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Journée internationale : ces enfants des rues laissés sur le bas-côté

L’on observe, ce mercredi 12 avril la Journée internationale des enfants des rues. Pourtant, celle-ci n’est toujours pas officiellement reconnue par l’Organisation des Nations unies. De son côté, l’Unicef estime le nombre d’enfants vivant dans les rues à 150 millions dans le monde. Quid de la situation à Maurice ? Y a-t-il eu une amélioration ?

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Le constat est ahurissant : 150 millions d’enfants sont à la rue dans le monde. C’est ce qu’indique l’Unicef. Et les organisations qui œuvrent en leur faveur unissent leur voix pour interpeller la communauté internationale. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Journée internationale des enfants des rues, observée en ce mercredi 12 avril, s’articule, cette année, autour du thème This is our Time.

Les organisations non gouvernementales (ONG) et autres défenseurs de la cause des enfants des rues n’ont de cesse de le marteler : « Il est temps d’agir. » Une lutte qui reste, toutefois, encore « anonyme », si l’on tient compte du fait que la Journée internationale consacrée à cette cause n’est toujours pas reconnue par l’Organisation des Nations unies (ONU) et ce, bien qu’elle ait été lancée par l’organisation britannique Consortium for Street Children (CSC).

Avec le soutien de quelques ONG à travers le monde, le CSC œuvre pour la reconnaissance officielle de cette journée par l’ONU. « Nous nous attendons  à une déclaration en ce sens cette année », déclare Hedley Maurer de l’organisation SAFIRE, affiliée au CSC et qui encadre les enfants de rues à Maurice.
Née du rassemblement des éducateurs de rue il y a plus de dix ans, SAFIRE a aujourd’hui 260 enfants en situation de rue sous sa responsabilité. Ces derniers sont sans surveillance et manquent cruellement de guides parentaux. Ils passent le plus clair de leur temps à errer dans les rues. Livrés à eux-mêmes, ils sont vulnérables à tous les fléaux sociaux.

Hedley Maurer est d’avis que la situation à Maurice ne s’est pas beaucoup améliorée en dix ans. « Tant qu’on n’aura pas traité le problème de la pauvreté et de l’exclusion, il y aura toujours un groupe d’enfants qui grandira en marge de la société et les fléaux sociaux perdureront », explique le travailleur social. Il estime qu’il est difficile d’intégrer ces enfants dans un système où ils sont marginalisés alors qu’à côté, il y a la drogue et l’attrait de l’argent facile. « Il n’y a aucune évolution positive dans la prise en charge de ces enfants. Même le Nine-Year Schooling Programme les exclut. La situation est grave », souligne-t-il. Raison pour laquelle il estime qu’il serait temps que Maurice entame une réflexion sérieuse sur le sujet et qu’un plan d’action qui tienne la route voie le jour. « Le but étant que les enfants concernés ne continuent pas à grandir en marge de la société », conclut Hedley Maurer.


Vers la mise en place d’une stratégie à Maurice

Un rapport de l’université de Maurice, commandité par le ministère de l’Egalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille, fait état de la situation des enfants des rues à Maurice. Le document contient aussi les grandes lignes d’une stratégie appropriée.

« L’aboutissement du rapport concrétise l’intention du gouvernement d’inclure la protection et le développement de ces enfants dans les politiques du ministère », avait déclaré la ministre Fazila Daureeawoo lors d’une rencontre, le 23 mars, avec des ONG et les ministères concernés pour la validation du rapport.

Évoquant certaines recommandations du document, elle s’est notamment appesantie sur l’importance de l’éducation et les risques auxquels sont exposés les enfants en situation de rue. « Il est temps de venir avec des campagnes de sensibilisation plus agressives pour responsabiliser les parents qui n’assument pas leur rôle et qui ne se soucient pas de la sécurité de leurs enfants », avait-elle ajouté. Suivant la soumission du rapport, des recommandations seront faites et adressées au Conseil des ministres.


Victime de maltraitance à neuf ans - Jimmy : «La rue a été une échappatoire pour moi»

Une vie faite de rapines et de débrouillardise, de violence et de mauvaises rencontres. C’est ainsi que Jimmy, 31 ans, décrit ses 12 années passées dans la rue quand il n’était qu’un enfant. Récit d’un homme qui s’en est sorti.

« La première fois que j’ai dormi dehors, j’avais neuf ans. » Né à Maurice, Jimmy est contraint, à l’âge de cinq ans, de rejoindre sa grand-mère maternelle à Rodrigues. C’est d’une voix cassée par l’émotion que l’homme, âgé de 31 ans, revient aujourd’hui sur ses malheurs.

« Je n’ai pas connu mon père. Pour ma mère et ses amants, j’étais de trop. Ils me maltraitaient et me battaient », relate-t-il. Pour échapper à la violence des adultes, l’enfant trouve refuge dans… la rue. « Lor lari mo ti gagn kamarad. Mo ti lib », lâche-t-il.

