Live News

Transport en commun : un nouveau souffle pour MEL et la CNT

Dr Harvin Soonarane, Nishad Baig, le ministre Osman Mahomed, Mahmood Hafez Amir et Rishikesh Brojmohun.

Deux nouvelles nominations à la tête de MEL et de la CNT marquent un tournant stratégique pour le transport public mauricien, entre modernisation, redressement financier et transition énergétique.

Deux nominations stratégiques, deux défis colossaux. Sous la houlette du ministère des Transports terrestres, Metro Express Limited (MEL) et la Corporation Nationale de Transport (CNT) entament un nouveau cycle administratif avec la désignation de nouveaux dirigeants, entérinée par le Cabinet des ministres.

Publicité

D’un côté, Mahmood Hafez Amir, ingénieur de formation, ancien General Manager du groupe Currimjee Jeewanjee, succède au Dr Pradeep Mahesh Kumar (Harvin) Soonarane comme président du conseil d’administration de MEL. À la tête de Metro Express Limited, Mahmood Hafez Amir sera épaulé par le nouveau CEO, Rishikesh Brojmohun – un Chartered Mechanical Engineer fort de 25 années d’expérience en Europe dans les secteurs de l’aéronautique, du pétrole et de l’ingénierie industrielle. Rishikesh Brojmohun a été choisi à la suite d’un exercice d’appel à candidatures auquel ont répondu 78 candidats locaux et internationaux. Ce tandem hérite d’un métro léger financièrement déficitaire, pour lequel les enjeux de rentabilisation, de remboursement de la dette et de diversification des revenus sont urgents.

De l’autre, le Dr Harvin Soonarane quitte le Board du métro léger pour prendre les rênes opérationnelles de la CNT en tant que General Manager. C’est un mouvement qui n’est pas anodin : c’est la première fois qu’un ancien cadre technique de la CNT revient par la grande porte pour en prendre la direction générale, à la suite d’un appel à candidatures infructueux. Le Cabinet a donc entériné un choix de pragmatisme : désigner quelqu’un issu de l’entreprise, fort d’une longue carrière administrative dans le secteur public et d’une expertise reconnue en ingénierie énergétique.

CNT : La décennie perdue

Deux profils techniques, deux styles, mais une même feuille de route : remettre les infrastructures de transport public au cœur de la modernisation du pays. Si Metro Express Limited jouit encore d’un certain capital de confiance et d’un réseau en expansion, la situation à la CNT est autrement plus préoccupante. L’entreprise est dans un état de délabrement structurel. Le diagnostic est accablant :

• Aucun compte audité approuvé depuis 2015.
• Un déficit du Pension Fund de Rs 281,4 millions.
• Une flotte vieillissante : 499 bus, âge moyen de 11 ans.
• Près de Rs 4 milliards de subventions reçues entre 2020 et 2024 sans amélioration significative.
• Un système de gestion de flotte (Fleet Management System) sous-utilisé.
• Des plaintes d’usagers : retards, pannes, inconfort, trajets mal desservis.

Et surtout, un élément que souligne le ministère des Transports lui-même : la CNT a fonctionné sans transparence, sans reddition de comptes, sans pilotage stratégique clair pendant près d’une décennie. Le ministre Osman Mahomed l’a dit sans détour : « Ceux qui étaient en charge doivent s’expliquer. » La Financial Crimes Commission (FCC) est aujourd’hui saisie de plusieurs éléments liés à la gouvernance de l’entreprise.

Dans ce contexte, la tâche du Dr Harvin Soonarane est quasi herculéenne. Il n’y est pas un inconnu. Il a commencé sa carrière à la CNT à Bonne-Terre, avant d’intégrer la fonction publique, notamment au ministère des Utilités publiques. Il est ingénieur mécanique de formation, titulaire d’un doctorat en énergies renouvelables, et fort de 37 ans d’expérience dans le secteur public. Ce retour à la CNT se fait sur fond de nécessité administrative : parmi les 16 candidats à la direction générale, aucun n’a su convaincre les recruteurs, laissant au Cabinet la tâche d’entériner un profil familier de la maison, sur recommandation du ministre Osman Mahomed.

Sa connaissance intime de l’entreprise est un atout. Mais ce lien historique peut aussi être une faiblesse : comment imposer une rupture si l’on incarne en partie l’ancien système ? La réponse dépendra de sa capacité à articuler une stratégie de redressement, à s’entourer d’une équipe technique compétente et à agir rapidement sur plusieurs fronts simultanés.

Des priorités multiples

Dès son entrée en fonction, le Dr Soonarane devra affronter un faisceau d’urgences :

1. Réhabilitation financière et transparence
• Finalisation des états financiers 2020–2021 (annoncée pour décembre 2024)
• Achèvement des rapports pour 2021 à 2024 (prévu en février 2025)
• Audit et approbation dans les temps pour redonner une légitimité institutionnelle à l’entreprise
2. Redéploiement opérationnel
• Activation du Fleet Management System pour optimiser les trajets
• Lancement d’une politique de maintenance systématique
• Renouvellement partiel de la flotte : un plan d’acquisition de 300 bus est en discussion
3. Transition énergétique
• Déploiement des 100 bus électriques offerts par l’Inde
• Étude d’intégration d’un réseau solaire pour alimenter les nouvelles unités
• Coordination avec le CEB et le ministère de l’Environnement pour un transport « bas carbone »
4. Réforme administrative
• Refonte des procédures internes
• Redéfinition des responsabilités managériales
• Lutte contre les pratiques népotiques et politisées

Dr Harvin Soonarane sera épaulé par Nishad Baig, haut cadre du secteur privé, en particulier de C-Care (groupe CIEL). Ce tandem — technicien et financier — peut, s’il fonctionne harmonieusement, permettre une gouvernance plus équilibrée et performante. Le rôle du Board, dans une entreprise publique sous pression, sera déterminant. Il devra résister aux pressions politiques, défendre des décisions impopulaires mais nécessaires, et restaurer la crédibilité de la CNT face aux partenaires internationaux.

Metro Express : piloter la performance

À MEL, la situation est différente mais tout aussi délicate. Le métro léger, bien que symbole de modernité, est confronté à une équation économique difficile. La dette contractée pour la phase initiale du projet est importante, et les recettes générées ne couvrent pas encore les coûts d’exploitation.

C’est dans ce contexte que Rishikesh Brojmohun, ingénieur ayant travaillé avec Airbus, Altran et Thales, prend la tête de la direction exécutive. En tandem avec Mahmood Hafez Amir, Chairman expérimenté dans des grands groupes mauriciens, ils devront :

• Mettre en œuvre les recommandations des rapports de l’Office of Public Sector Governance (OPSG) et de Crossrail International ;
• Optimiser les ressources ;
• Étendre la desserte vers de nouveaux axes structurants ;
• Rationaliser les coûts et repenser le modèle d’exploitation.

À transport durable, changement de modèle

Ensemble, MEL et CNT assurent environ 40 % du transport public quotidien à Maurice. Leur performance conditionne donc directement la mobilité, la qualité de vie urbaine, la productivité économique et la lutte contre la pollution.

Les deux institutions symbolisent aujourd’hui une tentative de réhabilitation du secteur public — avec tout ce que cela implique en matière de gouvernance, de performance, de transparence et d’orientation stratégique. Si MEL est à la croisée des chemins entre innovation et rentabilité, la CNT reste, elle, à reconstruire intégralement.

C’est dans ce double effort de transformation — industrielle, énergétique, comptable et humaine — que se jouera une partie essentielle du développement mauricien à horizon 2030.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !