Le nombre d’élèves dans une salle de classe est déterminant. Certains affirment que le ratio enseignant-élève doit être revu. D’autres estiment que cela relève d’une vieille revendication syndicale qui ne tient plus la route. En cette Journée internationale de l’Éducation, découvrons ce que pensent les professionnels.
Ce mardi 7 août marque la Journée internationale de l’Éducation. Selon les droits universels, tout enfant a droit à l’éducation. À Maurice, ce droit est gratuit depuis 1976. Cependant, certains enseignants éprouvent des difficultés à dispenser les cours convenablement.
C’est ainsi que le président de la Managers of Private Secondary Schools Union (MPSSU), Houmayoun Soobadar, propose que le ratio enseignant-élève soit revu : « Actuellement, nous avons des classes de 40 élèves pour un enseignant. Il serait bien que ce chiffre diminue pour atteindre 1:25 au mieux 1:20 ». Le recteur du collège Labourdonnais à Port-Louis souligne que plusieurs avantages découleront de ce changement, dont une meilleure gestion de la classe par l’enseignant. La MPSSU compte aller de l’avant dans sa démarche en réitérant sa demande auprès des autorités.
La présidente de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), Preety Ramjuttun indique que l’une des demandes de l’Union auprès du ministère de l’Éducation est de revoir ce nombre. « Nous sommes toujours en attente d’une rencontre avec le ministère pour discuter des problèmes que nous rencontrons au secondaire. Le ratio enseignant-élève est un item à l’agenda. Nous devons en discuter parce que les enseignants de langues éprouvent beaucoup de difficultés avec une classe de 40 élèves », dit-elle.
Primaire
Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union (GTU), confie que le ratio est faussé. « La façon de calculer le ratio enseignant-élève est faussée au primaire. Les responsables prennent le nombre de tous les instituteurs dans le service comprenant ceux des langues orientales et ceux du general purpose et le divisent par le nombre d’écoliers. Ce n’est pas la réalité. Certains enseignants de langues orientales ont parfois moins d’une dizaine d’élèves, alors que les autres ont plus de 30 enfants. Une des mesures du ministère est de séparer les enfants lorsque la classe a un nombre supérieur à 40 », précise-t-il.
Le syndicaliste avance que le grand nombre d’élèves se reflète surtout dans les écoles primaires les plus demandées. Afin de résoudre ce problème, les autorités ont instauré des règlements précis.
Ainsi, lors de l’exercice d’admission des enfants en Grade 1, les parents résidant dans le Catchment Area (périmètre desservi par l’école) de 34 écoles en grande demande à travers l’île doivent se munir de documents additionnels. En plus d’une preuve de résidence, ils doivent avoir un document disponible à l’école et certifié par la police de leur localité, confirmant leur lieu de résidence.
Toutefois, le ministère se réserve le droit de demander des documents additionnels qui pourraient éventuellement aider à confirmer le lieu de résidence des parents. Par ailleurs, si le nombre de demandes dans une école dépasse celui des places disponibles, le ministère se réserve également le droit d’admettre les enfants en surnombre dans une école autre que celle demandée.
La réforme
Le secteur éducatif étant un domaine dynamique, le ministère de l’Éducation en a fait provision dans sa réforme. Il préconise déjà une diminution, cela en se basant sur les chiffres d’admission projetés sur les prochaines années.
Un préposé dudit ministère souligne que la démarche de la MPSSU démontre clairement l’intérêt que portent les acteurs du secteur éducatif dans le privé au bien-être des élèves dans le but de leur garantir une éducation de qualité. « Cela va dans le même sens de la philosophie du ministère qui, à travers la réforme de l’éducation, met un accent sans précédent sur le développement holistique et les Soft Skills de l’apprenant tout en plaçant la qualité au centre des préoccupations », précise-t-il.
Il ajoute qu’avec l’évolution démographique démontrant une baisse du taux de naissance, le nombre d’admissions diminuera au fil des années. Et cela impactera définitivement le ratio. « Ainsi, l’enseignant pourra accorder une attention plus particulière à chaque élève, rehaussant la qualité des performances académiques », souligne-t-il.
Il nous revient, par ailleurs, qu’avec les Support Teachers et le Holistic Education Programme Educators au primaire, les General Purpose Teachers seront aidés dans leurs tâches. « Avec les dernières mesures, la qualité de l’éducation dispensée a nettement été réadaptée et rehaussée. Il est donc attendu que ces élèves éprouvent moins de difficultés au secondaire. »
Les responsables d’établissement scolaire ont comme devoir de partager le nombre d’élèves de manière équitable dans chaque classe. Cette mesure fait que certaines classes fonctionnent déjà avec un nombre inférieur à celui demandé dans la législation, et avec l’évolution démographique, le ratio continuera de baisser.
Deux écoles de pensée
D’un point de vue général, le Dr Jimmy Harmon du Service Diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC) avance qu’il y a deux écoles de pensée. « Celle qui dit que le nombre d’élèves est un facteur important pour l’apprentissage et celle (minoritaire) qui dit que tel n’est pas le cas. Je suis dans la seconde école. »
Le pédagogue insiste aussi sur la façon de tenir sa classe. « Tout est dans l’art d’enseigner. On note depuis les dix dernières années une baisse dans le nombre d’élèves en classe avec la baisse du taux de natalité. On n’a pas noté une grande amélioration dans les résultats. »
Le Dr Harmon précise que : « Cette école de pensée dit que c’est le dispositif pédagogique mis en place, l’organisation de la classe et l’efficacité du professeur qui comptent. Aussi bien comment motiver l’apprenant. Donc, le débat teacher pupil : ratio relève plus d’une vieille revendication syndicale qui ne tient plus la route ».