Une liberté chère payée car elle lui vaudra cinq années au Rehabilitation Youth Centre (RYC). En fait, dès l’âge de neuf ans, Jimmy multiplie les fugues à Rodrigues pour aller à la pêche et errer dans les rues de Port-Mathurin en attendant le lever du jour.

À 13 ans, il est épinglé pour une affaire de vol. « J’étais innocent mais faute de moyens pour me payer un avocat, je n’ai pas pu me défendre. Et comme ma grand-mère ne voulait plus prendre ma responsabilité, j’ai été jugé puis envoyé au RYC jusqu’à ce que j’atteigne l’âge de la maturité. »

Prisonnier d’un cercle vicieux

À 18 ans, Jimmy retrouve la liberté. Mais il reste prisonnier du cercle vicieux de la rue. Il n’est toujours pas le bienvenu chez sa mère à Batterie-Cassée. « Nous étions un groupe de 14 garçons et filles, pour la plupart rencontrés au centre. On mendiait pour pouvoir manger. Ou alors, on prenait l’argent récolté et on allait dans les maisons de jeux en espérant gagner plus... Nous dormions dans les gares, au Jardin de la compagnie ou à Marie-Reine-de-la-Paix. »

En errant dans des quartiers malfamés, Jimmy découvre le monde de la prostitution et de la drogue. « Erezman mo pann tom dan sa bann piez la », lance-t-il avec soulagement. C’est grâce à l’accompagnent et au soutien d’Hedley Maurer, alors éducateur de rue, qu’il parvient à s’en sortir. 

En 2005, après trois années de débauche et un passage en prison pour vol, Jimmy rencontre celle qui deviendra sa femme et la mère de ses quatre filles. Aujourd’hui, en digne père de famille responsable, il multiplie les petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. Son rêve : décrocher un emploi permanent et pouvoir offrir aux siens une maison décente. Sa priorité, il l’accorde à l’éducation de ses enfants, car, dit-il, c’est la clé d’un avenir meilleur…


Françoise Labelle : «Qu’est-ce qui est fait pour ramener ces enfants à l’école ?»

La situation des enfants des rues est un des premiers dossiers pris en main par Françoise Labelle en tant que députée dans les années 2000. « Il s’agissait alors d’enfants dormant à la belle étoile au pied de Marie-Reine-de-la-Paix ou encore dans des bâtiments en ruines. C’est de notre démarche en faveur de ces enfants que sont arrivés les éducateurs de rue et par la suite, l’association SAFIRE », souligne la militante de la cause éducative.

Malheureusement, déplore-t-elle, chaque changement de gouvernement à Maurice entraîne des mofifications de politique. « Et très souvent, tout est à refaire », regrette Françoise Labelle.  Aujourd’hui encore, la situation reste alarmante.

« Alors que nous vivons dans un pays où l’éducation est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, des centaines de jeunes de moins de 16 ans traînent dans les rues pendant les heures de classe. Le plus triste, c’est qu’il y a des enfants de huit, neuf voire dix ans, qui ne vont plus à l’école. Comment l’expliquer ? Les autorités font-elles un suivi ? Qu’est-ce qui est fait pour ramener ces enfants à l’école ? » se demande la politicienne.

Elle fait aussi état du cas d’un enfant de huit ans renvoyé de l’école pour des troubles du comportement, de l’hyperactivité et du rejet de l’autorité. L’école recommande qu’il soit placé dans une institution spécialisée. Sauf que l’enfant, qui ne souffre d’aucun handicap physique, n’y est pas accepté. Il se retrouve donc non scolarisé. « Si l’on dit que l’éducation est obligatoire, il faut mettre en place les ressources nécessaires pour prendre en charge toutes les catégories d’enfants. Nos enseignants n’ont pas la capacité de gérer un enfant avec de tels problèmes et il leur faut une autre option », insiste Françoise Labelle.

Faute de quoi, ils se retrouveront au Rehabilitation Youth Centre (RYC). Loin d’être une solution, la prise en charge de l’enfant par le centre correctionnel aggrave davantage sa situation. « Certes, les parents ont une grande part de responsabilité dans cette situation. Mais au lieu d’aider et d’encadrer la maman – probablement  en difficulté –  pour qu’elle puisse s’occuper de son enfant, on envoie celui-ci au RYC où jusqu’à présent, la réhabilitation n’a jamais existé. Le pire, c’est que l’enfant, présentant des troubles comportementaux, est dopé avec des  médicaments dès qu’il arrive au centre », précise Françoise Labelle.


SAFIRE, porte-voix des vulnérables

Son objectif : faire entendre la voix des enfants dits « marginalisés ». SAFIRE prévoit, cette année, deux activités pour marquer cette Journée internationale. Les enfants traversant des situations difficiles sont invités à venir s’exprimer, ce mercredi 12 avril à Rose-Hill, à travers des fresques murales autour du thème This is our Time. Le samedi 15 avril, au Caudan Waterfront, une vingtaine des protégés de SAFIRE se joindront au mouvement Maurice Dime pour une autre séance de fresques murales.

 

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