Société

Organisations non gouvernementales: la professionalisation est-elle la clé ?

Les Organisations non gouvernementales (ONG) sont au centre de controverses depuis peu. Souvent après des déclarations du ministre de la Santé, la dernière concernant leur financement et de leur gestion. Tout en déplorant ces propos, des responsables d’ONG conviennent ques celles-ci devraient se professionaliser davantage.
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/div> À l’occasion de la Journée internationale des handicapés, la ministre de la Sécurité sociale Fazila Jeewah-Daureeawoo a fait les éloges des Organisations non gouvernementales. « Bann ONG, se partener gouvernman. (…) Fodre nou inir nou zefor pou nou kapav konstrir enn Éta modern e prosper pou ‘tout un chacun’ san exsepsion. Viv enn sosietz san exklizion ! » Mais son collègue Anil Gayan, ministre de la Santé, est insatisfait de leur travail. Il considère qu’elles ne font pas preuve de transparence et que des responsables de ces ONG bénéficient de salaires exorbitants. Ce qui n’a pas manqué de soulever l’indignation de certains dirigeants qui considèrent que si l’État assumait ses responsabilités comme il se doit, ces organisations à but non lucratif n’auraient eu pas leur raison d’être.

Pour plus d’efficacité

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Géraldine Aliphon, directrice d’Autisme Maurice, est remontée par rapport aux propos du ministre Gayan. Mère d’un garçon autiste, elle a dû se batailler pour la scolarisation de son enfant et de ceux souffrant de cette forme de handicap. Elle considère que ce secteur est le parent pauvre des programmes d’aide et déplore le fait que ces associations ne reçoivent pas d’aide alors même que les autorités trouvent les moyens financiers nécessaires pour réaliser divers autres projets. Pour elle, il faut plutôt les valoriser plutôt que de les critiquer. De son côté, Angélique de La Hogue, responsable de l’association Tipa, trouve «aberrants» les propos du ministre Gayan. Pour être plus efficaces, nombreuses sont les organisations à but non lucratif qui ont commencé à se professionnaliser pour bénéficier du financement des bailleurs de fonds qui exigent des comptes-rendus réguliers et un audit des finances. « Il faut se professionnaliser afin de mieux formuler les demandes d’aide. Aujourd’hui, il n’y a plus de la place pour l’amateurisme », explique Géraldine Aliphon. Cette professionnalisation ne devrait pas se faire à outrance, prévient Cadress Rungen du groupe A de Cassis. Pour lui, le danger derrière la professionnalisation des ONG, c’est la perte éventuelle de la dimension sociale de l’engagement. « Il est essentiel d’avoir des ONG professionnelles sans qu’elles ne deviennent des agences qui fonctionnent comme le secteur privé. Elles s’élloigneront alors de leur mission caritative ». Payer un salaire faramineux aux employés ne devrait pas être à l’agenda non plus, estime ce travailleur social de longue date. Pour lui, ceux qui s’engagent dans une organisation doivent bien assumer leurs responsabilités car le financement d’une organisation ne devrait pas être injecté dans les salaires et l’administration au détriment des bénéficiaires. De son côté, Michel Vieillesse, directeur de Kinouété, émet des réserves sur une professionnalisation à outrance : « L’environnement des ONG est certes plus complexe à gérer, mais cela ne veut pas impliquer qu’il faut ‘corporatiser’ ». Seules les ONG  enregistrées auprès d’un organisme régulateur, dont le Macoss, devraient bénéficier d’un soutien financier, afin de mettre fin à la prolifération d’ONG. On ne voit pas les fruits de leurs actions.

Regroupement

Geerish Bucktowonsing, président sortant du Mauritius Council of Social Services (Macoss), est d’avis qu’en suivant la tendance mondiale qui est la professionnalisation de toutes les instances, le développement du secteur civique peut avoir un impact intéressant sur l’épanouissement et le développement intégral des personnes que les ONG veulent aider. Cela est possible à travers le volontariat professionnel, basé sur le ‘caring’, afin que les bénéficiaires puissent réussir dans leur vie. Nos autres interlocuteurs abondent dans le même sens. Selon Angélique de la Hogue, « les ONG doivent fonctionner en toute transparence et il faut reconnaître que c’est une profession, quels que soient les domaines : santé, éducation ou lutte contre l’exclusion. Une meilleure gestion des ONG est importante, tout comme on gère une entreprise et on pratique la bonne gouvernance afin de pouvoir atteindre nos objectifs. Le Macoss pourrait assumer ce rôle, dit-elle ».  
   

Forces et faiblesses

Depuis bien avant l’accession du pays à l’Indépendance, les ONG sont engagées dans des activités humanitaires et opèrent dans des secteurs très variés. Certaines d’entre elles sont régies par des textes de loi, dûment approuvés par le Parlement, ce qui leur donne une existence légale. Il faut savoir que certaines ONG ont apporté une contribution non-négligeable au développement économique du pays. C’est le cas pour la Mauritius Family Planning Association (MFPA), créée en 1957. A un moment où des experts britanniques disaient que l’avenir de Maurice était sombre en raison du faible niveau d’éducation de sa population et d’un problème aigu de surpopulation, la MFPA a entrepris un travail qui a permis de ralentir la croissance démographique et de faciliter le développement économique du pays. Certains estiment que les ONG appartiennent à deux catégories : les organisations sérieuses et les organisations fantômes. Les premières, qui opèrent en toute transparence, avec des objectifs forts louables, sont très médiatisées. On peut classer dans cette catégorie, la MFPA, la Mauritius Red Cross Society, la Mauritius Scouts Association, la St John Ambulance, l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (Acim), Prévention Information, Lutte contre le Sida (Pils), entre autres. D’autres organisations sérieuses, à l’instar de MAPBIN-CHAN, engagée dans la promotion de l’allaitement maternel et l’Organisation Mauricienne pour l’Education Préscolaire (Omep), qui bénéficiaient du soutien des autorités, sont tombées dans l’oubli. L’atout et la faiblesse de ces organisations viennent du fait qu’elles ont toujours reposé sur les épaules d’un dirigeant. Dès que cette personne prend ses distances de l’organisation, celle-ci périclite au point de tomber dans l’oubli.  
   

