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Le Covid-19 est toujours meurtrier

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  • Des familles brisées témoignent 
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Suraj et son épouse Pinky étaient inséparables.

1 014. C’est le nombre de personnes qui sont décédées du Covid-19 à Maurice, selon l’Organisation mondiale de la santé. Sujet tabou, plusieurs familles disent être victimes de stigmatisation et ne veulent pas en parler en public. Ces chiffres, ces statistiques ne reflètent aucunement la douleur et les conséquences de la perte de leurs proches. Ces personnes étaient des mères de famille, des papas, des grands-parents, des enfants... 

Des photos sur les murs, sur les téléphones portables, dans les albums… ce sont les images qui leur restent depuis que le père de famille n’est plus. Suraj Fokeer fait partie de ces 1 014 personnes que le Covid-19 a arrachées à leurs proches. Ce samedi 13 août marque les 11 mois de son décès. 

Pinky, son épouse, s’en souvient comme si c’était hier. « Mon mari n’avait aucune maladie grave. Les interrogations sont toujours présentes. Le chagrin continue à nous envahir chaque jour. » Elle explique que son époux est décédé après deux jours d’hospitalisation. « Il est tombé malade samedi et a dû être admis. et le lundi qui a suivi, on nous a informés de son décès. » 

Chez la famille Fokeer à Bambous, l’allégement des restrictions sanitaires donne froid dans le dos. « Nous vivons toujours avec cette peur. Je me demande toujours ce qu’il se passera si le Covid-19 m’emporte. Qu’adviendra-t-il de mes enfants ? Sa fer mwa frisone. » 

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Dhanvi, 15 ans, était très proche de son père.

Shiron, 17 ans, et Dhanvi, 15 ans, ont encore un peu de mal à mener leurs activités quotidiennes sans leur papa. « Par exemple, pendant les vacances scolaires, c’est lui qui organisait les sorties pendant que je travaillais. En ce moment, je n’ai pas beaucoup de temps. » Effectivement, Pinky fait de son mieux pour assumer toutes les responsabilités de la maison, pour veiller sur ses deux enfants et sur sa belle-mère. Elle est aussi le seul gagne-pain de la famille. Elle travaille dur tous les jours de la semaine pour vendre des gâteaux, ce qui permet à la famille de vivre. Auparavant, elle pouvait compter sur le soutien de son époux. Aujourd’hui, elle doit elle-même se charger des livraisons. 

Elle constate autour d’elle avec stupeur que les gens ne font plus attention au Covid-19. « Malerezman mo nepli trouv dimounn pe pran prekosion. Fode ariv sa dan ou fami pou ki ou kone ki enn sel kou ou kapav perdi dimounn ki ou kontan. Mo pa swete ki dimounn konn sa douler-la. Kot mo ale, mo dir dimounn fer atansion. Mo santi se mo devwar dir zot ki zot kapav gagn bann konplikasion pli divan. » 

Quant à elle, c’est dans le travail qu’elle a essayé de noyer son chagrin. « J’étais très proche de mon époux, ainsi que mes enfants. Nous travaillions ensemble et nous passions énormément de temps en famille. Son absence est un grand vide. Il nous manque. Cette séparation est dure. Cependant, je sens parfois que c’est lui qui me donne le courage d’avancer et de ne pas abandonner. Mo santi enn lame lor mo zepol ki dir mwa kontinie. »

L’annonce des décès sur les réseaux sociaux 

Effectivement, si auparavant la moindre annonce d’un décès lié au Covid-19 était synonyme de psychose, de panique, aujourd’hui il semblerait que l’annonce de ces décès passe inaperçue. Selon Paul Trépied, responsable de formation en communication, « les gens en parlaient au début, car c’était nouveau et parce qu’ils avaient très peur. Aujourd’hui, la peur n’est plus omniprésente. On n’a qu’à voir le nombre de commentaires sur les articles de presse qui annoncent ces décès. Les gens considèrent que c’est un décès comme un autre, que les gens meurent tous les jours. Le fait que ce soit anonyme contribue aussi à ce côté invisible. On ne voit que des chiffres, pas de noms, pas de visages. Et l’on sait très bien que ce sont les témoignages, les histoires humaines, les photos qui restent les plus poignantes sur les réseaux sociaux. Il ne faut cependant pas que ces statistiques deviennent invisibles. » 

Anne H. : « Enn move regar lor nou »

C’est une maman remplie de tristesse, mais aussi de colère qui nous a ouvert les portes de son cœur. Aujourd’hui encore, elle n’arrive pas à parler de la mort de son fils à visage découvert. Ce dernier est décédé il y a un mois. La douleur est, selon elle, encore vive. « Elle ne s’estompera pas. » 

Âgée de 82 ans, Anne ne comprend pas pourquoi c’est son fils qui a quitté ce monde avant elle. « Ce n’est pas normal. Une maman ne peut pas enterrer son enfant. Je me devais de mourir avant lui. » Elle explique que ce dernier n’était pas vacciné, mais n’avait pas de complications. « Il a eu le Covid-19 la première fois. Il était mal, mais n’avait pas été hospitalisé. Cependant, il n’a jamais vraiment guéri, car il était toujours un peu faible. Après deux mois, il a été testé positif une nouvelle fois. Il a été hospitalisé après deux jours. »

Elle se rappelle encore de cet appel l’informant que son fils n’est plus. « Mo les mo lekor tomb anba. Monn lev mo lame ver lesiel. Monn diman bondie fer ki seki monn tande-la pa vre. Enn sel zanfan mo ena, kifer pe ras li ek mwa. »

