Débat

Nine-Year Schooling : les leçons particulières sont incontournables

Certificate of Primary Education (CPE) ou pas, il y aura toujours des leçons particulières. Apporteront-elles une contribution à la réforme du système éducatif ? Les avis semblent être mitigés à ce sujet.

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Les premières leçons particulières pour 2017 sont prévues début février. Les débats vont bon train, mais les leçons particulières ne quitteront pas d’aussitôt la scène éducative mauricienne. Quelques jours après la rentrée, si certains parents espéraient un changement, cette pratique conforte d’autres.

Isabelle : «C’est un plus pour l’enfant»

Aider son enfant à réussir sa scolarité est le devoir de chaque parent. Pour Isabelle, il ne faut surtout pas relâcher la pression maintenant. C’est une année décisive même si on a introduit le Primary School Achievement Certificate (PSAC).

« Depuis que nous avons appris qu’il y aurait une réforme dans le système éducatif, nous n’avons jamais songé à éliminer les leçons particulières. C’est un plus pour l’enfant. D’abord, un enseignant ne peut pas accorder une attention particulière à chaque élève quand il y a une quarantaine en classe. Pendant les leçons particulières, il y a moins d’enfants et cela permet à l’enseignant de faire un plan de révision ».

Isabelle soutient que le premier batch de Grade 6, cette année-ci, servira d’expérience et elle ne veut prendre aucun risque à ce stade. Elle veut que son fils ait le même rythme qu’en Grade 5. « Je sais que selon certaines écoles de pensée, les leçons particulières sont exténuantes, mais je veux qu’il fasse encore mieux pour avoir un bon collège. Mon fils ne se plaint jamais des devoirs, car il sait qu’il faut faire des sacrifices pour réussir dans la vie. »

Roshni Jogoosingh : «Plus de pratique pour s’améliorer»

Même son de cloche du côté de Roshni Jogoosingh. Pour cette dernière, c’est le seul moyen de suivre le parcours académique de son enfant. De plus, elle estime que la charge de travail et le stress pour décrocher de bons résultats et avoir un collège sont toujours là. Elle affirme qu’elle s’est renseignée sur le PSAC et que son fils a du pain sur la planche, même s’il ne prend pas part au CPE.

« Pour moi ce n’est qu’un changement d’appellation. C’est le même stress que le CPE, car je ne veux pas que mon fils soit admis dans un collège régional qui a un faible niveau. Et pour y parvenir, il est impératif qu’il prenne des leçons particulières. À cause de mon travail, je n’ai pas le temps de suivre la scolarité de mon fils. C’est juste une question de plus de pratique pour s’améliorer. Je ne lui mets pas de pression, car les week-ends, il a le temps de se reposer et d’avoir des loisirs. »

Rilana : «Pas de leçons en primaire»

Rilana dont la fille est en Grade 5 a décidé ne pas lui faire prendre des leçons particulières. Cependant, elle ne dissipe pas sa crainte, car elle estime que la pression est toujours là.
« En effet, la réforme sera avantageuse pour les enfants qui sont académiquement moins doués, mais pas pour l’élite. En tant que parents, nous voulons que notre enfant soit admis dans un collège où l’encadrement est approprié pour son développement ainsi que pour son éducation ».

Et d’ajouter que son mari et elle se sont concertés en ce qui concerne les leçons particulières et la décision est que sa fille ne prendra pas de leçons en primaire. « Nous allons l’aider avec ses devoirs et les révisions. Nous allons peut-être reconsidérer la question quand elle sera au collège, mais pour le moment on ne veut pas la bousculer. »

Pression maintenue ou réduite ?

Certains enseignants affirment qu’il est trop tôt pour se prononcer sur le PSAC. Toutefois, la demande pour les leçons particulières est toujours là. L’objectif reste le même : aider son enfant à trouver une place dans un bon collège.

Mahesh Bojeet : «Le souci principal reste l’allocation des collèges»

Enseignant et secrétaire de la Government Teachers Union, Mahesh Bojeet affirme que les écoliers du Grade 6 semblent être très enthousiastes pour entamer une année remplie de changements.

