Le secteur des petites et moyennes entreprises (PME) constitue l’un des piliers essentiels de l’économie mauricienne. Cependant, il se trouve également être le plus vulnérable face aux diverses perturbations, tant au niveau national qu’international. À l’occasion de la Journée mondiale des PME, qui a été observée le 27 juin, il est important d’évaluer la contribution de ce secteur au développement du pays ainsi que son potentiel pour l’avenir. Zoom.
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Contribuant à hauteur de 34,5 % au produit intérieur brut (PIB) et de 55 % à l’emploi total, les petites et moyennes entreprises (PME) agissent comme un moteur crucial pour la croissance économique et l’emploi à Maurice. Dotées d’idées innovantes et de la créativité, les PME sont reconnues pour leur flexibilité et leur apport pour améliorer la compétitivité du pays et renforcer son attractivité.
Dans ses stratégies économiques à long terme, Maurice 2030, le gouvernement a mis le secteur des PME au centre du développement de l’île avec l’intention de créer « une nation d’entrepreneurs ». Plusieurs mesures de soutien ont été mises en place pour protéger le secteur des PME pendant la pandémie, notamment le « Wage Assistance Scheme » visant à prévenir les licenciements massifs et les fermetures d’entreprises. Selon l’économiste Takesh Luckho, ces plans ont contribué à prévenir l’effondrement de ce secteur, mais il souligne que la route reste encore difficile. « Chaque année, sur dix PME incorporées au Registrar of Companies, sept sont forcées à mettre la clé sous le paillasson après moins d’un an d’activité », indique notre interlocuteur. En effet, il soutient que les PME sont directement affectées par le taux élevé de l’inflation à Maurice, ajouté à une dépréciation de la roupie de plus de 36 % depuis 2020, ce qui rend leurs produits moins compétitifs sur le marché local et international.
Manque d’intérêt chez les jeunes
Le pays compte aujourd’hui 124 972 PME enregistrées. Un chiffre qui devrait être stable ou encore baisser dans les années à venir, estime Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME. « Depuis la pandémie de Covid-19, le secteur des PME, étant le plus vulnérable, a perdu de son attractivité. Si certaines petites et moyennes entreprises ont pu surmonter la pente, d’autres se retrouvent toujours dans le rouge et ont même fermé leurs portes », déplore-t-il.
Aujourd’hui, fait-il ressortir, les jeunes ne veulent pas travailler à leur compte. « Je ne généralise pas, mais la plupart d’entre eux sont réticents à se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat. Comme ils ont témoigné de l’impact des chocs externes sur les activités des PME, ils ne sont pas disposés à prendre des risques », explique-t-il.
Pour sa part, Ajay Beedasee, vice-président de SME Chambers, abonde dans le même sens. « Le secteur est déjà fragilisé par les conséquences de la Covid-19, suivi des pressions inflationnistes au niveau mondial. Avec un manque d’accompagnement adéquat, les PME peinent à sortir la tête de l’eau », indique-t-il. Face à cette situation, poursuit-il, la jeune génération se sent découragée. D’autre part, les jeunes qui sont intéressés doivent souvent abandonner leurs projets en raison du manque de financement et d’accompagnement. « Il faut attendre des mois pour qu’un prêt soit octroyé. Plusieurs demandes sont aussi rejetées. Ainsi, les jeunes préfèrent trouver un emploi dans une entreprise au lieu de se mettre à leur propre compte », renchérit-il.
Épine dorsale de l’économie
Malgré ces diverses difficultés, Amar Deerpalsing affirme que le secteur des PME est l’épine dorsale de l’économie mauricienne. « Alors que les grosses entreprises se concentrent sur des activités spécifiques, les PME s’engagent dans des activités qui font partie du quotidien des Mauriciens », explique-t-il. À titre d’exemple, il souligne qu’on n’aura pas de pain tous les matins sans les PME. « Les produits et les services qu’elles fournissent sont indispensables pour notre survie », précise-t-il.