Réduire le nombre d’élèves
Avantages
Avec une classe de moins de 40 élèves, plusieurs avantages s’offrent aussi bien aux enseignants qu’aux apprenants. Deepak Bagueruttee, instituteur en
Grade 3, affirme que l’attention individuelle sera privilégiée : « Avec un taux d’élève moindre, les enseignants pourront être plus attentifs aux besoins de chaque élève. Nous pourrons privilégier le travail en groupe en fonction des forces et des faiblesses de chacun, et apporter des solutions ».
Il dit éprouver beaucoup de joie à travailler avec sa classe de 25 élèves et ajoute : « Je peux aisément faire la différence avec 25 et 40 écoliers. Ce n’est pas évident de gérer ces enfants et de corriger les cahiers. Si le chiffre est ramené à 20 ou 25, c’est l’élève qui en sort ira gagnant ».
Désavantages
Au primaire, il s’agit d’apprendre avec les tablettes. Cette pratique concerne les élèves en Grade 1 et 2 depuis quelques mois. Mais, avec un nombre d’écoliers supérieur à 20, certains problèmes pratiques surgissent. Par exemple, chaque salle de classe contient un meuble avec tous les accessoires nécessaires pour recharger les tablettes. Selon les instituteurs, ces meubles prennent de la place et ne permettent pas de se déplacer facilement, regrettent-ils.
Preety Ramjuttun indique que certaines classes de langues fonctionnent actuellement avec plus de 40 élèves. « Les enseignants de langue française ou anglaise ont des difficultés. Ces matières comportent des rédactions, des passages et des lectures. Il faut aussi penser à la correction des cahiers. Plus le nombre est grand, plus le travail est compliqué », déplore-t-elle.
La présidente de la GSSTU précise qu’avec la réforme éducative, des élèves de différents niveaux se retrouvent dans la même classe.Il est compliqué d’accorder l’attention voulue à tout le monde, selon leurs besoins. Cette situation provoque alors des cas d’indiscipline.
Faizal Jeeroburkhan : «Il n’y a pas de nombre idéal pour qu’une classe soit bien tenue»
Le pédagogue Faizal Jeeroburkhan nous donne son point de vue sur la gestion de la classe.
Certains enseignants éprouvent des difficultés à gérer leur classe. Ils pointent du doigt le grand nombre d’élèves. Que suggérez-vous pour les aider dans la gestion de leur classe ?
Un grand nombre d’élèves dans une classe est certainement un handicap majeur pour gérer convenablement. Il n’y a pas de recette normalisée pour faire face à une telle situation, car il y a de nombreux facteurs à prendre en compte. Cependant, il y a des principes pédagogiques de base que l’enseignant doit maîtriser pour ne pas se retrouver en difficulté.
Quelles sont vos suggestions ?
Bien planifier et préparer la classe de façon à garder les élèves occupés avec des tâches motivantes ; maîtriser à fond le sujet enseigné ; établir avec les élèves une relation d’autorité respectueuse et positive. Par exemple, apprendre les prénoms des élèves pour mieux communiquer et pour gagner leur sympathie et leur confiance. Montrer sa passion et son amour pour ce qu’on enseigne afin d’inciter le respect et l’admiration des élèves ; responsabiliser les élèves en leur accordant plus d’autonomie ; organiser les élèves en petit groupe et encourager le travail d’équipe et leur participation à l’organisation de la classe. En leur demandant, par exemple, d’apporter des objets qui serviront comme outils pédagogiques.
Imposer une discipline dès le premier jour pour stopper tous comportements perturbateurs ; établir des règles de conduite dès le premier jour et les afficher au mur ; ces règles doivent être appliquées avec fermeté ; communiquer clairement et posément sans avoir recours aux menaces creuses et sans montrer des signes d’énervement ; éviter de réprouver la classe dans son ensemble; ne pas argumenter pendant de longues minutes ; en cas de mauvais comportement, prendre en aparté l’enfant pour l’écouter, lui parler et corriger son comportement ; éviter de faire des remarques sarcastiques ou démotivantes ; complimenter les élèves pour les petites choses qu’ils ont accomplies avec succès ; circuler constamment dans la classe.
En tant que professionnel de l’éducation, quel est le nombre idéal pour qu’une classe soit bien tenue ?
Il n’y a pas de nombre idéal établi pour qu’une classe soit bien tenue. Ce nombre dépend de l’âge et des besoins académiques des élèves – les enfants plus jeunes ou ceux ayant des besoins éducatifs spéciaux nécessitent généralement plus de temps, d’attention et de soutien de la part des enseignants. Cela dépend aussi de l’expérience, de la compétence et de l’efficacité de l’enseignant – un enseignant expérimenté et hautement qualifié pourrait mieux gérer un plus grand nombre d’élèves. Aussi une classe bien équipée en ressources pédagogiques (bibliothèque, ordinateurs, autres outils pédagogiques) faciliterait la tâche de l’enseignant pour gérer une classe nombreuse. Finalement, une discipline académique peut accommoder plus d’élèves comparée à une discipline pratique.
À Maurice, le ratio officiel est de 24 pour le primaire et de 13 pour le secondaire (Education statistics 2016 - 17). En réalité, pour les matières principales, la plupart des classes ont entre 30 et 40 élèves en primaire et entre 20 et 30 élèves au secondaire. Le nombre idéal tournerait autour de 20 élèves pour le primaire et 15 pour le secondaire. Ceci est envisageable avec la baisse constatée annuellement dans la population estudiantine.
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