« Ils sont très curieux quant à l’introduction des nouvelles matières telle que les Communication Skills. Quant aux parents, ils nous ont déjà demandé à plusieurs reprises quand débuteront les leçons particulières. Ce sont eux qui viennent vers nous, car pour eux, même si on leur a fait comprendre qu’il n’existe plus de compétition féroce, le souci principal reste l’allocation des collèges. Cela surtout pour les enfants qui sont actuellement en Grade 6, car ils découvriront beaucoup de nouveautés en une année alors que ceux en Grade 5 suivront un programme étalé sur deux ans et tous les points des évaluations seront compilés. »

Par rapport au niveau de stress, l’enseignant affirme que rien ne peut être dit actuellement, car ils devront voir les résultats en classe, c’est-à-dire à quel point les enfants s’adaptent aux changements. « De toute façon, si nous constatons des lacunes, nous allons procéder aux ajustements au fur et à mesure. D’ailleurs, c’est une politique du gouvernement et nous devons suivre cela, car j’estime que cette réforme est dans l’intérêt des enfants. Après tout, cela permettra le développement holistique des écoliers. Il faut tout simplement donner à ce projet le temps qu’il faut »

Deepak Bageerutty : «Ce sont les parents qui viennent vers nous»

Si les enseignants sont prêts pour cette année de transition après avoir suivi plusieurs sessions de formation en 2016, plusieurs parents, pour leur part, sont encore dans le flou. « Nous avons un avant-goût de comment se déroulera l’année scolaire. Déjà, les parents posent des questions concernant l’allocation des collèges dans le cadre du Nine-Year Schooling. Ils nous demandent quand on débute avec les cours particuliers et c’est eux qui viennent vers nous. Malgré le fait que le A+ ainsi que les Star Colleges n’existent plus, ils sont tout de même au courant que les critères d’entrée différent pour chaque collège régional. De ce fait, ils vont essayer de préparer leur enfant jusqu’à la fin de l’année. »

Kavish : «Une baisse avec le PSAC»

Pendant des années, l’engouement pour les leçons particulières était là, car la compétition était rude pour obtenir un collège national. Or, selon Kavish, enseignant en primaire, il y a une baisse dans la demande. À cette même période, en 2016, ce dernier avait reçu quinze demandes pour des cours particuliers et il n’en a reçu que six cette année.

« Auparavant les parents estimaient que les leçons particulières étaient un petit coup de pouce pour aider leur enfant à mieux faire. Mais le fait que la pression diminue avec le PSAC, certains parents préfèrent alléger le stress de leur enfant, en éliminant les leçons particulières de leur emploi du temps »

Jacques Mallie, pédagogue et ancien recteur du Saint-Esprit

Tout porte à croire que les leçons particulières sont ancrées dans la culture éducative locale et que c’est difficile de s’en débarrasser. En effet, cela aurait dû être applicable que pour ceux qui ont un niveau faible, mais le cours particulier est une pratique généralisée à Maurice. Même avec l’abolition du CPE, les leçons particulières ne vont pas disparaître du système et cela pour plusieurs raisons.

« L’incertitude des parents par rapport à l’allocation des collèges perdure. Bien que le ministère de l’Éducation ait à maintes reprises répété qu’il n’y aura pas de compétition, il faut quand même se rendre à l’évidence que tous les collèges régionaux n’auront pas le même niveau. Les parents sont inquiets quant aux critères d’admission et ils préfèrent mettre toutes les chances de leur côté. D’où la raison qu’ils vont payer les leçons particulières à leur enfant »

« Il faut aussi comprendre que cela arrange les parents de laisser leur enfant avec les enseignants pour des cours, quand ils sont au travail. Ils n’ont pas le temps de faire un suivi avec l’enfant et préfèrent que ce dernier révise ses cours avec l’aide d’un enseignant. »

Paula Atchia : «Les leçons particulières n’ont pas leur place à Maurice»

Que ce soit pour le CPE ou le PSAC, la pédagogue Paula Atchia estime que les leçons particulières ne devraient en aucun exister dans le contexte mauricien. Pour elle, c’est un système parallèle qui ne favorise en aucune manière le développement de l’enfant et ne promeut pas l’éducation.

« En effet, la vraie raison des cours particuliers est de rattraper ce qu’on a raté en classe. Par exemple, si un élève a été malade pendant une longue période ou s’il a un problème à comprendre quelque chose, il peut suivre quelques classes supplémentaires pour rattraper le retard, mais en temps normal le concept de leçons particulières n’a pas sa place à Maurice. J’estime que ce n’est pas éthique de se faire un double salaire en donnant des leçons particulières, après les heures de classe. Éthiquement parlant, c’est une aberration pour la profession d’enseignant ».

 Par ailleurs, le pédagogue constate que le cursus scolaire sera moins chargé avec le système modulaire, mais il s’interroge sur le facteur temps. Comment insérer plus de matières dans le programme alors que les heures de classe restent inchangées ? « Il ne faut pas que ces “Non-Core Subjects” soient au détriment des matières principaux. »

 

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