Pour sa part, Ajay Beedasee affirme que le développement dans les régions rurales se fait principalement par les PME. « Il n’y a pas de zones industrielles dans les villages. Ainsi, ce sont les PME qui créent de l’emploi et de la richesse », soutient-il. Toutefois, il déplore le fait que l’importance des PME soit souvent ignorée. « Il est grand temps de créer un hub pour les PME à Maurice. Il s’agit d’une plateforme commune où les PME peuvent vendre leurs produits. Organiser des foires une ou deux fois par an ne suffit pas, il faudrait une plateforme permanente », propose-t-il. D’ailleurs, il affirme qu’un tel hub a fait ses preuves en Inde, en Chine ou encore en Thaïlande.
Les défis principaux auxquels font face les PME
- Accès au financement
- Manque de visibilité
- Bureaucratie excessive
- Pénurie de main-d’œuvre
- Manque d’incitation pour se tourner vers l’exportation
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : «Une nouvelle version de notre plateforme de procurement dédiée aux PME verra bientôt le jour»
Business Mauritius compte plus de 700 PME parmi ses membres, indique son CEO, Kevin Ramkaloan. « Nous reconnaissons le rôle central qu’elles occupent dans l’écosystème de production à Maurice, proposant leurs services aux acteurs économiques et contribuant à la croissance nationale », dit-il. Dans cette optique, Business Mauritius prévoit de lancer prochainement un projet majeur : une nouvelle version de sa plateforme de passation de marchés spécialement conçue pour les PME.
« Nous soutenons aussi des programmes comme le National SME Incubator Programme mis en place par la Mauritius Research and Innovation Council. Soulignons aussi le Made in Moris porté par notre membre partenaire, l’Association of Mauritian Manufacturers, qui permet aux PMEs de se différencier sur le marché local », rappelle notre interlocuteur.
Toutefois, il concède que l’accès au financement reste parfois un obstacle pour les PME. « Mais nous notons dans ce sens davantage d’options de financement proposées, en particulier par l’Industrial Finance Corporation of Mauritius (IFCM), la Banque de développement, ainsi que les banques commerciales avec des produits spécifiques pour les PME », poursuit-il. Par ailleurs, il constate un intérêt chez les PME sur des sujets novateurs autour des énergies renouvelables, l’économie circulaire ainsi que les services à l’exportation. « Avec l’ouverture des marchés africains sous le AFCFTA, je pense qu’il existe en effet de réelles opportunités pour ces entreprises dans le marché régional », affirme notre interlocuteur.
Développement durable, nouvelles technologies, économie circulaire… Les secteurs émergents attirent
Marie-Noëlle Elissac-Foy, co-fondatrice des Women Entrepreneurs Awards
« Aujourd’hui, plus que jamais, il faut reconnaître que les PME de toutes les tailles ont contribué à bâtir notre économie. Si nous servons de modèle de résilience économique, c’est grâce à ces générations de Mauriciens déterminés qui ont su innover pour créer des produits et des services pour les familles et entreprises mauriciennes. Il est rassurant de voir émerger désormais une nouvelle génération de startups et de PME qui s’inscrivent dans le développement durable, l’innovation technologique et l’économie circulaire. Ils sont notre avenir ».
Takesh Luckho, économiste
« Malgré les contraintes macroéconomiques et les multiples défis auxquels font face les PME, il y a de l’espoir pour le secteur en général. Avec un rebondissement de l’économie mauricienne, il existe beaucoup de nouvelles opportunités qui peuvent être exploitées, notamment dans le secteur des technologies et de l’innovation avec des startups avant-gardistes, dans la grande distribution et dans l’économie verte ».
