Société

Le professionnalisme: le point de rupture est proche

Le professionnalisme s’apprend et se cultive. C’est une qualité, voire une attitude, qui fait toute la différence. Toutefois, elle semble faire défaut dans toutes les sphères de notre société, des politiques aux commerçants, en passant par nos hôpitaux… «Aberrant ». C’est le terme qu’ont utilisé beaucoup d’internautes pour qualifier ce qu’ils estiment être un « manque de professionnalisme flagrant » des parlementaires, suite à l’incident du mardi 6 octobre. La Speaker Maya Hanoomanjee a dû suspendre les travaux de l’Assemblée nationale, suite à de vifs échanges entre élus de la majorité et de l’opposition. Le professionnalisme ne semble pas être le point fort de certains qui n’hésitent pas à en ignorer les limites. Parmi les propos des parlementaires, on pouvait entendre « kaso », « mo pa lor kosyon moi » ou encore le fameux « sort deor » qui ont choqué pas mal de Mauriciens. Sur la Toile, des internautes n’ont pas tardé à réagir. Les jeunes, en particulier, se sont posé des questions sur la façon d’agir des politiciens. Aux yeux de ces derniers, l’Assemblée nationale n’est plus un « symbole d’autorité », mais ressemble de plus en plus à « une foire humaine ». Pour Catherine Boudet, docteure en Sciences politiques, le manque de professionnalisme à Maurice est associé à un manque cruel de mé-thodes de travail. « Il s’agit d’un vrai questionnement quand on parle de l’attitude de certains politiciens. Il ne suffit pas de faire des promesses lors des meetings, réaliser des projets ou rédiger des documents à être présentés au Parlement En revanche, une démarche construite est une attitude évidente venant de ceux qui ont étudié les sciences politiques. Il est facile de critiquer le travail de politicien, mais il faut savoir que ces derniers n’ont pas de formation à la politique », explique-t-elle. Pour elle, il est grand temps de mettre en place « une école d’Administration pour les hommes politiques et les hauts cadres de l’administration ».

Un mal national ?

Le Parlement n’est toutefois pas le seul lieu où sévit le manque de professionnalisme. À Maurice, tout porte à croire qu’il s’agit d’un 'mal' courant, tant dans le service public que privé. « Il est de plus en plus rare qu’on soit servi par un professionnel qui nous inspire confiance et qui dépasse nos attentes », tonne Jacques C. À 58 ans, ce ne sont pas les mauvaises expériences dans les services commerciaux qui lui manquent. Toutefois, c’est celle qu’il a vécue à une station-service qui l’aura le plus énervé. « J’étais garé et j’attendais qu’on me serve quand le pompiste a décidé de faire comme si j’avais toute la journée à attendre. Il a même demandé un autre chauffeur de passer avant moi. Je ne comprenais pas ce qui se passait et, là, il m’a répondu d’un ton sec : ‘Ena lot filling laba, si ou pas satisfait ou bien kapav aller. Sans ou filling la pa pu fermer.’ Vu que j’étais pressé pour aller au travail, je n’avais pas le temps de faire demi-tour pour aller à une autre station-service. J’étais consterné par son comportement », s’insurge le quinquagénaire. En sus de son manque de professionnalisme, le pompiste s’est également permis d’humilier un client. C’est aussi, à quelques détails près, la situation qu’a vécue Sadna, 62 ans, dans un hôpital public. « Je m’y rends chaque semaine pour mon traitement. Arrivée au comptoir, j’ai présenté ma pièce d’identité, mais la dame était occupée à parler de son week-end à son collègue. J’avais l’impression de la déranger. Comme je ne me sentais pas très bien ce jour-là, je lui ai demandé si elle pouvait s’occuper de mon dossier et si je devais attendre beaucoup », raconte la dame. Et là, poursuit notre interlocutrice, l’employée se serait énervée. « Elle m’a hurlé dessus, disant qu’elle n’avait pas que cela à faire. Elle m’a humiliée devant tout le monde. Je peux comprendre que le personnel hospitalier a beaucoup à faire, mais j’estime qu’elle aurait dû me parler sur un autre ton », martèle Sadna. Joanna Li, la trentaine, est on ne peut plus d’accord, avec elle. « À Maurice, le manque de professionnalisme est partout ! », lâche-t-elle. Les commerçants et autres professionnels oublient parfois que le client est roi, ajoute la jeune femme. « Les mauvaises expériences avec eux, je ne les compte plus. Ils disent rarement bonjour, répondent sèchement à vos questions et se permettent même des fois de vous ignorer. Il m’est déjà arrivé de rentrer dans un magasin – très connu qui plus est – et les vendeuses, pour ne pas avoir à se lever et interrompre leur passionnante conversation, m’ont juste dit : ‘Pena !’ lorsque je leur ai demandé un vêtement. Or, une vraie commerciale m’aurait aidée à trouver autre chose, comme cela se fait heureusement dans d’autres magasins », déplore Joanna Li.

