Interview

Jaganaden Rungadoo: «Les détenus sont de vrais MacGyver»

Le commissaire des prisons suppléant n’a évité aucune question, même les plus délicates. Il promet d’être intransigeant face à tout écart de conduite de la part des détenus comme des garde-chiourmes. Il indique aussi qu’il va poursuivre le travail initié par son prédécesseur, Jean Bruneau, au niveau de la réhabilitation et la réinsertion.
Vous êtes à la tête du milieu carcéral depuis deux mois. Quel est votre style ? Je prône la discipline. Cependant, les prisons à Maurice sont très éloignées des clichés que l’on peut voir à l’écran. Je tiens aussi à perpétuer le travail abattu par l’ancien commissaire des prisons Jean Bruneau concernant la réhabilitation et la réinsertion des détenus. Quels sont les grands défis auxquels vous êtes confrontés ? La lutte contre la drogue demeure l’une de nos priorités. En tant qu’institution réformatrice, il est de notre devoir de réhabiliter le détenu afin qu’il ne rechute pas. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’activités, comme la lecture et les travaux manuels, sont proposées aux détenus afin qu’ils arrivent à s’inspirer des véritables valeurs. Les familles doivent également aider à la réinsertion des détenus afin que ceux-ci puissent refaire leur vie après la prison. Elles peuvent compter sur des officiers du département Welfare, ainsi que des ONG, qui viennent à leur rencontre pour leur proposer des solutions et leur offrir le meilleur encadrement possible. Les détenus, pour leur part, obtiennent un autre encadrement à la prison. Nous venons aussi de lancer un programme consistant à développer une proximité professionnelle entre détenus et officiers des prisons.
[blockquote]« La lutte contre la drogue demeure l’une de nos priorités. En tant qu’institution réformatrice, il est de notre devoir de réhabiliter le détenu afin qu’il ne rechute pas »[/blockquote]
Cette « proximité professionnelle » ne va-t-elle pas favoriser l’entrée d’objets interdits à la prison ?     Il est hors de question de favoriser les brebis galeuses à la prison. D’ailleurs, notre cellule de renseignement est constamment sur le qui-vive. Cette proximité a uniquement pour but d’aider le détenu à se sentir bien dans sa peau. D’ailleurs, ils seront dorénavant appelés par leur nom et non par leur matricule. Quelle est la situation au sein de nos diverses prisons ? Nos prisons se portent bien, à l’exception d’un problème de forte chaleur, lié à un manque d’aération, à l’Eastern High Security Prison de Melrose. Ce problème a d’ailleurs été temporairement résolu avec l’installation d’une dizaine de ventilateurs. La prison de Melrose accueille 613 détenus, alors que celle de Beau-Bassin a 716 pensionnaires. La prison de Petit-Verger a 171 « résidents », un nombre qui permet d’avoir les Standard minimum rules for the treatment of prisonners. Il s’agit d’une convention dont le pays est signataire depuis une vingtaine d’années, mais qui n’a pu être appliquée en raison du surpeuplement de nos prisons. Parlez-nous de ce drone qui a été aperçu à proximité de la prison centrale en début du mois ? C’était un samedi aux alentours de 23 h 20. Un objet volant, semblable à un drone, a été aperçu dans le ciel, à proximité de la prison centrale. Les éléments de la Correctional and Emergency Response Team (CERT) ont immédiatement alerté l’état major de la prison et la police. Le cas a d’ailleurs été rapporté aux autorités concernées pour enquête. La présence de ce drone nous a quelque peu secoués, car c’est la première fois qu’un tel appareil est détecté dans les parages de la prison centrale. Est-ce la nouvelle mode pour introduire des objets illicites à la prison ? Peut-être, mais les instructions sont claires. De jour comme de nuit, notre vigilance est maximale. L’enquête initiée par la police devra déterminer l’origine de l’appareil et les raisons de sa présence dans les parages. Quid de l’affaire des faratas cuisinés à l’intérieur de la prison ? Cela s’est produit au courant de la semaine dans l’enceinte de la prison de Melrose. Un détenu s’est approprié un peu de farine à la cuisine de la prison et, à l’aide de quelques morceaux de papier, il a allumé un feu et cuisiné des faratas en utilisant une assiette en aluminium. Le détenu en question a aussitôt été mis under report. Le responsable de la cuisine de la prison doit également s’expliquer sur les circonstances dans lesquelles le détenu a obtenu de la farine. Y aura-t-il des sanctions ? Certainement. Des sanctions seront prises à l’encontre du détenu, mais aussi de l’officier responsable de la cuisine de la prison. Nous ne tolérerons aucun écart de conduite. D’ailleurs, des sanctions, il y en a tous les jours. Il faut aussi concéder que les détenus sont rusés, ce sont de vrais MacGyver. Ils arrivent toujours à déjouer les plans des officiers. En prison, un détenu fait tout pour s’occuper l’esprit et les mains. Des fois, ils font preuve d’une créativité incroyable. Qu’en est-il de la lutte contre le VIH/Sida en milieu pénitentiaire ? Les relations sexuelles entre détenus constituent le mode de transmission le plus courant du VIH/Sida à la prison. L’échange de seringue en est la deuxième cause. Nous prodiguons des conseils et multiplions les campagnes de sensibilisation. Malheureusement, les détenus ne nous écoutent pas forcément. Quelques mots sur les conditions de détention des présumés pirates somaliens ? Le comportement des Somaliens est irréprochable. Ils sont d’ailleurs initiés aux travaux manuels à la prison, plus précisément à la couture. Ils sont promis à un bel avenir en Somalie s’ils poursuivent sur cette lancée. Comme quoi la prison peut transformer des pirates en d’honnêtes travailleurs !
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