Tahir Wahab, observateur économique
« Le rôle que jouent les PME dans l’économie mauricienne est sous-estimé, bien qu’elles propulsent Maurice vers l’avant tout en créant des emplois et contribuent à la croissance économique. Malgré divers programmes mis en œuvre par le gouvernement qui favorisent les PME, elles échouent principalement en raison d’un manque de financement, d’une bonne planification ou d’une absence d’innovation. Les jeunes entrepreneurs doivent être encouragés à explorer la manière dont ils peuvent tirer parti de la technologie et développer des solutions Fintech innovantes qui offrent des services de pointe. Cela leur permettra de ne pas se limiter à la production artisanale, mais de proposer des services à haute technologie grâce à l’innovation ».
Ces mesures annoncées dans le Budget 2023 / 2024 pour les PME
Le soutien financier sous la DBM
- Le SME Interest Free Loan Scheme et le Covid-19 Special Support Scheme ont été prolongés jusqu’en juin 2024.
- Les prêts en cours de plus de 20 ans et les prêts des micro-entrepreneurs décédés seront annulés.
- Introduction d’un Green Energy Loan Scheme aux PME pour la production d’électricité sur le toit de leurs bâtiments jusqu’à un montant maximum de Rs 1 million.
- La DBM Ltd étendra son prêt aux PME jusqu’à Rs 25 millions à un taux préférentiel de 3,5 % par an.
Aide financière
- Une compensation salariale de Rs 500 à verser aux PME.
- Le SME Employment Scheme des PME sera prolongé d’un an.
PME dans l’agriculture
- Une subvention de 75 % sur les semences de pomme de terre sera accordée aux PME et aux coopératives.
- Une subvention de 50 % jusqu’à un maximum de Rs 300 000 pour les PME et les coopératives engagées dans la transformation de la pomme de terre.
Des mesures d’accompagnement
- Une marge de préférence de 30 % sera accordée aux PME.
- Les marchés publics inférieurs à Rs 30 millions seront réservés aux micros et petites entreprises.
- Les microentreprises seront autorisées à soumissionner pour des contrats allant jusqu’à 1 million de roupies sans exigence de chiffre d’affaires minimum.
- Présentation du projet de loi sur les contrats de construction pour soutenir les petits entrepreneurs dans leur fonds de roulement.
- Le montant dans le cadre du programme de remboursement des PME pour la participation aux foires internationales sera augmenté de 25 % à Rs 250 000.
- Extension du programme de remboursement aux PME rodriguaises participant aux foires commerciales.
- L’Industrial Finance Corporation of Mauritius (Equity) Ltd fournira un financement par actions, y compris des actions préférentielles, aux PME afin de les rendre éligibles pour le financement par crédit des banques commerciales.
- Le ministère des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des Coopératives a prévu la mise en place d’un programme d’accompagnement visant à aider environ 120 PME à obtenir la certification « Made in Moris » au cours des trois prochaines années.
Ce que fait SME Mauritius pour soutenir les PME
- Au cours de l’exercice financier 2022-2023, 896 micros et petites et moyennes entreprises (MPME) ont obtenu les divers programmes proposés par SME Mauritius. Ces 896 bénéficiaires ont un chiffre d’affaires cumulé de Rs 2,7 milliards et emploient et cotisent la CSG pour un nombre total de 3 591 employés.
- Au cours des trois dernières années, dans le sillage de la Covid-19, SME Mauritius a soutenu 2 384 PME à travers des subventions directes. Ces bénéficiaires ont un chiffre d’affaires cumulé de Rs 7,8 milliards et emploient 10 607 personnes.
- 40 MPME sont enregistrées pour le Business Transformation Scheme introduit trois mois de cela.
- SME Mauritius a lancé le Greening Support Scheme qui permet aux PME d’adopter et d’acquérir des équipements économes en énergie, des systèmes d’énergie renouvelable et des mécanismes de recyclage.
- Pour l’exercice 2022-2023 à ce jour, SME Mauritius a formé 872 entrepreneurs. Jusqu’à présent, 28 % des nouveaux formés ont démarré leur entreprise, tandis que les autres en sont au stade de la planification.
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