer dans la terre et les micro-organismes vont mourir. Même les pêcheurs sont à risque, de même que nos coraux, les algues, les poisons, entre autres », poursuit cet agriculteur.

Mais la météo dit qu’il n’y a aucun risque ? Kripalloo Sunghoon répond, sourire en coin : « Vous croyez tout ce que disent les institutions ? La population a perdu confiance en elles. La météo dit cela pour ne pas créer la panique. Mais son devoir est de dire la vérité s’il y a des risques, afin que la population prenne ses précautions, que les planteurs utilisent des serres, notamment. »

Roshan Toofany, planteur à Cottage, est du même avis : « Il y a déjà de l’acide dans l’atmosphère à cause de la pollution prononcée. Et ces particules descendent déjà à Maurice. Maintenant, si on doit avoir des pluies acides, j’espère qu’elles ne seront pas puissantes. »

Prakash Juddoo, consultant en environnement : « Un déséquilibre du PH peut affecter la vie sur terre et en mer » 

Diplômé en génie chimique et environnemental, Prakash Juddoo indique que les pluies acides peuvent avoir deux origines : naturelle, comme dans le cas d’une éruption volcanique, ou anthropogénique (provoqué par l’homme). Comme une centrale à charbon, poursuit-il, un volcan en éruption émet des gaz tels que le dioxyde de soufre et l’oxyde de nitrogène. « Étant légers, ces gaz vont dans les nuages. Quand ils entrent en contact avec l’eau et l’oxygène, une réaction chimique produit de l’acide. S’il pleut, les gouttes d’eau qui tombent contiennent cet acide. » 

Le consultant en environnement explique que le PH neutre est de 7. Si le PH est en dessous de 7, le milieu est acide. « Le PH d’une pluie acide varie entre 4,2 et 4,4, alors que la pluie normale a un PH de 5,6. La pluie habituelle a déjà un taux d’acidité car dans l’atmosphère, il y a des gaz favorisant l’acidité. Toutefois, il suffit d’un léger déséquilibre du PH pour affecter la biodiversité sur terre et en mer, ainsi que l’agriculture. » 

Les infrastructures, selon lui, peuvent aussi être endommagées. « Les fenêtres en métal ou la peinture peuvent s’abîmer. Cela s’applique aux voitures également en cas de surexposition. » Qu’en est-il du danger pour les personnes ? « Si elles ne sont pas protégées, elles peuvent souffrir de problèmes de peau et d’autres problèmes de santé. » Quand il y a une pluie acide, conclut Prakash Juddoo, il faut se mettre à l’abri, couvrir les réservoirs d’eau se trouvant sur les toits des maisons, ainsi que les véhicules pour éviter des dégâts. 

Soobaraj Sok Appadu : « On a acquis une résilience » 

L’ancien directeur de la météo, Soobaraj Sok Appadu, affirme que les pluies acides ne sont pas nouvelles. « Elles ne datent pas de l’éruption aux îles Tonga. Depuis la révolution industrielle, les activités humaines émettent divers gaz qui ont modifié la composition de l’atmosphère. » Les pluies acides représentent-elles un danger pour l’homme, les infrastructures, l’agriculture et la nature ? Selon le météorologue, « on a acquis une résilience. La pluie a déjà un taux d’acidité. Que ce soient les hommes, les plantes ou les animaux, on est conditionnés pour y faire face. »

 

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