Certains Mauriciens préfèrent placer leur argent à l’étranger, notamment en Angleterre. C’est un grand « hobby » des Mauriciens que d’avoir des appartements à Londres. "
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Gérald Lincoln, Country Managing Partner chez EY, est catégorique. Maurice n’est pas un paradis fiscal. Les accusations contre Maurice viennent souvent de pays concurrents dans le simple but de le discréditer. Il ne mâche également pas ses mots sur les Pandora Papers.
La publication des Pandora Papers a provoqué une véritable onde de choc sur la finance mondiale. Certaines pratiques d’optimisation fiscale, qualifiées de suspectes de la part de puissantes personnalités, ont été révélées. Ne pensez-vous pas qu’il faut dépassionner ce débat ?
En effet ! Il faut dépassionner le débat. L’offshore, qu’on appelle le « global business » aujourd’hui, existe depuis très longtemps. Ce ne sont pas les Mauriciens qui l’ont inventé, mais les pays anglo-saxons comme le Jersey à titre d’exemple. À l’époque, soit dans les années 60-70, c’était très obscur. Ces centres offshores étaient souvent utilisés pour cacher de la richesse obtenue, souvent par des voies pas toujours légales. Mais depuis, il y a eu beaucoup de changement et d’évolution. Aujourd’hui, il y a l’impératif du KYC (« Know your client »). À Maurice, il y a aussi l’obligation de dire qui est l’ultime bénéficiaire (« beneficial owner ») de toute structure créée dans notre juridiction. Il y a également l’obligation de divulguer et d’expliquer les sources de la richesse.
Quand on voit un groupe de journalistes crier au scandale, j’y vois là une certaine hypocrisie. Ils viennent faire planer le flou sur des choses parfaitement légales, selon les règles de l’art, et les lois en vigueur. Ils font croire que tout est mauvais. C’est pas très honnête de jeter la boue sur des transactions autorisées et bien faites. Ceci dit, c’est vrai que certaines grosses fortunes, notamment les politiciens ont de la richesse inexplicable. C’est un autre sujet ! Il ne faut pas tout mélanger. Le « global business » est présent depuis longtemps. Il est appelé à se perpétuer. Il y a une structure globale qui permet à l’offshore d’exister de façon légale et c’est dangereux de venir insinuer que ce n’est pas le cas.
Doit-on s’inquiéter d’un éventuel impact de ces révélations sur notre juridiction surtout que ces documents contiendraient les noms de 17 ressortissants mauriciens et de 37 entités basées dans le pays ?
Non ! Maurice est un opérateur offshore. Il est normal d’y retrouver des sociétés locales et des Mauriciens dans d’autres juridictions. Il n’y a rien de mal à ce que nos compatriotes placent leur argent dans ces structures. Ils n’ont rien fait d’illégal. Ce n’est pas de l’argent volé qui a été caché.
Soyons directs. Pensez-vous que les Pandora Papers pourraient influer sur la décision du Groupe d’Action Financière (GAFI) quant à notre sortie de la liste grise ?
Je ne le pense pas ! Ce n’est pas le même sujet. Le GAFI met l’accent sur les structures et les contrôles voulus dans le pays. Ce que fait le GAFI n’a rien à voir avec les Pandora Papers.
Les enquêtes menées par le Consortium international des journalistes d’investigation (CIJI), ces dernières années, ont révélé que les gens riches préfèrent conserver leur fortune ailleurs que dans leurs pays. Il est aussi évoqué que l’argent investi et non déclaré peut ouvrir la voie au blanchiment d’argent et à d’autres crimes. Quel est votre sentiment par rapport à ce débat où la ligne de démarcation entre ce qui est licite et éthique reste floue ?
Il faut commencer par dire qu’on est libre de faire ce qu’on veut avec l’argent qu’on a gagné honnêtement. À Maurice, on n’a pas de contrôle des changes depuis les années 90. Donc, tout Mauricien est libre de prendre l’argent qu’il a gagné et le placer dans le pays ou dans d’autres centres offshores. Sur le fond, il n’y a rien de mal. Si c’est de l’argent mal gagné, là c’est un autre débat. C’est vrai que cela fait sourciller quand on voit des politiciens, qui, à la base, ne gagnent pas beaucoup d’argent, avec autant de fortune, comme Tony Blair dans les Pandora Papers.
