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Journée mondiale du Travail : sécurité et santé en péril

129 accidents au travail n’ont pas été rapportés en 2016. Cela, en dépit de l’Occupational Safety and Health Act (OSHA). Survol de la situation.

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«Certaines entreprises préfèrent payer une amende, dont le montant est dérisoire, que d’appliquer les règlements régissant la sécurité et la santé au travail », affirme Dooshyant Burrut, Occupational Health & Safety Officer exerçant dans le privé. Pour lui, les mesures préconisées ne sont pas appliquées par toutes les entreprises. « Il y a certainement des faiblesses dans la loi car certains travailleurs préfèrent subir en silence plutôt que de dénoncer les entorses », ajoute Reaz Chuttoo secrétaire général de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP). Selon ce dernier, c’est la crainte des représailles ou la perte de leur emploi qui expliquerait leur silence.

Alors qu’on dit souvent que l’exemple vient d’en haut, les employés du secteur public ne sont pas mieux lotis, fait ressortir Rashid Imrith, président des syndicats de la fonction publique. Il considère que, la santé et la sécurité au travail ne sont pas sur les priorités du gouvernement. « La loi dit que le gouvernement doit respecter l’Occupational Safety and Health Act  mais s’il ne le fait pas, un employé ne peut pas le poursuivre pour non respect de la loi », dit le syndicaliste.

C’est ainsi que bon nombre d’employés préfèrent faire l’impasse sur les difficultés et/ou manquements qui existent sur leur lieu de travail. Ils préfèrent ronger leur frein en espérant que cela n’aura pas de grandes incidences sur leur santé et leur sécurité. Et si d’un côté les chiffres du ministère du Travail indiquent qu’il y a bien moins d’accidents de travail rapportés, insidieusement la situation est tout autre, selon nos interlocuteurs.

Dans certains cas, les lacunes et non respect de l’OSHA sont devenus « la norme ». Les maladies professionnelles ne sont pour leur part pas véritablement prises en considération et c’est la productivité qui prime. Et aussi longtemps qu’un mal n’est pas visible, on se dit que tout va bien. Tel est l’avis du Dr Ben Veeraragoo, Occupational Health Physician.

Pour un Safety Officer indépendant

Afin d’améliorer la sécurité et la santé au travail, Reaz Chuttoo suggère que le Safety Officer devienne indépendant. Cela lui permettra de dénoncer son employeur ou rédige des rapports sur lui. Il ajoute que le ministère du Travail ainsi que chaque travailleur doit obtenir une copie du ‘risk assessment’ qui est fait d’habitude dans le plus grand secret. Cela contribuerait à prévenir les dangers et les risques d’accidents potentiels sur le lieu du travail. Rashid Imrith a proposé que la loi soit applicable tant dans le secteur privé que dans celui du public. Pour lui, le gouvernement devrait pouvoir répondre devant la cour, en cas de manquement aux règlements de l’OSHA.

Reaz Chuttoo et Dooshyant Burrut préconisent une augmentation des amendes infligées aux employeurs qui ne respectent pas les règlements. Pour le premier nommé, les contrevenants auraient dû écoper d’une amende de Rs 500 000 et d’une peine d’emprisonnement sans sursis. Il faudrait aussi augmenter le nombre d’inspections sur les lieux du travail.


La santé mentale menacée

Selon Reaz Chuttoo,  après 10 ans de lutte acharnée, les choses se sont beaucoup améliorées en ce qu’il s’agit des conditions de travail. Mais si les dangers physiques sont réels sur le site du travail, une autre menace a surgit depuis quelque temps : les éléments qui affectent la santé mentale des travailleurs. « Nous remarquons une dégradation qualitative de l’emploi. Dans certains domaines, les horaires de travail deviennent démesurés avec les overtime, alors que le salaire reste global », note Reaz Chuttoo.

Pour lui, c’est une pression insupportable que subissent certains travailleurs. Cet impact du travail sur les employés est beaucoup plus grave car , selon lui, ces éléments sont invisibles et très difficiles à combattre. « Quand la santé mentale des travailleurs est affectée, cela peut engendrer d’autres fléaux sociaux, comme la violence domestique, la toxicomanie et l’alcoolisme », précise-t-il. Rashid Imrith soutient, pour sa part, que le gouvernement ne met pas les équipements appropriés à la disposition des employés du service civil, dans différents secteurs. Ce qui aurait grandement amélioré la sécurité et la santé au travail. Il affirme aussi qu’il y a une hypocrisie concernant les accidents au travail.

« Depuis l’entrée en vigueur de l’OSHA, il n’y a pas eu une augmentation des ressources humaines pour inspecter tous les sites du travail », déplore-t-il. Il ironise sur le fait qu’il y a même un des partenaires du Health and Safety en infraction avec les règlements. Il cite le département du Fire and Rescue Services à côté des Line Barracks et la caserne à l’arrière de la mairie de Port-Louis. Dans le premier cas, le bâtiment de sept étages est dépourvu d’ascenseur, entre autres manquements. Et la caserne des pompiers est, quant à elle, dans un état lamentable affirme-t-il.


