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L’évolution du pays vue par des Mauriciens de l’étranger

Ils ont, pour la plupart, quitté le pays en quête d’un avenir meilleur. De retour à Maurice actuellement, ne serait-ce que le temps des vacances, ces Mauriciens dressent à Le Dimanche/L’Hebdo leur constat sur l’évolution du pays au fil des années. Les infrastructures routières, l’éducation, l’environnement, les loisirs, la sécurité… tout y passe.

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Daniel Camalboudou : « L’éducation de mes enfants d’abord »

Daniel Camalboudou

Le couple Didier et Bianca Camalboudou ont fait le choix, en 2013, de quitter le pays pour le Canada. Cette année, avec leur deux filles Chloé et Kiera, cette famille mauricienne, installée à Longueuil, au Québec, a décidé de venir passer les vacances de Noël et du Nouvel An avec leurs proches à Maurice. « Nous revenons après cinq ans », souligne d’emblée Didier Camalboudou, le patriarche.

En cinq années, dit-il, le pays a connu des changements majeurs. Et ce sont les développements au niveau des infrastructures routières qui lui ont d’abord sauté aux yeux. « La circulation est plus fluide. Ce qui est une bonne chose, car il me semble que le nombre de véhicules a aussi augmenté. Il y a aussi davantage de voitures neuves et de grosses berlines », déclare notre interlocuteur.

Cependant, Daniel Camalboudou est d’avis que certaines nouvelles infrastructures, comme le viaduc construit à Deacan, n’a fait que déplacer le problème d’embouteillage. «  Si au niveau des autoroutes, la circulation est plus fluide, dans le centre ville, toutefois, il me semble qu’il y a plus de ralentissement. On a donc, en quelque sorte, déplacé le problème d’un endroit à un autre », estime le technicien en informatique.

La gestion inefficace du personnel dans le secteur public est une autre remarque faite par Daniel Camalboudou. « J’ai profité de mon séjour pour obtenir la nouvelle carte d’identité. Là-bas, il y a avait trois officiers, rien que pour gérer la file d’attente. D’un côté, on délivre des cartes d’identité biométriques, ce qui est très bien en soi, car ça montre que le pays évolue, mais d’un autre côté, on n’a pas pensé à mettre en place un ticketing system, qui aurait tout aussi bien fait l’affaire. C’est un peu paradoxal », considère ce père de deux enfants.

Retourner vivre à Maurice ne serait pas envisageable pour le couple Camalboudou. « Du moins, pas pour les prochaines 10 ou 20 ans », dit-il avec humour. Trois raisons motivent ce choix. « Mes filles ont 10 et 11 ans. Je pense avant tout à leur éducation. Bien des efforts ont été faits avec l’introduction du 9-Year schooling, mais je trouve que cette mentalité de compétition subsiste toujours. Ça existe aussi au Canada, mais de manière progressive. à Maurice, il y a toujours cette course effrénée pour obtenir la meilleure école, le meilleur collège, les meilleurs profs, etc. » dit-il. Le manque de loisirs « gratuits » en est une deuxième raison.

« Nous sommes entourés par la mer, mais peu d’infrastructures ont été développées autour de cet atout que nous possédons », souligne-t-il. Et enfin, l’insécurité couplée à une prolifération de la drogue est la troisième raison pour laquelle Didier Camalboudou ne songe pas à retourner vivre à Maurice de sitôt.

Devarajoo Armoogum : « Entre admiration et tristesse »

Armoogum

Après avoir passé 46 ans en France, Devarajoo Armoogum fait aujourd’hui le va-et-vient entre Maurice et la France. Ayant pris sa retraite, Devarajoo Armoogum essaie, peu à peu, de se réadapter à la vie mauricienne. « Cela prend du temps de retrouver ses marques, Rose-Hill n’étant plus ce qu’elle était », observe Devarajoo Armoogum, 71 ans.

Le septuagénaire trouve que Maurice a beaucoup évolué depuis son départ en 1972. Ainsi, il note le développement apporté au niveau des infrastructures, les services proposés, la réactivité des entreprises, la connexion haut débit et l’accès aux réseaux sociaux. « Ces facilités conviennent à la jeunesse. Nous, les anciens, essayons de suivre, mais c’est parfois difficile. Nous avons l’impression que le pays est défiguré. Il y a trop de bâtiments en béton. L’environnement se fait agresser au bord de la mer. Il y a trop d’hôtels. Certes, le secteur hôtelier crée de l’emploi, mais l’île paradisiaque va ressembler à un bloc en béton au fil du temps », fait-il observer. Devarajoo Armoogum pense que toutes les décisions de construction ou de développement devraient être prises en tenant compte de l’aspect environnemental, « sinon le pays ne sera plus une destination de rêve, sans ses riches et uniques faune et flore ». Il indique que les gouvernements successifs doivent protéger l’environnement, tout en continuant à attirer des touristes, ainsi qu’ à  aider à l’obtention de titres de séjour moyennant investissement, « Alors, dans 10 à 20 ans, il fera toujours aussi bon vivre à Maurice. »

Il ajoute néanmoins que le coût de la vie a pris l’ascenseur. « Je suis triste de voir des familles démunies qui ne peuvent se procurer du pain. D’un autre côté, les voitures de luxe se font de plus en plus nombreuses sur les routes mauriciennes. L’écart entre les différentes couches sociales est flagrant », note notre interlocuteur. « L’île s’est bien développée et va continuer encore.  Mais dans sa lancée, il ne faut pas oublier les plus démunis et les personnes âgées », suggère Devarajoo Armoogum, tout en saluant les initiatives comme le transport gratuit, la hausse salariale et l’augmentation de la pension.

