Alors que Maurice s’apprête à accueillir un grand nombre de visiteurs pour la haute saison de fin d’année, la suspension des réseaux sociaux, effective depuis le 1er novembre et prévue jusqu’au 11 novembre, inquiète les acteurs du secteur touristique.
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Les professionnels du tourisme tirent la sonnette d’alarme. Christian Lefèvre, directeur de Coquille Bonheur et président de Friends in Tourism, souligne que les réseaux sociaux sont devenus des outils indispensables pour promouvoir Maurice. « Sans eux, les agences et autres entreprises locales perdent un levier crucial pour valoriser leurs offres et attirer de potentiels visiteurs, notamment parmi les jeunes », affirme-t-il.
Selon lui, cette suspension risque non seulement de freiner la croissance du secteur mais aussi d’affecter la visibilité internationale de Maurice, ce qui pourrait porter préjudice aux entreprises locales et à la réputation de l’île en tant que destination touristique.
Asraf Ghoorun, Chief Executive Officer de Tamtam Tours, partage cette préoccupation : « La restriction d’accès aux réseaux sociaux aura certainement un impact sur les activités des opérateurs touristiques, qui dépendent fortement de ces plateformes pour la promotion et la communication avec les clients. »
Bien que son entreprise collabore essentiellement en mode « Business to Business » avec des agences internationales, il souligne que si des restrictions s’étendent à WhatsApp ou aux e-mails, l’impact serait dévastateur. « Mon entreprise, par exemple, collabore directement avec des partenaires internationaux. Du coup, nous ne dépendons pas des réseaux sociaux pour la promotion de nos activités », explique-t-il.
Le CEO avance que si la suspension des réseaux sociaux persiste sur une longue durée, cela pourrait mettre en péril l’image de Maurice. « Les touristes sont en général assez accros aux réseaux sociaux. Ils partagent des vidéos, des photos et sont souvent des ambassadeurs dans la promotion de la destination. Avec ces restrictions, nous allons perdre cette visibilité », explique-t-il.
Un responsable d’un grand groupe hôtelier ne cache pas sa colère. « Le pays vise à atteindre 1,4 million de touristes d’ici la fin de l’année et voilà que nous nous retrouvons dans une situation qui joue les trouble-fête », martèle-t-il. Selon lui, les touristes vont certainement hésiter à venir séjourner dans un pays où ils sentent que leurs droits sont bafoués. « Les autorités doivent remédier à ce problème dans les plus brefs délais », appuie-t-il.
Des réactions au niveau international
La suspension de plusieurs réseaux sociaux suscite des réactions tant au niveau national qu’international. Ses répercussions vont bien au-delà d’une simple restriction pour les Mauriciens et affectent le tourisme en particulier. La plateforme de voyage eTurboNews a déjà relayé cette situation en alertant les voyageurs potentiels dans un article intitulé « Scream for Mauritius!
Tourists Wake Up to a Spooky Social Media Ban ».
L’article souligne que les visiteurs ne peuvent plus partager en temps réel des photos et vidéos de leurs vacances depuis les plages, hôtels et parcs naturels sur des plateformes comme Facebook, Instagram, Twitter et même YouTube et TikTok, désormais inaccessibles. « Les appels et messages via WhatsApp ou Viber pourraient aussi être limités en fonction de l’évolution de la situation », précise l’article.
Ces Fake News qui polluent les plateformes numériques
Alors que l’accès aux réseaux sociaux est limité, sauf pour les utilisateurs de VPN, des personnes ont fait circuler de faux documents, le vendredi 1er novembre, sur les réseaux sociaux et WhatsApp. Parmi ces documents, il y a un appel de l’Évêché à la restauration de l’accès aux réseaux sociaux. « Ce texte n’est pas de Mgr Jean Michael Durhône. L’évêché conseille la vigilance concernant la circulation d’informations », fait observer une communication.
De son côté, Business Mauritius a également signalé la diffusion d’un faux communiqué de presse émis en son nom. L’association patronale, qui a déjà publié un avis officiel, avise le public que les autres annonces sont fausses.
