
Le ministère de l’Éducation compte supprimer, dès 2026, le passage automatique des élèves du primaire vers la classe supérieure. Cette réforme divise déjà. Ses partisans y voient le moyen de rehausser le niveau académique et de responsabiliser les élèves. Ses détracteurs redoutent les traumatismes du redoublement. Le pédagogue Basheer Taleb analyse les enjeux de cette transformation du système scolaire.
Pourquoi le passage automatique avait-il été introduit dans le système éducatif ?
On adopte généralement la promotion automatique, surtout au primaire, pour plusieurs raisons. D’abord, le fait de redoubler une classe affecte l’estime de soi de l’enfant, qui est stigmatisé par l’échec. Ensuite, il augmente le nombre d’élèves retenus, ce qui représente un coût. Enfin, au niveau primaire, l’éducation doit être conçue comme une continuité : les étapes du développement de l’enfant ne s’articulent pas strictement autour de son âge. Les enfants acquièrent les connaissances à des rythmes différents.
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Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui la décision d’y mettre fin ?
Avec la promotion automatique, on ne dispose pas de temps pour apporter le soutien voulu à l’enfant en difficulté d’apprentissage. L’école et les parents prennent pour acquis le fait que l’enfant ne sera pas recalé et ne se « réveillent » qu’en fin de cycle primaire, quand il est déjà trop tard.
L’apprenant accumule des retards qu’il n’arrive pas à rattraper. Il entre au secondaire avec des déficiences énormes. Le problème s’aggrave davantage lorsqu’on adopte des mesures « administratives » pour justifier le passage au secondaire en manipulant le « pass mark ». Le parcours secondaire de l’apprenant est alors compromis.
Certains estiment que le passage automatique a favorisé la baisse du niveau. Êtes-vous d’accord ?
Je le suis. La promotion automatique peut engendrer des frustrations et des découragements chez tous les partenaires du système. Chacun finit par entretenir les « lowest expectations ». Voilà ce qui explique la baisse du niveau.
En quoi la suppression du passage automatique pourrait-elle influencer la motivation et les efforts des élèves ?
Si elle est accompagnée d’un programme de rattrapage assuré par des enseignants formés et motivés, avec des contrôles continus et des mises à jour régulières, l’élève sera motivé par sa propre réussite.
Comment éviter que le redoublement ne devienne une forme de stigmatisation ou d’exclusion ?
Il faudra repenser l’organisation. Les redoublants devraient être regroupés en petits groupes d’après leurs compétences, afin de développer des affinités et de tirer un maximum du soutien offert. Ils pourraient ensuite retrouver leurs camarades du même âge pour d’autres activités. De cette manière, on pourrait mitiger la stigmatisation.
On peut aussi recourir au « peer teaching » à l’occasion. Et il faudra impliquer les parents, leur expliquer que le redoublement n’est pas une punition mais une opportunité. Peut-être qu’on devrait les impliquer dans le processus de « decision-making » avant de finaliser le redoublement.
Quelles mesures d’accompagnement seront nécessaires pour assurer l’efficacité de cette réforme ?
La formation des enseignants est un must. Je pense surtout aux valeurs qu’ils doivent apporter en classe et à l’attitude qu’ils doivent adopter. Les supports pédagogiques et l’infrastructure pour un enseignement individualisé doivent être prévus dès le départ. L’apport de la technologie comme un support à l’enseignant sera aussi le bienvenu. Les enseignants doivent travailler en réseau et partager leurs expériences régulièrement.
Comment s’assurer que cette réforme ne pénalise pas davantage les élèves issus de milieux défavorisés, qui ont parfois moins de soutien scolaire à la maison ?
Cette réforme s’occupera surtout des enfants issus des milieux défavorisés. Le soutien des psychologues et des sociologues sera d’un grand apport.
Quel pourrait être l’impact de cette réforme à long terme, non seulement sur le parcours au secondaire mais aussi sur la réussite future des élèves ?
L’impact sera considérable au secondaire car nous aurons des apprenants dotés d’une base de connaissances solide et des compétences voulues. Cela facilitera l’introduction de nouvelles matières. Avec ce « level playing field », l’obtention de 5 Credits au School Certificate deviendra possible pour un plus grand nombre.

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