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Inondations : l’épierrage des champs la cause de leurs malheurs

L’eau boueuse a causé beaucoup de dégâts à Cottage. L’eau boueuse a causé beaucoup de dégâts à Cottage.

Si on a parlé de construction sauvage ou d’excès de bétonnage dans le passé, une nouvelle cause est identifiée après les récentes inondations : l’épierrage des champs de canne. Les machines qui remettent les terrains à niveau détruiraient les canaux naturels d’évacuation d’eau, affirment les habitants et planteurs des régions touchées.

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Les habitants de certaines régions affirment que le phénomène d’accumulation d’eau a empiré avec les opérations d’épierrage des champs de canne. Si certains estiment l’explication peu plausible, d’autres affirment que lors de l’opération d’épierrage, les canaux naturels d’évacuation d’eau dans les champs sont détruits.

« C’est la troisième fois que Cottage vit un tel désastre. Ce qui surprend, c’est la pression avec laquelle l’eau descend », dit Dinesh Kumar Hurreeram, chargé de cours à l’Université de Maurice et ancien habitant de la localité. Il soutient que les murs cèdent sous la pression de l’eau. « Mon frère vit encore là, l’eau a renversé une table en béton. Je n’ai pas l’impression que c’est une chose naturelle. Tout est inondé en l’espace de cinq minutes. Il doit y avoir un élément déclencheur en amont. »

Nouveaux morcellements : les inspections font défaut

Cet élément n’est pas l’épierrage, estime Claude Wong So, président de la Road Development Authority (RDA). « C’est la pente du terrain qui détermine le trajet de l’eau », assure-t-il. L’eau emprunte la pente la plus raide, qu’un terrain ait été épierré ou pas, précise le président de la RDA. Toutefois, il avoue que lors des inondations du 10 décembre, il était sur le terrain pour inspecter la route Mapou/Piton, nouvellement refaite. Ce qu’il a vu était « impressionnant ». « J’étais sur la route de Mapou que nous venons de refaire vers 16 heures, raconte-t-il. L’eau venait avec un volume extraordinaire de Piton vers la route, mais également de la pente qui longe la route de Piton à Mapou. Cela déferlait des deux côtés. » Le président de la RDA estime que ce les 144 millimètres de pluie en quelques heures expliquent ce phénomène.

Nem Sewraz, ancien président de la Mauritius Cooperative Agricultural Federation (MCAF) et habitant St-Julien d’Hotman, a une autre explication.

« Dans la région de Quartier-Militaire, quand les compagnies sucrières ont épierré les champs, elles ont enfoui tous les canaux et les pierres empilées en pyramide, explique-t-il. Il n’y a plus de pierre en surface et quand il pleut, l’eau emporte tout. Quand il pleut à Quartier-Militaire, nous avons des problèmes à St-Julien d’Hotman. »

Drains à compléter

Ce petit planteur cite également l’exemple de Gokhoola qui souffrirait du même problème. « Les anciens canaux n’existent plus. Il faut que les établissements sucriers construisent des drains ou des canaux autour de leurs champs pour mieux canaliser l’eau.»

Autre élément rapporté par Dinesh Kumar Hurreeram : la construction d’un drain à Mapou qui n’a pas été complétée. « On attend toujours la finalisation de ce drain. Entre-temps, l’eau a changé de trajet comparé à la dernière inondation qui remonte à 2013. » À l’époque, l’eau s’était déversée sur la route avant de se diriger vers les maisons. Cette fois, elle a emprunté une trajectoire différente de 10 mètres pour aller directement sur les maisons. Le chargé de cours se demande même si la réhabilitation de la route Mapou/Piton, il y a quelques mois, n’y est pas pour quelque chose.