Plusieurs personnes font des appels au calme pour éviter des dérives
Un appel au calme a été lancé dans une mosquée lors de la prière du vendredi. Un Maulana a insisté sur la nécessité de ne pas se laisser emporter par les provocations de certains et a encouragé la récitation de versets du Coran pour invoquer la protection divine. « Azordi kot nou ete, kot le pei ete, li kouma dir pe tini lor enn difil ki bien sensib », a déclaré un Maulana dans une mosquée. Selon lui, le pays peut basculer au moindre faux pas. Il a ainsi appelé chacun à garder son calme et à ne pas céder aux provocations qui circulent sur les réseaux sociaux. « Fodre pa ki nou rant dan sa bann piez la. Fodre pa ki nou fer enn ti fopa ki kapav met pei la dan dife », a-t-il averti.
D’après lui, ceux qui sont derrière ces provocations ne réalisent pas que, si quelque chose devait arriver, ce n’est pas une seule personne qui en subirait les conséquences. « Kan enn dife li pran, pa panse enn sel lakaz pou brile ; tou seki ena dan lanviron pou brile », a-t-il ajouté.Le Maulana a invité les fidèles à limiter leurs sorties, à éviter les attroupements après la prière à la mosquée ou après le travail. Il a exhorté chacun à rentrer directement chez soi pour rester en sécurité auprès de sa famille. « Sa enn semenn-la, nou bizin pran bokou prekosion », a-t-il déclaré.
Plusieurs autres personnes ont lançé desappels au calme sur les réseaux sociaux pour ne pas cédèr à la provocation.
Secteur des TIC - Vid Padayatchy : « Les blocages sont facilement court-circuités »
Le blocage des réseaux sociaux est un mauvais signal pour Maurice sur le plan international et celui des affaires. C’est le point de vue de Viv Padayatchy, Managing Director de Cybernaptics Ltd. « L’impact est très négatif sur le plan international. Cela ternit la réputation de Maurice comme un pays où la liberté d’expression est garantie. Maurice est souvent cité comme un exemple de démocratie en Afrique. Cela ne nous aide pas », indique l’expert en cybersécurité.
Selon lui, l’impact est également négatif du côté de l’économie. Il rappelle que les entreprises communiquent sur les réseaux sociaux. « YouTube n’est pas seulement une plateforme de divertissement. C’est aussi une plateforme de formation. Par exemple, mon entreprise est dans l’informatique et mes techniciens ont recours à YouTube pour regarder des démonstrations techniques. YouTube fait partie de la panoplie pour opérer », ajoute Viv Padayatchy.
Il estime que les autorités ont été mal conseillées, car le blocage des réseaux sociaux peut être facilement contourné à travers l’utilisation de VPN. « C’est un coup d’épée dans l’eau, puisque non seulement cela affecte la réputation et l’économie de Maurice, mais en plus cela ne sert à rien. Les blocages sont facilement court-circuités par les VPN », fait ressortir le Managing Director de Cybernaptics Ltd.
Les organisations Mauritius Internet Governance Forum et Internet Society ont émis un communiqué conjoint ce vendredi 1er novembre 2024 pour dénoncer le blocage des réseaux sociaux à Maurice. Elles rappellent l’importance de ces plateformes en cette période électorale. Les deux organisations comprennent que la divulgation d’écoutes téléphoniques est interdite, mais elles soutiennent que le gouvernement doit également permettre l’accès à internet pendant la campagne électorale.
Mauritius Internet Governance Forum et Internet Society soulignent que Maurice a une économie largement basée sur le numérique. Ainsi, le blocage des réseaux sociaux impacte les entreprises de toutes tailles.
Raise Brave Girls prend position
« Dans notre quête pour l’égalité des sexes et les droits de l’homme, il existe un certain nombre de cas où les femmes cherchent de l’aide sur les plateformes de médias sociaux », déclare Prisheela Mottee de Raise Brave Girls. Elle souligne dans un communiqué qu’en leur refusant l’accès aux réseaux sociaux, on empêche les femmes de s’exprimer et de demander de l’aide. Citant l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle souligne que « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
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