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Gestion financière défaillante - Projets d’infrastructures : ces variations coûteuses indéboulonnables

La construction du SAJ Bridge a nécessité Rs 155 millions supplémentaires.

Malgré les engagements annoncés par le ministère des Infrastructures nationales et la Road Development Authority visant à minimiser les variations financières sur les projets, il est manifeste que ce problème reste profondément ancré dans ces initiatives.

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Les examens effectués par le Bureau national de l’Audit ont révélé des variations de plusieurs centaines de millions de roupies sur différentes réalisations et projets. Par exemple, l’accord conclu depuis 2016 entre le gouvernement mauricien et la Korean Expressway Corporation, dans le cadre du Programme de décongestion routière, pour la construction de jonctions séparées à Pont Fer/Jumbo/Dowlut et à Link Road A1-M1, stipulait initialement qu’aucune variation ne serait demandée au gouvernement mauricien. Cependant, la Road Development Authority (RDA) a fini par verser des coûts supplémentaires de Rs 106,56 millions, ne respectant pas cet engagement initial.

De même, l’adoption d’une nouvelle conception pour le pont A1-M1 (Section 2) en raison de l’instabilité constatée dans la falaise de Grande-Rivière Nord-Ouest (GRNO) a entraîné des coûts supplémentaires de Rs 155 millions. Contredisant ainsi la politique initiale d’absence de dépassement de coût et de délai.

Concernant les jonctions à niveau séparé à Pont Fer/Jumbo/Dowlut et à Link Road A1-M1, les coûts sont passés de Rs 3,5 milliards à Rs 4,1 milliards. Initialement, la RDA avait attribué un contrat à un entrepreneur en situation de coentreprise pour un montant forfaitaire non révisable de Rs 3,55 milliards le 23 février 2018. Cependant, ce montant a été révisé à la hausse, atteignant Rs 4,1 milliards (hors TVA). En octobre 2023, des paiements totalisant Rs 3,8 milliards (hors TVA) ont été versés à l’entrepreneur, représentant ainsi 92 % du prix total du contrat révisé.

Cette situation soulève des inquiétudes quant à la gestion des projets d’infrastructures publiques à Maurice, mettant en évidence la nécessité d’une surveillance plus rigoureuse et d’une gestion plus stricte des coûts pour éviter les dépassements financiers et les retards.

Drains et inondations : l’échec des priorités 

Alors que les menaces du dérèglement climatique se font de plus en plus pressantes et que les rapports environnementaux prévoient des scénarios de catastrophes naturelles encore plus graves pour Maurice, l’importance de la construction de drains et de la priorisation des zones les plus exposées aux inondations ne cesse de croître. Malgré les assurances du ministre des Infrastructures nationales, Bobby Hurreeram, selon lesquelles tous les efforts sont déployés pour aborder durablement le problème, le rapport de l’Audit vient confirmer les critiques généralement formulées à l’encontre de la politique des drains à Maurice, soulignant son inefficacité.

Pour l’exercice financier 2022-2023, des fonds totalisant Rs 2 979 milliards ont été budgétisés sous différents postes, mais seules des dépenses réelles de Rs 1 388 milliards ont été constatées. Sur les 968 projets de drains prévus, seuls 34 étaient en cours, soit 4 % du total. En sus, seuls 34 contrats de drains, d’une valeur de Rs 457 millions, ont été attribués au cours de cet exercice financier, comparativement à 84 contrats d’une valeur de Rs 1,7 milliard attribués lors de l’exercice précédent, entraînant ainsi d’importants fonds non dépensés et plusieurs projets non réalisés.

Le nombre de zones à risque élevé d’inondation a également augmenté, passant de 60 à 72 entre les exercices financiers 2020-21 et 2022-23. Le ministère et la National Development Unit (NDU) semblent également souffrir de problèmes concernant la priorité accordée aux zones les plus à risque. En effet, selon l’Audit, la priorité aurait dû être accordée aux projets dans les zones à haut risque d’inondation où la qualité de vie ou l’environnement peuvent être sérieusement compromis en cas de fortes pluies. Seuls 12 % des projets de drainage dans ces zones ont été achevés au cours des trois derniers exercices financiers.

Par ailleurs, seulement 15 des projets attribués sous l’Emergency Procurement depuis l’exercice financier 2020-2021 ont été achevés par la NDU en octobre 2023. Enfin, le Bureau de l’Audit souligne que 10 projets étaient encore à l’étape de conception, notamment le Ruisseau du Pouce, les travaux de drainage dans la région de Mgr Leen, La Butte et Les Salines, ainsi que le Canal Dayot, entre autres.

Les mesures prises

Malgré les défis persistants posés par les variations financières dans les projets d’infrastructures nationaux, un protocole a été mis en place pour mieux contrôler les réclamations additionnelles adressées aux organismes chargés de superviser la construction et la mise en œuvre de ces projets, notamment la RDA. Cependant, l’efficacité de ces mesures est remise en question à la lumière des critiques sévères émises par le Bureau de l’Audit.

Pour optimiser le processus d’appel d’offres et réduire les variations dans les projets, le conseil d’administration de la RDA a instauré un mécanisme de contrôle assorti de plusieurs mesures. Conformément à ce protocole établi, le comité interne des appels d’offres procède à une évaluation rigoureuse des offres et formule des recommandations au directeur général et/ou au conseil d’administration. En sus, un représentant de la section Finances siège au sein du comité d’évaluation des offres afin d’assurer une gestion financière efficace.

Dans le but de limiter les fluctuations désavantageuses des taux de change, la RDA privilégie généralement l’utilisation de la monnaie locale pour les paiements, notamment pour les fournitures locales, afin de ne pas défavoriser les entrepreneurs locaux. Parallèlement, des pratiques exemplaires en matière de gestion de projet, de planification et de conception sont instituées pour garantir une exécution efficace des projets.

Le protocole établi prévoit également que les négociations sur les variations entre l’entrepreneur et l’ingénieur de projet de la RDA ou de la société de consultation doivent être menées de manière transparente, en conformité avec la législation, les règlements et les directives en vigueur. Les décisions concernant les variations sont prises par un comité de négociation désigné et validé par le directeur général ou le conseil d’administration, comprenant au moins trois membres, dont un représentant du service des Finances. Les résultats de ces négociations sont présentés au conseil d’administration de la RDA après avoir été analysés par le Comité des finances.

Enfin, une surveillance étroite des quantités est exercée pour éviter toute collusion potentielle et dissuader les pratiques frauduleuses, même en ce qui concerne les quantités certifiées et recommandées par le consultant ou l’ingénieur résident.

Fouad Uteene, ingénieur : «Imprévus, mauvaise évaluation et manque de prévoyance»

Selon l’ingénieur Fouad Uteene, les variations sont monnaie courante dans le secteur des infrastructures publiques. « Les variations sont souvent dues à des imprévus lors des travaux d’excavation et de construction souterraine. La conception initiale ne peut toujours anticiper tous les détails, ce qui peut entraîner des ajustements nécessaires pendant l’exécution. C’est pourquoi la plupart des contrats incluent une clause de variation pour faire face à ces situations », explique-t-il. 

Cependant, ces variations sont soumises à des limites, surtout pour les projets de grande envergure atteignant des budgets de l’ordre de Rs 100 millions. « Les problèmes surviennent souvent en raison d’une mauvaise évaluation ou d’un manque de prévoyance dans la planification initiale des travaux », ajoute-t-il.

 

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