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Nasser Moraby : «La STC doit veiller à ce que les subsides ne soient pas détournés»

Fixé à Rs 2,60 depuis 2012, le prix du pain maison repose sur des subsides de l’État. Mais selon Nasser Moraby, président de l’Association des propriétaires de boulangeries, ces aides profitent aussi à d’autres opérateurs comme les marchands de ‘dholl puri’ ou certaines grandes surfaces, fragilisant davantage un secteur déjà en crise.

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Le prix du pain maison est resté fixé à Rs 2,60 depuis 2012. Comment les boulangers arrivent-ils à maintenir leurs activités malgré ce tarif gelé ?
Il devient de plus en plus difficile pour nous de continuer à opérer. Tous les intrants nécessaires à la production notamment la farine, la levure, l’électricité et la main-d’œuvre ne cessent d’augmenter. Comme l’a rappelé le Premier ministre adjoint, le prix du pain n’a pas été révisé depuis bientôt 13 ans. Dans ces conditions, beaucoup de boulangeries ne tiendront plus longtemps. Nous comptons aujourd’hui environ 170 boulangers dans le pays, mais déjà 27 ont fermé leurs portes ces dernières années, et plusieurs autres envisagent de le faire. Je préfère être clair. Si rien ne change, les Mauriciens doivent se préparer à ne plus trouver de pain maison dans un avenir proche. En sus, avec un prix aussi bas, on observe beaucoup de gaspillage. Dans presque chaque foyer, il reste du pain jeté à la fin de la journée. Résultat : le pain est banalisé, d’autant qu’un simple sac en plastique coûte aujourd’hui plus cher qu’un pain maison. Une révision du prix contribuerait à réduire ce gaspillage et, par ricochet, à limiter les importations de farine.

Le gouvernement estime qu’il faut Rs 450 millions de subventions annuelles pour maintenir le prix actuel. Ces aides bénéficient-elles réellement aux boulangers et aux consommateurs ?
Sans subvention, le prix réel du pain maison serait de Rs 6,35. Or, avec un prix fixé à Rs 2,60, le consommateur bénéficie d’un soutien de Rs 3,75 par pain. Sur ce montant, le boulanger touche environ Rs 1,98, ce qui laisse un manque à gagner de Rs 1,77. Nous avons proposé, lors de la dernière consultation budgétaire, que l’État ajoute ces Rs 1,77 au subside versé aux boulangers. Malheureusement, notre demande est restée lettre morte. Ainsi, beaucoup de boulangers risquent de cesser leurs activités, d’autant que la pénurie de main-d’œuvre vient aggraver la situation. Personnellement, il m’est arrivé de ne pas pouvoir ouvrir ma boulangerie pendant deux jours, faute de travailleurs.

Justement, le gouvernement travaille sur un nouveau système pour accélérer l’octroi des permis de travail. Cela pourrait-il résoudre le problème ?
On nous dit depuis plusieurs années qu’un comité a été mis en place pour faciliter l’importation de travailleurs étrangers. L’ancien gouvernement l’avait aussi annoncé, mais rien n’a vraiment changé. Pire encore, les permis pour recruter des travailleurs bangladais qui ont l’expérience nécessaire dans ce métier ne sont plus accordés. On privilégie les Népalais, Malgaches ou Indiens, mais ils n’ont pas toujours les compétences requises pour travailler en boulangerie. Par conséquence, nous restons coincés.

Le Premier ministre adjoint a évoqué « certains abus » dans l’utilisation des subsides. Y a-t-il vraiment des détournements ?
Pas au niveau des boulangers. Le système est strict. Quand nous achetons de la farine à la State Trading Corporation (STC), il faut présenter des bons, payer par chèque et fournir une garantie bancaire. La STC ne vend pas à crédit. C’est un processus rigoureux, qui rend difficile toute fraude. S’il y a eu abus, ils concernent sans doute d’autres opérateurs. Le subside pour la farine ne devrait être réservé qu’aux boulangers. Or, on constate que les marchands de ‘dholl puri’ ou encore certaines grandes surfaces en bénéficient aussi. C’est à la STC de s’assurer qu’il n’y ait pas de mauvaise utilisation.

Quelles réformes attendez-vous pour assurer l’avenir du métier et renforcer la sécurité alimentaire ?
Nous réclamons depuis longtemps la création d’une école des boulangers. D’autres secteurs en ont déjà, comme l’hôtellerie, le textile ou l’informatique. Pourquoi pas la boulangerie ? Former des jeunes Mauriciens serait plus économique que de dépendre d’une main-d’œuvre étrangère coûteuse. Avec une formation spécialisée, ce métier pourrait redevenir attractif pour nos compatriotes et garantir la pérennité du métier. 
 

 

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