
La réduction du tarif douanier américain à 15 %, contre un taux initialement envisagé de 40 %, pour les produits mauriciens ouvrira la voie à des discussions bilatérales en vue d’un accord de libre-échange entre Maurice et les États-Unis.
Une nouvelle phase s’ouvre dans les relations commerciales entre Maurice et les États-Unis. À la suite de la révision du Harmonized Tariff Schedule of the United States (HTSUS), les exportations mauriciennes vers le marché américain seront désormais soumises à un taux d’imposition révisé de 15 %. Cette décision, qui entre en vigueur sept jours après la publication de l’arrêté concerné, vient clore plusieurs mois d’incertitude pour les opérateurs économiques locaux.
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Cette réduction de tarif, qui remplace un taux initialement envisagé de 40 %, est le résultat d’échanges diplomatiques intensifs menés entre les autorités mauriciennes et leurs homologues américains. Toutefois, loin de considérer cette évolution comme un aboutissement, Port-Louis l’interprète comme une étape dans une démarche plus large : celle de la négociation d’un accord de libre-échange (Free Trade Agreement - FTA) avec les États-Unis.
Stratégie concertée entre institutions
Le ministre des Affaires étrangères, Ritesh Ramphul, s’est félicité de cette réduction, qu’il estime cohérente avec le positionnement régional de Maurice. « Nous sommes satisfaits du travail que nous avons accompli, en collaboration avec le secteur privé. Le Premier ministre s’y est personnellement impliqué. Maurice figure parmi les pays africains avec un taux moindre. Cela nous donne un avantage concurrentiel », a-t-il déclaré.
Ritesh Ramphul précise que cette avancée ne met pas un terme aux efforts diplomatiques en cours. « Nous avons signifié notre intérêt à Washington pour un accord de libre-échange. Le bureau du Représentant américain au Commerce (USTR) s’est montré ouvert à cette perspective », fait-il comprendre. Il évoque d’autres dimensions de la coopération bilatérale, notamment les questions de sécurité maritime dans l’océan Indien, un axe stratégique pour Washington.
Dialogue économique et diplomatie ciblée
De son côté, Aadil Ameer Meea, ministre de l’Industrie, des PME et des Coopératives, voit dans cette évolution le fruit d’un dialogue franc et respectueux. « Ce résultat reflète le leadership du Premier ministre, qui est intervenu personnellement auprès du président des États-Unis, ainsi que le travail soutenu de nos ministères et équipes techniques », avance-t-il.
Présent au 17e Sommet États-Unis–Afrique à Luanda, Aadil Ameer Meea a mené plusieurs entretiens avec des représentants américains, dont Constance Hamilton, représentante adjointe au Commerce pour l’Afrique, et l’ambassadeur Troy Fitrell. « Cette intervention directe a permis de souligner l’engagement de Maurice en faveur de l’ouverture économique et la volonté de préserver son accès aux marchés américains », ajoute-t-il.
Pour le ministre, ce taux de 15 % protège une partie importante du tissu économique local, soit plus de 21 000 emplois, dont 10 000 occupés par des citoyens mauriciens. « Toutefois, notre objectif reste de réduire davantage ce taux à travers un accord commercial global couvrant les biens, les services, les investissements et le numérique », dit-il.
Pour les opérateurs économiques, la baisse du tarif douanier américain est accueillie avec pragmatisme. François de Grivel, industriel, y voit un compromis acceptable. « Nous étions à 10 % durant la période intermédiaire, alors que 40 % étaient envisagés. La réduction à 15 % reste raisonnable dans le contexte international actuel », soutient-il.
Selon lui, la hausse devrait être absorbée par les négociations commerciales entre fournisseurs mauriciens et clients américains. Il prévoit une stabilisation des exportations à court terme. « Ce qui compte, c’est que nous soyons en position compétitive. D’autres pays africains sont également en train de revoir leurs conditions d’exportation », argue François de Grivel.
En ce qui concerne la diversification géographique des exportations, il évoque le potentiel du marché africain, tout en soulignant ses limites en termes de pouvoir d’achat. « L’Afrique du Sud est un marché important, mais il faut continuer à travailler avec les États-Unis et l’Europe pour sécuriser l’avenir de nos industries », dit-il.
Le rôle des institutions sectorielles
La Mauritius Export Association (MEXA) a joué un rôle actif dans la concertation avec les autorités. Sa directrice, Lilowtee Rajmun-Jooseery, insiste sur la nécessité de maintenir la compétitivité mauricienne. « Cette réduction est une avancée. Mais il faut poursuivre les efforts pour réduire encore ce taux, afin de rester concurrentiels », martèle-t-elle.
Elle attire l’attention sur un autre levier important, à savoir le renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act, un dispositif commercial américain permettant un accès préférentiel aux marchés des États-Unis pour certains pays africains. « Ce renouvellement est indispensable. Il faudra s’appuyer sur une mobilisation diplomatique accrue à Washington, notamment par le biais de l’Union africaine », insiste-t-elle.
Malgré une révision favorable du tarif, les observateurs restent prudents. Le volume des exportations mauriciennes vers les États-Unis dépendra largement de la réaction des importateurs américains face à ce nouveau taux. Une hausse même modérée du coût à l’importation pourrait influencer les décisions d’achat dans un contexte où les chaînes d’approvisionnement mondiales sont encore fragiles. Maurice devra donc ajuster sa stratégie commerciale en parallèle des négociations avec Washington.
Une mesure douanière à effet immédiat
Selon l’ordonnance publiée par les autorités douanières américaines, la modification du tarif s’appliquera à toutes les marchandises mises à la consommation ou retirées d’un entrepôt pour être consommées à compter de 00h01, heure avancée de l’Est, sept jours après la publication de l’arrêté. Des exceptions sont toutefois prévues : les marchandises déjà en transit avant cette date, et consommées avant le 5 octobre 2025, ne seront pas soumises à ce nouveau taux, mais resteront régies par les droits antérieurs imposés sous le décret 14257.

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