Et même au bureau…

 
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/div> Fadil affirme, pour sa part, être le « bouc émissaire » de son supérieur hiérarchique au bureau. Ce dernier, pour parler de l’incompétence de son supérieur, « d’amateurisme ». « Il est toujours sur mon dos. Il n’arrive pas à gérer son équipe et me tient responsable pour tous les problèmes qui surgissent. Il a toujours des choses impolies à me dire et cela devant tout le monde. Il ne nous aide jamais, mais est toujours prêt à nous blâmer. On n’a pas le droit de s’exprimer », lance le jeune homme de 26 ans. Pour lui, une personne responsable d’une équipe ou d’un département, n’est pas forcément un « professionnel ». « Il faut avoir beaucoup de qualités, dont le respect de ses collaborateurs et travailler dans la même direction pour s’affirmer en tant que professionnel », argue-t-il. Catherine Boudet ajoute que le professionnalisme est lié aux objectifs que nous établissons, aux moyens que nous mettons en œuvre pour les atteindre. Elle avance que chaque individu est appelé à développer un niveau de professionnalisme dans son domaine d’activité. « Je suis assez admirative des activités économiques qui sont très diversifiées à Maurice. Toutefois, sur le plan général, la mentalité n’évolue pas vraiment. On ne définit pas vraiment ce qu’on fait. Tout se fait dans l’à-peu-près quand il s’agit d’offrir un service de qualité », fait-elle ressortir. Les Mauriciens sont considérés comme du bétail dans le service public, estime la politologue. « On se contente de réaliser notre travail mais sans faire primer la qualité. Cela vient certainement de notre système éducatif. Nous ne faisons que développer nos compétences académiques. Pourtant, le professionnalisme est une combinaison du savoir, du savoir-faire et du savoir-être », affirme-t-elle.
 

Manish Bundhun, expert en ressources humaines: « Le professionnel doit avoir un niveau d’excellence »

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Un individu qui considère son travail comme un engagement personnel vers l’excellence de la performance. C’est la description que nous fait Manish Bundhun d’un professionnel. L’expert en ressources humaines soutient que le professionnalisme peut être défini dépendant du contexte. En effet, cette attitude peut prendre différentes formes telles qu’avoir les compétences et les aptitudes qui permettent de faire un bon travail. « Le professionnalisme est ce qu’on attend du professionnel. Ce dernier doit avoir un niveau d’excellence et savoir respecter les délais prescrits mais aussi aller au-delà de ses capacités afin d’apporter de la valeur ajoutée. La rigueur, la flexibilité et l’amabilité, la remise en question, la bonne communication sont, entre autres, les qualités d’un professionnel. Il doit ‘walk the talk’, c’est-à-dire compléter ce qu’il entreprend tout en apportant de la satisfaction à soi-même, à son employeur et à ses clients. Le fait de détenir des certificats ne veut pas dire que l’employé a toutes les qualités requises pour faire le travail. Il doit aussi respecter l’expérience des autres et démontrer qu’il a un besoin constant d’apprendre et de s’améliorer », indique Manish Bundhun. L’expert en ressources humaines ajoute, toutefois, que ceux qui s’occupent du service client sont souvent pointés du doigt car ils ne font pas preuve de professionnalisme. « Une perception est créée par rapport à ce qu’on attend. Mais il est malheureux qu’à Maurice, certains employés notamment ceux dans le secteur public ne sentent pas redevables. L’accent n’est pas mis sur le ‘Customer Care’, ce qui explique leur attitude nonchalante », avance-t-il. Il souligne également qu’un employeur ne doit pas s’attendre à ce que son employé soit professionnel parce qu’on le paye. « Tout n’est pas une question de profitabilité. Il faut aussi privilégier la touche humaine, la bonne faculté de gestion d’entreprise et la création d’un réseau d’autonomisation. L’employeur est aussi appelé à former ce dernier pour qu’il soit un professionnel. Il doit faire preuve d’expertise. En ce qui concerne les responsables des ressources humaines, ils ne peuvent pas promouvoir le professionnalisme s’ils ne le sont pas eux-mêmes », conclut-il.
 

Profil du professionnel, selon Bruneau Woomed

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Pour l’Executive Coach Bruneau Woomed, le professionnel est une personne qui fait les choses de façon systématique. « Un professionnel établit un protocole pour faire son travail. Il est celui qui fait preuve de discipline, qui est rigoureux et responsable et qui produit les résultats voulus. Un professionnel est réceptif aux critiques car il a la volonté de s’améliorer. Aujourd’hui, l’accent est mis sur le Continuous Professionnal Development », dit-il. Le professionnel…
  1. …respecte ses engagements. Il a le sens du devoir. La ponctualité est le maître mot.
  2. …privilégie la qualité et c’est ainsi qu’il se distingue d’un amateur. Au lieu de soumettre un travail bâclé, il est prêt à demander une extension pour être plus efficace. Il cultive l’esprit d’excellence et de rigueur.
  3. …maîtrise ses dossiers car il prend le temps d’approfondir ses compétences techniques. Il est toujours prêt avant chaque réunion. Il dégage de la confiance et ne montre aucun signe de stress devant ses clients.
  4. …est honnête car il est conscient que chaque métier a un code d’éthique. Il travaille dans la transparence et ne fait rien qui pourrait nuire à sa réputation.
  5. …adapte un langage courtois et fait preuve de tact avec ses subordonnées et ses collègues.
  6. …a une image bien soignée quel que soit son domaine d’activité.
 

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