Les pigeons-voyageurs

  Les organisations fantômes sont celles qui, outre des activités à caractère social et bénévole, en font un business lucratif comme, par exemple, la vente de bourses d’études. Cela s’est vu par le passé avec des organisations qui prônent l’amitié entre Maurice et un autre pays. Ces organisations sont souvent contrôlées par les membres d’une même famille ou par des proches. Elles se contentent d’une ou de deux activités pendant l’année, qu’elles ventilent à travers la presse, afin de justifier les subventions qu’elles reçoivent de sources locales ou étrangères. Ces organisations se font rarement prendre, malgré leurs activités douteuses, car elles opèrent selon les règles énoncées par le Registrar of Associations. Par ailleurs, le fait que les ONG poussent comme des champignons s’explique par l’émergence de centres d’intérêt qui n’existaient pas autrefois, comme l’environnement, la défense et la protection des enfants ou la promotion de la femme par le biais des associations féminines en tout genre. Il suffit de trouver une bonne cause et de s’en faire l’ardent défenseur. L’affiliation des ONG à des organisations internationales est source de financement pour des besoins administratifs (bureau, personnel, équipements de bureau, salaires et autres frais généraux), mais aussi l’occasion de voyager pour participer à des conférences, des séminaires et des ateliers de travail à l’étranger. Certaines organisations internationales sont, il faut le reconnaître, des sources intarissables de billets d’avion et, les dirigeants des ONG locales ne se font pas prier pour se faire inviter et participer à ces rencontres internationales. Certains de ces dirigeants sont devenus, au fil du temps, de véritables pigeons-voyageurs. Comme on peut l’imaginer, il n’est guère difficile de justifier de tels voyages : apprendre et s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger afin de rendre les organisations locales plus efficientes et performantes. Puisque la fin justifie les moyens autant profiter de ces voyages au frais de la princesse.
   

Business plan

Pour aider les ONG à se professionnaliser, le ministère de la Sécurité sociale a lancé, en mai dernier, une ‘Recognition of Prior Learning’, en collaboration avec l’UNDP (United Nations Development Programme). L’objectif est de permettre aux travailleurs sociaux, qui n’ont pas une éducation formelle, mais, ayant une excellente connaissance de terrain dans lequel ils exercent, d’avoir une reconnaissance équivalente à un National Certificate in Social Work Level 2. Par ailleurs, les ONG ont aussi été invitées à présenter un Business Plan en mai dernier. L’objectif était de bénéficier d’un financement pour mener à bien leurs projets. Les premiers bénéficiaires de ce plan d’aide financé par la SBM, sont ‘Autisme Maurice’, le groupe Élan et l’Association pour les personnes en larmes. Ils ont chacun obtenu une enveloppe d’un million de roupies.  
   

Questions à… Satish Boolell, ancien président du MACOSS: « Il ne faut pas abuser du mot ONG »

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Vous avez longtemps milité pour le bon fonctionnement des ONG. Quel est votre constat de la situation aujourd’hui ? Malgré tous les efforts faits dans le passé, avec la mise en place d’un code éthique et d’un code de conduite, force est de constater que de nombreuses ONG ne respectent pas la déontologie. Ce qui va à l’encontre de ce qui est exigé d’une telle organisation, c’est-à-dire qu’elle soit indépendante. Il y en a trop qui jouent le jeu politique, religieux, communal et ethno-castéiste avec des motivations financières au final. Le vrai combat pour l’amélioration du sort des démunis se fait dans le silence, sans rémunération et intérêt financier. Leurs actions changent la destinée de leurs bénéficiaires. On parle de la professionnalisation des ONG. Quel est votre avis ? On ne peut plus compter sur des volontaires, mais on requiert des employés à plein-temps qui seraient rémunérés. Avec les exigences financières, personne ne serait disposé à travailler de 9 à 16 heures sans être payée. Mais, il ne faut pas abuser du mot ONG et créer des organisations de famille et de business, ce que j’appelle des Family Oriented NGO (FONGO) ou Business Oriented NGO (BONGO). Il y a aussi les Email NGO qui sont actifs sur Internet, mais, ne changent pas la destinée de personne. Je constate avec regret qu’il y a plus de travailleurs sociaux que des victimes qui ont besoin d’aide. Le ministre Anil Gayan a déclaré qu’il n’est pas satisfait du travail de certaines ONG et demande plus de transparence. Que faudrait-il faire pour éviter tous les doutes sur le travail effectué par les ONG ? Je ne me range pas de l’avis du ministre, mais chaque ONG doit, à la fin d’une année financière, avoir un bilan financier pour justifier les nouveaux investissements. Trop souvent, les bailleurs ne demandent pas de comptes aux ONG. La Registrar of Associations dit ne pas être assez équipée. Bien que la mission d’une ONG est de fonctionner selon le ‘red tape’ gouvernemental, il faut une tour de contrôle qui permettrait de mettre un peu d’ordre dans le secteur afin de ne pas avoir une dizaine d’ONG, engagées dans le même secteur.
 

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