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Me Ravi Rutnah : «On peut critiquer un verdict, mais il y a des limites à respecter»

Me Ravi Rutnah.

Me Ravi Rutnah est catégorique. On peut, selon lui, critiquer un verdict de la Cour, mais on ne peut faire des attaques personnelles contre celui ou celle qui a rendu la décision et contre nos institutions, notamment le Directeur des poursuites publiques (DPP). Il y a « des limites à respecter et à ne pas transgresser », dit Me Rutnah, qui ajoute que la personne qui le fait risque d’être poursuivie pour « outrage à la cour ».

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L’avocat tient à préciser qu’à Maurice, il n’y a aucune loi qui nous interdit de critiquer un jugement de la cour. Dans d’autres pays, comme en Amérique, par exemple, il existe des ‘law journals’. Ce sont des revues juridiques où des universitaires et professionnels du droit et parfois des professionnels d'autres disciplines rédigent des avis très bien documentés et motivés.

« Si quelqu'un exprime son opinion, cela peut être favorable ou défavorable. Il peut adopter une position neutre pour s'engager dans des débats très intelligents afin de contribuer à l'avancement académique et professionnel. Il n'y a rien de mal à critiquer », précise l’avocat.

Me Rutnah cite ainsi Lord Alfred Thompson Denning qui a affirmé le droit de critiquer les cours de justice dans l’affaire « R v Commissioner of Police, ex parte Blackburn (No 2) [1968] 2 QB 150 à 155 », mais a demandé aux éventuels détracteurs de rappeler que le tribunal ne serait pas en mesure d'y répondre : « Permettez-moi de dire tout de suite que nous n'utiliserons jamais cette compétence comme un moyen de défendre notre propre dignité. Cela doit reposer sur des bases plus sûres. Nous ne l'utiliserons pas non plus pour réprimer ceux qui parlent contre nous. Nous ne craignons pas la critique, nous ne la ressentons pas non plus. Il y a quelque chose de bien plus important en jeu. Ce n'est rien de moins que la liberté d'expression elle-même. C'est le droit de tout homme, au Parlement ou en dehors, dans la presse ou à la radio, de faire un commentaire loyal, même franc, sur des questions d'intérêt public. Ceux qui commentent peuvent traiter fidèlement tout ce qui se fait dans une cour de justice. Ils peuvent dire que nous nous trompons et nos décisions sont erronées, qu'elles soient susceptibles d'appel ou non. Tout ce que nous demandons, c'est que ceux qui nous critiquent se souviendront que, de par la nature de notre charge, nous ne pouvons répondre à leurs reproches. Nous ne pouvons pas entrer dans la polémique publique. Encore moins dans la polémique politique. Nous devons compter sur notre conduite elle-même pour être sa propre justification ».

Scandaliser la Cour

À Maurice, indique-t-il, les gens craignent de commenter un verdict de la cour. Or, soutient Me Rutnah, c’est un « faux concept ». Il est revenu sur l’affaire Dhooharika (voir plus loin). Dans le cas de Dharmanand Dhooharika, souligne-t-il, le Conseil privé avait soutenu que la loi « Scandalising the Court » est archaïque et qu’il faut y apporter des amendements. Dharmanand Dhooharika a été condamné à trois mois de prison et à une amende de Rs 300 000 par la Cour suprême. Une sentence qui a été annulée dans un jugement de principe du Conseil privé.

« Scandaliser la Cour » est lorsqu’une personne insulte ou émet des critiques virulentes à l’égard d’un magistrat ou d’un juge ou en vandalisant une cour de justice"

« Scandaliser la Cour » est lorsqu’une personne insulte ou émet des critiques virulentes à l’égard d’un magistrat ou d’un juge ou en vandalisant une cour de justice. C’est en infraction au droit commun (Common Law). C'est la raison pour laquelle elle ne se trouve pas dans aucun recueil de lois. Selon l'article 18 (c) de la Courts Act, toute personne reconnue coupable d'outrage encourt d’une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an ou une amende ne dépassant pas Rs 300 000.

La liberté d’expression

Me Ravi Rutnah précise aussi qu’il y a la liberté d’expression qui est garantie par notre Constitution. Cependant, dit-il, il y a des limites à respecter. Il indique qu’on ne peut faire des attaques virulentes et personnelles contre celle qui est en fonction, par exemple, la magistrate siégeant au tribunal de Moka. Ce, afin d’induire le public en erreur ou de provoquer des hostilités. Pour lui, les critiques doivent être de façon académique, professionnelle et constructive.

Par ailleurs, l’avocat précise qu’on peut qualifier une « personne d’incompétente ». Mais, cela doit être établi. Comment souvent, constate-t-il, on qualifie un Premier ministre, ou un ministre « d’incompétent ».
De ce fait, il est revenu sur un jugement prononcé par la Cour suprême où celle-ci avait fait de vives critiques contre une magistrate pour avoir « copié » des jugements sans même écouter l’affaire avant de rendre un verdict.

L’homme de loi explique que c’est le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) qui aura la tâche d’instruire des poursuites pour outrage.

Toutefois, dit-il, il faut faire la différence entre le non-respect envers une cour de justice et des attaques personnelles contre soit un magistrat ou un juge.

 

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