Natif de Rose-Hill, Devarajoo Armoogum travaillait à l’usine de sacs de jute. « Quand la ‘‘loi baillon’’ est passée, cela a interdit les syndicats. Il n’y avait plus d’opposition. Alors, j’ai pris un leave without pay. La politique m’avait déçu. Mes amis de Rose-Hill mettaient le cap sur l’Australie. J’ai également trouvé qu’il était l’heure de partir, car trouver un emploi approprié était devenu une galère », se souvient-il. Ainsi, en 1972, il s’est envolé pour la France et s’est installé à Paris. Il s’est marié et est devenu père de deux filles. L’aînée vit entre Paris et Maurice. « Elle a compris la douceur de vivre à Maurice. La plus jeune veut revenir plus souvent dans l’île », partage Devarajoo Armoogum. Il a aussi reçu la médaille d’honneur du travail pour ses 40 ans de travail en France.

Farah Tourabaly : « Le pays se fait envahir »

Farah

C’est au milieu des années 90 que Farah Tourabaly, née de parents Mauriciens vivant en Suisse, vient en vacances à Maurice pour la première fois. à l’époque, dit-elle, le pays n’était pas aussi développé sur le plan infrastructurel. « Autant que je m’en souvienne, le Caudan Waterfront était encore en construction », se remémore-t-elle. Mais aujourd’hui, fait ressortir Farah Tourabaly, des centres commerciaux, il y en a plein et partout. « Pour les jeunes aussi, il y a plus d’activités, contrairement à autrefois », se réjouit-elle.

Seule ombre au tableau, Farah Tourabaly a l’impression que le pays se fait, peu à peu, envahir par les étrangers. « Il y a d’une part ceux qui viennent y vivre. C’est le cas surtout dans une région du sud-ouest du pays. D’autre part, il y a tous ces développements qui se font pour accueillir un nombre grandissant de touristes, mais au détriment de l’environnement. Il y a, par exemple, de moins en moins de plages vierges et d’espaces verts. D’ailleurs, même certaines activités proposées sont difficilement accessibles au Mauricien moyen », souligne notre interlocutrice, qui considère que les Mauriciens se sont forcés pendant trop longtemps à s’adapter aux étrangers.

Farah Tourabaly, qui se fait un devoir de venir à Maurice au moins deux fois chaque année, indique qu’elle songe bien à poser ses valises définitivement sur l’île un jour. « Et j’encourage les jeunes Mauriciens, surtout ceux vivant à l’étranger, à retourner à Maurice pour développer davantage le pays en faveur des Mauriciens », conclut la trentenaire.

Luc Caullychurn : « Se préoccuper de l’environnement »

Luc

Tout comme notre compatriote Devarajoo Armoogum, Luc Caullychurn, a, lui aussi quitté le pays en 1972 pour la France. Cela, après l’obtention d’une bourse pour une formation en ingénierie informatique. « Après mes études, j’y suis resté. Je me suis marié et j’ai eu des enfants », confie notre interlocuteur.

Premier constat pour ce Mauricien de 69 ans, une amélioration de la vie des Mauriciens. « Lorsque je suis parti, la situation était compliquée pour de nombreux mauriciens. Je suis moi-même issu d’une famille de six enfants. Mais je trouve qu’aujourd’hui les Mauriciens sont assez well-off », est-il d’avis.

Petit bémol, Luc Caullychurn dit constater qu’un nombre important de Mauriciens n’ont pas d’alimentation saine. « Ce qui entraîne l’obésité, le diabète et d’autres maladies. Je ne vous dis pas qu’il n’y en a pas ailleurs, mais certains pays ont pris les devants pour ralentir ce phénomène, en taxant les sodas (ndlR les boissons gaseuses) par exemple », dit-il.

Autre constat, celui du non respect de l’environnement. « En dépit des nettoyages qui se font, je vois toujours certaines personnes jeter leurs saletés n’importe où. Ce qui pose aussi un problème d’ordre écologique, surtout en ce qui concerne les objets en plastique, qui atterrissent dans la mer. C’est une mentalité qui est appelé à changer », espère-t-il.

 Toujours dans ce même registre, Luc Caullychurn dit noter que les bus ont tendance à polluer. « Profitant des facilités mises par le gouvernement pour les seniors, je voyage souvent et gratuitement dans les bus. Je constate que les bus polluent pas mal », fait-il ressortit. Or, le sexagénaire est d’avis qu’il s’agit d’un problème qui aurait pu être facilement résolu à travers l’implémentation des bus électriques. « à la longue, si on n’en tient pas compte dès maintenant, on pourrait se retrouver avec une population souffrant d’asthme et de maladies cardiovasculaires. C’est quelque chose de réalisable, mais qui se heurte toutefois à l’inertie des autorités », déplore-t-il.

Comme de nombreux Mauriciens interrogés, Luc Caullychurn entrevoit difficile-ment un retour définitif à Maurice. « à Flic-en-Flac, où je réside, la pollution sonore est un autre problème, avec les gros baffles installés par des jeunes qui viennent y faire le fête. J’ai été jeune, moi aussi, mais je préfère de loin la tranquillité désormais », lance notre interlocuteur avec un brin d’humour.

Veuf et à la retraite, Luc Caullychurn fait régulièrement le va-et-vient entre la Normandie, où il habite, et Flic-en-Flac, où il réside lorsqu’il est dans l’île. « Mais aussi avec d’autres pays », précise-t-il. Cette fois, ce passionné de photographie a voulu faire d’une pierre deux coups en s’offrant des vacances, tout en assistant au mariage de sa nièce. 

 

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