Pour Claude Wong So, il n’y a pas de réponse simple à ces problèmes d’inondations éclairs. « C’est le travail de la Land Drainage Authority de faire un constat de tous les endroits sujets à ce genre de sinistre. Il faut diriger l’eau ailleurs, mais ce n’est pas aussi facile. »

Le président de la RDA affirme que ce n’est pas une tâche que la RDA peut accomplir toute seule.

« Il faut se concerter avec la Land Drainage Authority et les collectivités locales pour trouver une solution une fois pour toutes », déclare-t-il.


Nouveaux morcellements : les inspections font défaut

Les nouveaux morcellements sont parfois construits dans des régions en forme de « bassin ». À Cottage, un nouveau morcellement a été inondé. Sont-ils tous dotés d’un système de drains approprié ? « C’est régi par la Morcellement Act, explique Claude Wong So. Tout promoteur d’un morcellement, qui comprend de nouvelles routes, doit prévoir un système d’évacuation des eaux. » C’est l’ingénieur qui doit s’en charger. C’est la responsabilité de cet ingénieur de s’assurer que les plans soumis au Morcellement Board soient respectés. Mais qui vérifie que le drains ont bien été construits ? « Pour le certificat de construction, les collectivités locales doivent faire des visites surprise, explique Claude Wong So. Elles le font, mais ce n’est pas quelque chose de statutaire. Il faudrait sans doute avoir plus de vérifications systématiques. »


Les habitants traumatisés

Ces inondations resteront gravées dans la mémoire des habitants de Cottage. Traumatisés, ils souhaitent que des mesures concrètes soient prises. « C’est difficile de dormir. Ces images me hantent », « J’ai peur de revivre le même cauchemar en cas de pluie », « Mo lespri pa an plas ». Ces propos des habitants de Cottage témoignent du traumatisme qu’ils vivent depuis le lundi 10 décembre 2018. Quelques jours après ce sinistre, ils peinent à se remettre de leurs émotions. Dans leurs propos, désespoir et colère se mêlent. « Mes enfants ont pleuré quand j’ai dû jeter leurs jouets abîmés par la boue », dit un père au bord des larmes. Pour lui, « au lieu de lancer le projet Metro Express, il y a des mesures plus urgentes à prendre ».

Une vieille dame, elle, se lamente elle d’avoir du mal à fermer l’œil la nuit. « Quand je ferme les yeux, je revois l’eau qui envahit ma maison ». Pour elle, les souvenirs de ses enfants ont été emportés par les eaux et « aucune compensation ne pourra les remplacer ».

« La maison n’est pas habitable pour le moment. En notre absence, nous avons constaté des cas de vol », explique Roukesh. Son épouse dit compter sur le soutien des membres de la famille pour essayer de remonter la pente. « Mais ce n’est pas facile pour surmonter une telle situation. Nous avons dîu tout jeter. C’était des choses que nous avons acquises à force de sacrifices ».

Aucun soutien psychologique

« Il n’y a pas de cellule pour l’encadrement psychologique des personnes à la suite d’une catastrophe naturelle. Cela aurait été une bonne chose d’en avoir une ». C’est ce qu’a expliqué le Commissaire à la Sécurité sociale, Raffick Seegoolam. Il précise qu’il y a des travailleurs sociaux pour accompagner les sinistrés, mais qu’ils n’offrent pas d’aide psychologique particulière.

Une source au National Disaster Risk Reduction and Management Centre (NDRRMC), nous dira que les choses se mettent en place dans ce sens. Des sessions de travail ont eu lieu en septembre pour la formation des premiers intervenants en cas de catastrophes naturelles. L’atelier de travail a bénéficié de la collaboration de l’Ambassade des États Unis et du Defence Institute for Medical Operations. Le psychologue clinicien Nicolas Soopramanien se réjouit de la démarche du NDRRMC pour la formation des premiers intervenants, mais déplore l’absence d’une cellule de soutien psychologique. Selon lui, les choses évoluent dans la bonne direction. Ce genre de cellules, dit-il, peut aider les victimes.

 

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