
La dette publique est estimée à 88,4 % du PIB en juin 2025, soit un peu moins que les 90 % initialement projetés. Si ce léger recul peut sembler encourageant, Sanjay Goolab, Managing Director – Securities and Execution Desk chez AXYS, invite à relativiser. Cette amélioration pourrait résulter d’une meilleure performance économique ou d’un PIB nominal plus élevé que prévu. Mais selon lui, il s’agit surtout d’un ajustement technique, sans rupture de tendance. Le niveau d’endettement reste préoccupant et nécessite des réformes durables et une discipline budgétaire soutenue.
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Quelle est votre analyse des dernières données du ministère des Finances sur la dette publique ?
Selon les dernières données publiées par le ministère des Finances dans le Budget 2025/2026, la dette publique de Maurice atteint un niveau préoccupant. Le ministre des Finances indique que la dette du secteur public s’élève à Rs 642 milliards, ce qui représente environ 90 % du produit intérieur brut. Ce niveau élevé de dette est qualifié d’insoutenable par le ministre, d’autant plus que le service de la dette absorbe à lui seul Rs 21,8 milliards du budget annuel, des ressources qui auraient pu être investies dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé ou la sécurité sociale. Face à cette situation, le gouvernement a annoncé une stratégie de consolidation budgétaire sur trois ans, visant à ramener la dette, le déficit budgétaire et les besoins d’emprunt à des niveaux plus viables. Cette stratégie est accompagnée de mesures pour stimuler l’investissement, protéger les plus vulnérables et maintenir une croissance économique inclusive.
Les prévisions tablaient sur un niveau de dette atteignant 90 % du PIB en juin 2025, mais les chiffres provisoires indiquent 88,4 %. Comment interprétez-vous cet écart ? Est-ce un signe de maîtrise ou simplement un ajustement technique ?
Le chiffre provisoire de 88,4 % du PIB au lieu des 90 % initialement prévus peut être interprété comme un ajustement modérément positif, mais il convient de nuancer cette lecture.
D’un côté, cet écart indique un léger progrès dans la gestion de la dette, qui pourrait refléter une meilleure performance économique au quatrième trimestre de l’exercice ou une maîtrise des dépenses publiques. Cela peut également résulter d’une croissance du PIB nominal plus forte que prévu, qui mécaniquement réduit le ratio dette/PIB.
Cependant, cet écart de 1,6 point de pourcentage reste relativement faible et ne constitue pas un renversement de tendance. Il pourrait donc s’agir avant tout d’un ajustement technique, lié à des effets ponctuels de calendrier budgétaire ou de revalorisation du PIB.
En somme, si cette baisse provisoire est encourageante, elle ne doit pas occulter le fait que la dette publique reste très élevée. Une amélioration durable nécessitera des réformes structurelles, une discipline budgétaire soutenue et une croissance économique robuste à moyen terme.
Entre décembre 2024 et juin 2025, la dette publique est passée de Rs 608,25 milliards à Rs 634,73 milliards. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs expliquant cette progression ?
Entre décembre 2024 et juin 2025, la dette publique est passée de Rs 608,25 milliards à Rs 634,73 milliards, représentant une augmentation de Rs 26,48 milliards. Sur la même période, le ratio dette/PIB est passé de 87,4 % à 88,4 %. Cette évolution résulte principalement de la nécessité pour l’État de mobiliser des financements en vue de poursuivre l’exécution de projets d’investissement déjà engagés. Plusieurs programmes structurants dans les domaines des infrastructures routières, de l’eau, de l’énergie ou encore du logement sont actuellement en phase active, et impliquent des décaissements importants étalés sur plusieurs trimestres.
À cela s’ajoutent possiblement des ajustements temporaires de trésorerie, notamment pour répondre à des besoins de fonctionnement ponctuels - salaires, subventions, dépenses sociales, ainsi que des effets de change sur la valorisation de la dette extérieure, qui peuvent faire évoluer le montant exprimé en roupies même en l’absence de nouveaux emprunts.
