Encouragées par le succès du « rallye » du 11 décembre, les principales composantes de la Plateforme pour la Liberté d’Expression ont décidé de s’allier plus durablement pour combattre ce qu’elles considèrent comme les dérives du gouvernement.
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Ils ont réalisé que si chacun défend sa propre chapelle, la force de frappe ne sera jamais suffisante pour affronter une forteresse. Linion Sitwayin Morisien de Bruneau Laurette, 100% Citoyens et Smart Citizen de Dev Sunnasy, ainsi que le Groupe Réflexion Emmanuel Anquetil de Rama Valayden ont décidé de se rassembler dans une plateforme commune, autour de laquelle graviteront d’autres partis, mouvements, associations et activistes acquis à la même cause. Une entité politique est en gestation.
« Nous sommes en train de tout peaufiner pour que nous formions un groupe solide et qui parle d’une seule voix. Nos trois ONG vont s’unir et nous comptons mener le combat ensemble avec d’autres partis satellites », explique Bruneau Laurette.
Pour lui, sa prise de position sur le naufrage du Wakashio a été l’élément déclencheur : « À partir de là, j’ai réalisé que les citoyens avaient besoin de donner de la voix, de descendre dans la rue et de dire à ce gouvernement : ‘assez !’ » Il rappelle ses autres combats : « Lutter pour avoir une alternative au vaccin obligatoire contre la Covid-19 ; la somme dérisoire de Rs 40 000 qu’on voulait donner en dédommagement aux pêcheurs. Et j’ai eu raison, ils ont obtenu Rs 112 000. »
Et en 2022, que prévoit-il ? « Nous allons, avec mes camarades de lutte, continuer à nous battre sur certains dossiers importants, comme l’abrogation des amendements à l’IBA Act que nous réclamons », annonce-t-il. Cette lutte, menée par les diverses entités réunies dans la Plateforme pour la Liberté d’Expression, a débuté pendant la présentation de l’IBA (Amendment) Bill à l’Assemblée nationale et a connu son point d’orgue avec la manifestation du 11 décembre, juste après la promulgation du texte de loi.
Rama Valayden se dit conscient des limites du champ d’action de l’opposition extraparlementaire : « Je suis satisfait de nos actions à 50 % seulement. Notre gros souci, c’est le financement. On n’a pas de sponsors, le mot d’ordre a été donné de nous boycotter. Mais nous faisons de notre mieux avec les moyens du bord. Nous cherchons un local pour toutes ces plateformes, mais sans argent, on ne peut pas faire grand-chose. Tout coûte. Une conférence de presse va chercher dans les Rs 30 000. Les banderoles, les affiches, tout est cher. »
Il ajoute que dès l’année prochaine, « tout sera fait pour que les différents partis extraparlementaires se rassemblent sous un seul toit pour qu’il n’y ait plus de ‘duplicate’ et pour mener des actions communes. »
Un « rallye » prévu le 29 janvier
Dev Sunnasy a eu une approche plus « citoyenne ». Il estime avoir réussi à susciter l’intérêt de nombreux Mauriciens à travers des tables rondes. « Ces rencontres nous ont permis de débattre sur des thèmes comme le réveil de notre démocratie, ‘To fote, to tase’, l’économie, l’environnement. Et en ligne, les sessions avaient un côté pédagogique. »
Pour lui, la Plateforme pour la Liberté d’Expression « a été un déclic généralisé. Il y a eu un sentiment de révolte dans la population. L’émission conjointe de Radio Plus et Top FM ainsi que d’autres débats qui ont suivi sur l’IBA Act ont permis aux Mauriciens de mieux cerner le problème et ses enjeux ». Puis, le rallye du 11 novembre « a été un franc succès malgré un protocole sanitaire strict ». Il remercie au passage l’appui de l’opposition parlementaire et les partis extraparlementaires pour cette réussite.
Dev Sunnasy confirme d’ailleurs l’organisation d’un autre « rallye » de protestation, programmé le 29 janvier prochain. Si la police donne son autorisation, la manifestation prendra son départ dans la circonscription du Premier ministre (Moka/Quartier-Militaire) et se dirigera en direction de Flacq. Une visio-conférence est aussi prévue à la mi-janvier avec des organisations internationales en vue de dénoncer « la dérive de notre pays vers la dictature ». Plusieurs plaintes sont en cours de préparation par les avocats Rama Valayden, José Moirt et Sanjeev Teeluckdharry.
« Les radios privées menacées »
Neena Ramdenee, du Mouvement Patriotique, dit regretter que nous nous acheminions vers l’éventualité de voir disparaître la totale indépendance des radios privées : « Des amendements ont été votés au Parlement en urgence, tels que la durée de validité de la licence des radios privées ramenée de trois ans à un an et la création d’un Independent Review Panel dont le président sera nommé par le Premier ministre. Je suis d’avis que dans trois ans, il n’y aura plus de radios privées, sauf celles à la solde du gouvernement ».
La militante estime que les femmes gagneraient à être plus proactives en 2022 : « Je suis choquée que les femmes ne soient pas venues en plus grand nombre adhérer à ce mouvement spontané pour défendre la liberté d’expression. Beaucoup m’ont félicitée et encouragée mais sont restées dans l’ombre. Pourquoi ? 2022 sera le moment pour elles. »
Ivan Bibi, lui, dit vouloir redonner vigueur à son parti actuellement en berne : « Je vais relancer le Nouveau Front Politik qui est un parti de jeunes avec de nouvelles idées. Nous nous battons pour l’amélioration des lois existantes et nous allons agir indépendamment, mais nous seront partie prenante des actions futures des autres regroupements. » Il ajoute qu’il se battra davantage en 2022 pour la liberté d’expression et qu’heureusement, « il y a encore une justice à Maurice qui rappelle souvent à l’ordre nos dirigeants ».
« Non à l’autocratie »
Pour sa part, Percy Yip Tong, fondateur de l’association Mo Ti Zil, se dit de tous les combats qui défendent les libertés individuelles et les droits fondamentaux : « J’ai participé au rallye contre la taxe de Rs 2 sur l’essence et la police m’a fait des misères sans aucune preuve. J’étais également au rallye du 11 novembre. Je me concentre sur des actions sociales à travers Mo Ti Zil mais je soutiens aussi différentes organisations qui luttent contre la drogue et la pauvreté et pour la protection de l’environnement. » En 2022, il envisage d’être aux côtés de la plateforme qui regroupera les mouvements citoyens.
Quant à Ivor Tan Yan, il estime que « la nouvelle génération a démontré qu’elle ne cèdera pas à l’autocratie du pouvoir » et que « les citoyens ont compris qu’ils peuvent faire bouger les choses en participant à des manifestations. Le 11 décembre, poursuit-il, la société civile a poussé l’opposition moribonde à descendre dans la rue, c’est quelque chose qu’elle aurait dû faire depuis longtemps ».
Pour l’année prochaine, l’ancien syndicaliste prévoit que le gouvernement deviendra plus impopulaire et devra « dissoudre de force son gouvernement, à moins qu’il ne se mette en alliance avec ceux qui frappent à la porte du Sun Trust… »
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