Témoignage

Viraj : «Nous travaillons dans des conditions dégradantes»

C’est le ras-le-bol à la station de police de Moka. L’état du bâtiment est décrié. Viraj* qui est affecté à ce poste, dénonce les conditions de travail qu’il qualifie de « stressantes et démoralisantes ». « Nous sommes logés dans un ancien bâtiment colonial qui date de 1866. Le faux plafond sert d’abris aux rats et aux termites », dit-il. De jour comme de nuit, les policiers peuvent entendre les rats courir au dessus de leurs têtes, ce qui leur donne l’impression qu’ils peuvent surgir à tout moment et leur tomber dessus.

« C’est très dégoûtant et nous n’avons pas l’esprit tranquille », déplore-t-il. Le plancher est également instable sous leurs pieds car, à différents endroits, la structure a été fragilisée par des termites. Ce qui fait que le sol grince à chacun de leurs pas. En temps de pluie, c’est un autre calvaire qu’ils doivent vivre. « La toiture est une vraie passoire. Nous devons déplacer les ordinateurs pour éviter que l’eau ne pénètre. Comment pouvons-nous travailler dans ces conditions », s’insurge-t-il. Il affirme que les inspecteurs de la Health & Safety sont venus plusieurs fois mais rien n’a changé depuis.

« Nous avons l’impression que personne ne nous entend », se lamente le policier. Contacté, le service de presse de la police nous a déclaré que des dispositions ont été prises pour des travaux de rénovation et que ceux-ci devraient débuter au cours du mois de juin prochain. Le cachet historique du bâtiment sera aussi respecté, avons-nous appris.

*prénom modifié

Dr Ben Veeraragoo, Occupational Health Physician : «Les maladies professionnelles ne sont pas prises en considération»

Le Dr Ben Veeraragoo est d’avis qu’il ne faudrait pas s’enorgueillir de la « baisse » des accidents de travail. Pour lui tout est relatif. « C’est le taux des accidents qui peut donner une image réelle de la situation, cela en calculant le nombre d’accidents et en le divisant par le nombre d’employés. Il faut aussi chercher le dénominateur commun de ces accidents », explique-t-il. 

Selon lui, le nombre d’accidents a baissé à cause d’une chute dans le nombre d’employés et d’entreprises, particulièrement dans les industries où il y avait un plus grand nombre d’accidents : industries sucrières et textiles. Et avec la mécanisation, la machine a remplacé l’homme dans divers secteurs. Le Dr Veeraragoo est d’avis que le ministère du Travail ne prend pas en considération ces différents facteurs et ne fait que comptabiliser le nombre d’accidents rapportés. 

Il souligne aussi le fait que bien souvent, on ne mentionne que les accidents du travail alors qu’il y a de nombreuses maladies professionnelles qui ne sont pas toujours prises en considération comme le stress, la surdité, les douleurs lombaires, les problèmes dermatologiques et les allergies, entre autres.

Dooshyant Burrut : «Certains employeurs préfèrent payer une amende»

« Tout cas d’accident doit être notifié au ministère du Travail. Au cas contraire, c’est une délit », martèle le Health and Safety Officer, dans le privé, Dooshyant Burrut. Il affirme que de nombreux employeurs se sont retrouvés à payer une amende parce qu’ils n’ont pas notifié le ministère des cas d’accidents qui sont survenus.

« Si un employé constate qu’il y a des non-respects du l’OSHA et qu’il n’y a pas d’équipements appropriés, ils doivent le rapporter au Occupational Health and Safety Inspectorate », dit-il. Pour lui, il est préférable de rapporter ces faits que de mettre sa vie et sa santé en péril. Il soutien le lieu du travail doit être dépourvu de tout risque d’accidents. Des exercices de simulation d’incendie doivent être initiés afin que chaque employé puisse savoir exactement ce qu’il doit faire lorsqu’il y a un incendie réel. « Certains employeurs préfèrent payer une amende plutôt que de faire l’exercice de simulation et payer les services d’un consultant en Health and Safety », déplore-t-il.

Il est d’avis aussi que les employeurs doivent être davantage conscientisés au Health and Safety car le rendement des employés augmentera avec une amélioration de l’environnement du travail.


Tout accident doit être rapporté

Le ministère du Travail rappelle que tout accident sur le lieu de travail doit être rapporté au ministère, comme le stipule l’article 84 du l’OSHA. Au cas contraire, l’employeur est passible de poursuites. Par ailleurs, le ministère indique que les statistiques démontrent que la tendance est à la baisse.

Pour l’an 2016, nous n’avons eu que 7 accidents mortels sur le lieu de travail contre 17 en 2013. Pour ce qui est des accidents n’entraînant pas mort d’homme, on a recensé 188 cas en 2016 contre 234 en 2013. Ce sont des chiffres comptabilisés à partir des cas rapportés au département Occupational Health and Safety du ministère. Le service de presse souligne aussi que les officiers du ministère dispensent des cours de formation aux employeurs pour assurer la sécurité de leur personnel.

Ils font également souvent des descentes surprises pour veiller à ce que tous les employeurs respectent la loi. Tout employé a aussi la liberté de porter plainte au ministère s’il sent que sa santé et sa sécurité sont menacées sur son lieu de travail.

 

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