Dans l’ensemble, la progression observée du stock de dette s’inscrit dans le cadre des prévisions financières de l’exercice, et souligne surtout l’importance d’un pilotage rigoureux des finances publiques pour accompagner les priorités économiques tout en assurant la soutenabilité de la dette à moyen terme.
Dans le dernier Budget, le gouvernement s’est engagé à ramener la dette publique à 75 % du PIB d’ici la fin de son mandat, avec un objectif à long terme de 60 %. Est-ce réalisable au vu des tendances actuelles ?
L’objectif du gouvernement de ramener la dette publique à 75 % du PIB d’ici la fin de son mandat soit en 2029 et à 60 % à plus long terme est ambitieux, mais pas hors de portée, à condition que plusieurs conditions soient réunies.
D’abord, la tendance actuelle montre une stabilisation progressive du ratio dette/PIB. En juin 2025, ce ratio est estimé à 88,4 %, légèrement en dessous des prévisions initiales de 90 %. Cela peut s’expliquer par une reprise de l’activité économique, une gestion plus disciplinée des finances publiques, ou encore un effet de base lié à la croissance du PIB nominal.
Cependant, atteindre 75 % d’ici 2029 nécessitera :
Un rythme de croissance économique soutenu, supérieur à celui du service de la dette. Une croissance annuelle réelle de 4 à 5 % combinée à une inflation maîtrisée pourrait favoriser une réduction progressive du ratio dette/PIB.
Une consolidation budgétaire continue, avec une maîtrise des dépenses récurrentes, une amélioration de l’efficience de la dépense publique et une politique fiscale cohérente.
Une capacité à mobiliser des investissements privés, notamment dans les infrastructures, pour limiter le recours à l’endettement public.
Une gestion active de la dette, y compris un rééquilibrage entre dette extérieure et intérieure, et un lissage des échéances.
Quant à l’objectif de 60 % à long terme, il s’agit d’un seuil de référence internationalement reconnu, mais qui implique des réformes structurelles profondes sur le long terme notamment l’efficacité de l’administration publique, des retraites, des subventions, des entreprises publiques, etc.
En résumé, les objectifs sont réalisables, mais dépendront de la volonté politique, de la discipline budgétaire, et d’une croissance robuste et inclusive. Sans cela, la trajectoire de désendettement pourrait s’avérer plus lente que prévu.
La prudence reste donc de mise…
En effet ! Les chiffres publiés par le ministère des Finances confirment que la dette publique reste élevée, avec un ratio de 88,4 % du PIB en juin 2025, en léger recul par rapport aux prévisions initiales. Si cet écart peut être interprété comme un signe de prudence ou d’ajustement technique, il ne remet pas en cause la tendance structurelle : l’État continue de recourir à l’endettement pour financer des projets d’investissement en cours, dans un contexte où la croissance reste indispensable.
Le gouvernement affiche une volonté claire de réduire progressivement la dette à 75 % du PIB d’ici la fin du mandat, puis à 60 % à plus long terme. Ces objectifs sont ambitieux mais envisageables, à condition que la croissance économique soit soutenue, que les dépenses publiques soient maîtrisées, et que les investissements produisent les rendements attendus.
Mais au-delà des équilibres macroéconomiques, la réussite de ce Budget dépendra de la qualité de sa mise en œuvre. Ce n’est pas seulement une question de chiffres, mais de volonté politique et de transformation institutionnelle. Pour générer un véritable impact, il faudra s’assurer que les projets annoncés ne restent pas au stade des intentions ou des appels d’offres sans suite.
Cela implique notamment de :
Renforcer la méritocratie dans l’administration publique et dans les institutions
Favoriser l’inclusivité, en garantissant un accès équitable aux opportunités économiques et sociales
Lutter contre la fuite des cerveaux, en créant un environnement local où les talents peuvent s’épanouir, innover et construire leur avenir
Et surtout, reconstruire la confiance, entre les citoyens, les entreprises et l’État, autour d’un objectif commun de prospérité partagée.
En somme, c’est moins la trajectoire financière que la capacité de l’État à traduire sa vision en résultats concrets et équitables qui déterminera le succès de ce Budget. Une stratégie bien pensée, mais qui devra faire ses preuves dans l’exécution.

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