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Hôpitaux : le manque criant de personnel ravive les tensions

Le manque de personnel inquiète les responsables du service de santé.

Face à une pénurie chronique de médecins et d’infirmiers, le secteur de santé public peine à fonctionner correctement. Syndicats et médecins réclament un recrutement urgent, dénonçant des conditions de travail décourageantes, le recours limité aux étrangers et les critiques publiques du ministre Anil Bachoo.

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Ala suite des propos du ministre de la Santé, Anil Bachoo, à l’issue de sa visite « surprise » au SAJ Hospital, la polémique ne désenfle pas. Les déclarations s’enchaînent et une action syndicale est même évoquée par certains, tant la colère est grande parmi les membres du personnel. Pour eux, les problèmes ne vont pas se résoudre d’eux-mêmes et ils ne peuvent être tenus pour responsables de toutes les carences, alors que sous le précédent gouvernement les choses n’ont pas été faites comme il fallait.

Afin de pallier le manque de personnel dans le service de santé, les autorités n’ont d’autre choix que de recruter rapidement, tous grades confondus. Mais entre l’embauche de Mauriciens et celle d’étrangers, les avis divergent. « Il faut davantage de recrutement », lance le Dr Rajivsing Dawonath, vice-président de la Government Medical Consultant in Charge Association (GMCiCA). Comme l’ont maintes fois souligné les syndicats, la pénurie dure depuis des années et touche aussi bien les médecins généralistes et spécialistes que les infirmiers.

Spécialiste en gynécologie, le Dr Dawonath affirme que ce secteur est particulièrement affecté depuis l’instauration du système 24/7 en 2022, qui impose aux gynécologues, pédiatres et anesthésistes d’être de garde à l’hôpital, et non plus « on call ». Cette mesure aurait conduit au départ de nombreux spécialistes vers le privé. « Depuis 2022, dix gynécologues se sont retirés du service public et ceux qui restent se retrouvent avec un surplus de travail », dit-il. Et là il ne s’agit que d’un seul établissement hospitalier. 

Selon lui, un médecin doit désormais accomplir le travail de deux à trois personnes. Dans son département, il ne reste plus que sept médecins généralistes contre 14 il y a trois ans. « Le personnel est fatigué, mais fait de son mieux pour que le système puisse continuer », ajoute le Dr Dawonath.

Vie sociale et familiale

Même si les heures supplémentaires sont rémunérées, elles ne suffisent pas à retenir les professionnels. « Ils ne veulent pas forcément gagner plus d’argent, mais avoir du temps pour une vie sociale et familiale », souligne le vice-président de la GMCiCA. Pour lui, les salaires et conditions actuelles découragent même les jeunes attirés par la médecine.

Alors que le ministère envisage de recruter des médecins étrangers, le Dr Dawonath met en garde contre les barrières linguistiques et culturelles. 

« Cela peut dépanner un temps, mais le contact avec le public pose problème », estime-t-il, rappelant que de telles expériences passées n’ont pas été concluantes. Du reste, les salaires offerts à Maurice ne sont pas suffisamment attractifs pour séduire des praticiens étrangers.

Un avis partagé par le Dr Wassim Ballam, de la Public Health Doctors Union (PHDU). Selon lui, il y a bien des jeunes motivés, mais l’ouverture de nouvelles cliniques privées accentue la fuite du personnel. « Des médecins existent sur le marché, mais ils refusent de travailler dans le public avec les conditions actuelles », affirme-t-il. 

Le Dr Dawonath insiste : ceux qui quittent le service public pour le privé ou l’étranger ne reviennent pas. Des mesures incitatives sont nécessaires pour les retenir ou les faire revenir.

Autre sujet de discorde : la Special Monitoring Team (SMT). Pour le Dr Dawonath, sa présence est « contreproductive ». Selon lui, la visite de ces équipes suscite « amertume et démotivation », alors qu’une hiérarchie hospitalière existe déjà pour assurer le bon fonctionnement. « Je ne crois pas qu’une SMT va forcément améliorer la situation. » Il rappelle aussi que les retards de paiement des heures supplémentaires découragent davantage les médecins, surtout si cela s’ajoute à une « surveillance » accrue et à la colère des patients.

Un cadre administratif d’hôpital abonde dans le même sens. Selon lui, l’absence de recrutement résulte d’un manque de prévoyance. Il cite l’exemple du National Cancer Centre, où la formation et l’embauche de spécialistes auraient dû être anticipées dès la construction. « On ne peut moderniser le système sans recruter », déplore-t-il, soulignant que la surcharge de travail pèse sur la qualité des services.

Ce cadre s’insurge aussi contre les critiques publiques du ministre de la Santé sur Facebook, perçues comme « une humiliation ». « Un parent responsable ne réprimande pas son enfant en public », est-il d’avis. Selon lui, ces critiques « ont blessé » le personnel hospitalier : « Il y a d’autres moyens de ramener à l’ordre ceux qui ne font pas leur travail. »

Le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), partage cette inquiétude : comment garantir la qualité des soins sans la quantité de personnel requise ? Avec cette polémique, certains membres du personnel craignent même pour leur sécurité, en raison des réactions suscitées. Tous lancent un même appel : recruter au plus vite pour soulager un système déjà à bout de souffle.

 

 

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