Anne, qui habite désormais avec sa sœur, explique qu’elle a aussi subi beaucoup de remarques négatives de la part de ses proches. « Tou sort kalite koze zot inn dir. Ki li pann protez li bien. Ki li ti neglizan akoz li pann fer vaksin. Zot pa mazinn mo douler. Zot fer mwa ankor plis dimal. » 

Cette maman estime que le Covid-19 est dangereux. « Enn pwazon sa. Li touy zanfan dimounn. Pe dir nou bizin viv avek li. Me nou lavi nou tou an danze. Je prie tous les jours pour que ce fichu virus arrête de nous enlever nos enfants. »  

Stigmatisation autour du Covid-19 

Plusieurs familles ne souhaitent pas témoigner. Un proche qui meurt du Covid-19, est-ce un sujet tabou ? « Non », répondent Mireille et Satee, deux mères de famille ayant perdu leurs papas respectifs. « Selma dimounn get ou dan enn zar, port enn zizman lor ou », explique Mireille. Satee dit qu’elle a refusé d’en parler car c’est sa fille qui a d’abord été testée positive. « Elle se sent coupable. C’est pour cela que nous ne voulons pas en parler. Mon père ne sortait pas et il a été contaminé par elle. Donc, elle se sent responsable de ce qui lui est arrivé. »

Mireille indique que tous les membres de la famille étaient positifs. « On ne sait même pas qui a eu le Covid-19 en premier, mais c’est vrai que mes frères, qui n’habitent pas la même maison, nous ont pointé du doigt pour dire que nous ne l’avions pas protégé comme il se doit. » 

Cela explique peut-être le silence de ces familles. 

30 personnes hospitalisées en ce moment 

Selon les derniers chiffres disponibles, 39 931 cas positifs ont été enregistrés à Maurice. Parmi ceux-ci, 38 124 personnes ont pu guérir. Le pays compte, en ce moment, environ 200 cas actifs. 

À l’heure où nous mettions sous presse, aucun patient positif n’avait été admis dans les hôpitaux. Cependant, 30 personnes étaient admises à l’hôpital ENT. La plupart d’entre elles souffrent de comorbidités, selon les autorités. L’état de sept de ces patients inspire des inquiétudes. 

400 cas enregistrés en juillet 

Depuis l’allégement des restrictions sanitaires, les autorités ont noté une nette augmentation du nombre de cas positifs à Maurice. Les chiffres officiels ne représentent pas la réalité cependant, selon le Dr H. Hossen. 

« Nous savons très bien que les gens ne viennent pas tous aux Flu Clinics quand ils sont testés positifs. La plupart d’entre eux ont fait un Rapid Antigen Test à la maison et personne ne les comptabilise », dit le médecin. « Les chiffres réels restent alarmants, même s’il ne faut pas être alarmistes. Nous sommes dans une grosse vague de contamination. Il ne faut pas le nier », poursuit-il.

« Il suffit d’interroger les familles. La plupart vous diront qu’au moins 25 %, pour ne pas dire plus, des membres de leur famille ont été testés positifs ces derniers jours. Sans compter les cas asymptomatiques », insiste-t-il. 

Le Dr H. Hossen reste optimiste néanmoins. « Plus il y a de cas positifs, plus la probabilité d’avoir des décès sera élevée. Même si chaque décès est un décès de trop, Maurice ne peut pas être listé comme pays dangereux pour autant. » 

Fardeen G. : « Mon grand-père voulait mourir dans son sommeil »

Pour cet habitant de Grand-Gaube, son grand-père n’aurait jamais dû mourir loin de leur domicile. Il avait 72 ans et il est décédé voilà maintenant trois mois. « Il est resté au moins une semaine à l’hôpital. On avait de ses nouvelles, mais on ne pouvait pas le voir et c’est là notre plus gros chagrin. C’est de savoir qu’il est mort sans pouvoir voir un visage familier avant de fermer les yeux pour toujours », dit-il. 

Il raconte que le vieil homme disait toujours qu’il mourrait dans son sommeil. « Il aimait dire qu’en jour, il mourrait après avoir dit bonne nuit à tout le monde, qu’il fermerait alors les yeux, se rappelant de nos sourires et de nos ti palab de la journée. Je sais qu’il a beaucoup souffert avant de mourir. Malheureusement, il n’a pu avoir cette mort paisible qu’il voulait tant. Cependant, j’espère qu’il a pu voir nos visages, qu’il a pensé à nous autant que nous pensions à lui avant de mourir. »

Le jeune homme explique que sa maman est encore trop affectée pour aborder le sujet. 

4 personnes décédées la semaine dernière 

Au total, 1 014 personnes n’ont pas survécu à la Covid-19 à Maurice, au 11 août 2022. 

De ces 1 014 personnes, 596 n’étaient pas vaccinées, 406 étaient « fully vaccinated ». 

Selon les autorités, plus de 70 % d’entre elles souffraient de comorbidités. 

Le sous-variant BA.5 plus dangereux 

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Selon les analyses qui ont été faites, il s’avère que le sous-variant d’Omicron plus connu comme le BA.5 est actuellement la plus grande menace à Maurice. Il est suivi par les autres sous-variants BA.4, BA.2 et BE.1. 

La Dr Kursheed Meethoo-Badulla, qui intervenait lors de l’émission thématique la semaine dernière, au micro de Priscilla Sadien, d’élaborer : « Ces sous-variants sont beaucoup plus transmissibles que les autres variants, mais pas forcément plus dangereux. En ce moment effectivement, c’est le BA.5 qui cause des contaminations. D’autres sous-variants verront le jour, car les variants s’adaptent facilement à leur environnement pour se reproduire. »

  • defimoteur

     

 

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