À Maurice, est-ce dans la culture des grosses fortunes d’aller placer leur patrimoine dans des juridictions offshore où la fiscalité est très souple et où on cultive le secret ?
Je pense que généralement les Mauriciens sont très patriotes. Souvent, ils réinvestissent les richesses créées dans le pays même. Cela n’exclut pas le fait que certaines personnes préfèrent placer leur argent à l’étranger, notamment en Angleterre. C’est un grand « hobby » des Mauriciens que d’avoir des appartements à Londres. Encore une fois, ce n’est pas mal et c’est légal.
Est-ce que la décision de l’État d’imposer indirectement une taxe sur la fortune, dont la majoration du « Solidarity Levy » a contribué à provoquer un exode des capitaux vers les juridictions cataloguées comme des paradis fiscaux ?
Il faut préciser qu’il n’y a pas de taxe sur la fortune à Maurice. Le « Wealth Tax » n’existe pas. Ce serait très dangereux de l’introduire. À titre d’exemple, quand la France a imposé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les riches ont élu domicile en Belgique, à Luxembourg et d’autres pays avoisinants. S’il y avait un « Wealth Tax », au lieu d’attirer les riches, Maurice les aurait repoussés. Pour ce qui du Solidarity Levy, c’est une mesure temporaire mise en place en des temps exceptionnels comme la Covid-19. C’est une taxe sur les revenus et non sur le patrimoine qui englobe tous les biens d’une personne. Pour revenir à votre question, il n’y a pas eu d’exode. Par contre, il y a eu un mécontentement parce que le pays a toujours déclaré qu’il est une juridiction à faible taxation. Mais, là depuis quelques années, on ajoute des couches. Par exemple, le Solidarity Levy, qui était au départ à 5 %, est aujourd’hui fixé à 10 %.
Entre optimisation fiscale et évasion fiscale, il n’y a parfois qu’un pas à franchir, dit-on. Quel est votre avis sur la question ?
Ce sont deux choses très distinctes. L’optimisation fiscale, c’est de planifier sa fiscalité de façon optimale dans le respect de la loi. Par contre, l’évasion fiscale, c’est de la tricherie et ce n’est pas légal. Il ne faut surtout pas confondre les deux.
Les États-Unis, qui aiment bien faire la leçon à tout le monde, comptent pas mal d’états très libéraux en termes de taxation comme le Delaware.
Souvent, Maurice est pointé du doigt. Parce que nous accueillons de grosses fortunes et de multinationales qui sont là autant pour notre expertise que pour notre fiscalité légère. À contrario, les grandes puissances sont plus indulgentes vis-à-vis de la Suisse, du Luxembourg ou encore des dépendances britanniques où on cultive le secret. Pourquoi ?
Le point important est que Maurice n’est pas un paradis fiscal. Nous sommes une juridiction à faible taxation. Ce genre d’accusation vienne souvent de pays concurrents dans le but de le discréditer, mais les autorités mauriciennes sont très fermes sur ce point. Nulle part, le pays n’est classifié comme paradis fiscal. À contrario, les États-Unis, qui aiment bien faire la leçon à tout le monde, comptent pas mal d’états très libéraux en termes de taxation, comme le Delaware. De même en Europe, l’Union européenne a parmi ses membres des pays à la taxation très agressive.
Pour revenir à Maurice, notre juridiction a gagné en maturité et son apport compte dans l’économie. Nous avons un vrai « global business » qui est là pour rester.
Abordons la situation au niveau de l’économie nationale. Nos frontières sont complètement ouvertes depuis le 1er octobre. Est-ce que l’économie peut enfin souffler ?
C’est clair que l’économie va pouvoir souffler. Il le fallait ! Les nouvelles sont bonnes avec les touristes qui viennent et les réservations qui s’enchaînent. Nous commençons à remonter la pente.
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