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Les juges des anciennes colonies insatisfaits

juges Yuji Iwasawa, Ronny Abraham, Patrick Lipton Ronbinson, Antonio Concado Trindade, Giorgio Gaja, Kirill Gevorgian, Nawaf Salam et Xue Hanqin.

Certains des juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) ont estimé qu’ils auraient pu aller plus loin dans leur avis consultatif alors que d’autres ont estimé qu’ils en avaient fait trop. Raison pour laquelle presque tous (11 sur 14) ont précisé sur position en écrit.
Si la juge américaine dissidente (voir texte à la page 4) a adopté la même position que les avocats britanniques et américains, il n’est pas étonnant que les juges issus d’anciennes colonies, en Afrique ou en Amérique latine notamment, soient ceux qui estiment que la CIJ aurait pu aller plus loin.

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La Brésilien Antônio Augusto Cançado Trindade, estime notamment que l’avis consultatif sur les Chagos comprend certaines « insuffisances ». Ces insuffisances ont trait à l’absence de l’avis consultatif du caractère « jus cogens », à savoir une norme péremptoire en droit, d’un peuple à l’autodétermination. C’est un élément qui est revenu dans plusieurs autres des opinions individuelles exprimées.

Patrick Lipton Ronbinson, de la Jamaïque, aborde également la question. Selon ce denier, « Having found that the right to self-determination is a norm of jus cogens », tout traité signé entre deux parties qui contredirait ce droit serait nul et non avenue. Celui entre le Royaume uni et les États-Unis pour des installations militaires à Diego Garcia serait donc légalement caduc.

En sus de leurs commentaires individuels, le Jamaïcain et le Brésilien ont aussi jugé bon de signer une déclaration conjointe. Ils y mettent de nouveau l’accent sur l’aspect jus cogens et estiment que « the Court should have pronounced on the jus cogens character of the right of peoples to self-determination.»

L’Ougandaise Julia Sebutinde y fait également référence : « the Court fails in the Opinion to recognize that the right to self-determination has evolved into a peremptory norm of international law (jus cogens), from which no derogation is permitted and the breach of which has consequences not just for the administering Power concerned, but also for all States. »

Le Libanais Nawaf Salam pense également que la CIJ n’est pas allée assez loin, mais il base son raisonnement sur un autre aspect : le fait que le Conseil de sécurité des Nations unies ait adopté la résolution 1514 relatif à la décolonisation et le droit des peuples à l’autodétermination. Cela donne un poids plus important à la résolution selon lui, ce que la Cour n’a pas pris le temps de souligner.
D’autres juges ont exprimé des réserves sur le fait qu’un avis consultatif ait été donné sur une question d’intégrité territoriale. C’est le cas de Ronny Abraham, de France. Il estime que l’avis consultatif va au-delà du constat de l’autodétermination « en employant, au paragraphe 160, des formules générales et abstraites qui pourraient être comprises comme donnant au principe de « l’intégrité territoriale» une portée quasi absolue ».

Le Russe Kirill Gevorgian estime aussi que la Cour a outrepassé ses fonctions, notamment au paragraphe 177 en décidant que le Royaume Uni est en illégalité dans son occupation des Chagos : « I do not disagree with the substance of this conclusion, but in my view such a statement crosses the thin line separating the Court’s advisory and contentious jurisdiction »

La vice-Présidente de la Cour, Xue Hanqin, de Chine, a également expliqué que la question de différend bilatéral « is one of the core issues that was intensely debated in the proceedings ». Elle souligne que le fait qu’il y ait un différend bilatéral en soi « is not considered a compelling reason for the Court to decline to give an advisory opinion ».

 

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