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Freedom of Information Act : la loi sur le droit à l’information en suspens depuis 18 ans

Les quatre principaux partis politiques, qui ont composé les gouvernements successifs depuis 1995, se sont tous prononcés à un moment en faveur de l’introduction d’une Freedom of Information Act. Cette semaine, le Premier ministre Pravind Jugnauth a déclaré au Parlement qu’une telle législation n’était « pas à l’agenda pour le moment ».

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Parti travailliste

C'est après les élections générales de 1995, sous le mandat de l'alliance entre le Parti travailliste (PTr) et le Mouvement militant mauricien (MMM), que la loi sur le droit à l'information a été évoquée pour la première fois, rappelle l'historien Jocelyn Chan Low. Cependant, après la rupture de l'alliance en 1997, le projet visant à introduire une Freedom of Information Act a été abandonné. « La rupture avec nos amis du MMM ne nous a pas permis de concrétiser ce projet. Mais il faut savoir que nous avons également eu des discussions sur l'introduction d'une loi sur la responsabilité fiscale », explique Arvin Boolell, actuel député. 

Les membres du PTr ont relancé l'idée d'une loi sur le droit à l'information entre 2005 et 2010. L'Attorney General de l'époque, Après sa victoire aux législatives de 2010, le PTr a fait de nouveaux efforts pour introduire une Freedom of Information Act. 

Le PTr avait sollicité les services de l'avocat Geoffrey Robertson afin qu'il rédige un rapport en vue d’une réforme de la régulation de la presse. Dans ce document, le Britannique a recommandé l'introduction d'une Freedom of Information Act. « J'ai opté pour une loi sur la liberté d’information et un certain nombre de mesures qui renforceront les libertés juridiques des journalistes et des diffuseurs pour rapporter les actualités importantes dans une démocratie, mais j'ai également veillé à ce que le prix de cette liberté - l'exactitude, l'équité, le respect de la vie privée des citoyens - soit encouragé et appliqué », a écrit Me Robertson. Navin Ramgoolam était déjà refroidi quant à l'introduction d'une telle loi. Lors d'une conférence de presse en 2013 pour discuter du rapport de Geoffrey Robertson, il a déclaré : « Je suis conscient qu'il en a parlé dans son rapport. Je dois dire que cela a attiré mon attention. Nous allons nous inspirer des expériences d'autres pays, y compris de l'Angleterre. C'est moi qui ai montré à Geoffrey Robertson la déclaration de Tony Blair, dans laquelle il affirme qu'il ne sait pas qui est l'imbécile qui lui a fait adopter une telle loi. Nous ne voulons pas d'un système qui vienne entraver le fonctionnement de la politique. »

 Mouvement socialiste militant

C'est aux côtés du MMM entre 2000 et 2005 que le Mouvement socialiste militant (MSM) s'est engagé à présenter une loi sur la liberté d'information, mais sans succès. Neuf ans plus tard, lors de la campagne électorale de 2014, le parti soleil a annoncé, dans son manifeste électoral, son intention de mettre en place une telle loi « pour garantir la transparence et permettre la libre circulation des informations ». Cependant, cette promesse est restée lettre morte. Cette semaine à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Pravind Jugnauth a confirmé qu'il n'avait aucune intention de présenter une telle loi (lire hors texte).

Mouvement militant mauricien

Le MMM a fait part de son intention de présenter une loi sur la liberté d'information pour la toute première fois entre 1995 et 1997. Par la suite, le 31 octobre 2000, Paul Bérenger, alors Premier ministre par intérim, a pris un engagement plus formel au Parlement concernant cette loi : « Ce gouvernement croit en la liberté d'information. L'idée principale est de permettre aux membres du public d'avoir un accès facile à l'information qui est dans le domaine public. Un certain nombre de mesures seront prises pour garantir un tel accès. 

Parti mauricien social-démocrate

Étant depuis tout temps été en alliance avec différentes formations politiques, le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) s'est toujours aligné sur la position de ses alliés tels que le MSM et le PTr concernant l'introduction d'une Freedom of Information Act.

La maison de verre suédoise

S’il y a un exemple dans le monde où la liberté d'accès à l'information et la transparence ont été érigées en religion, c’est bien la Suède. Elle est d’ailleurs généralement considérée comme le pays ayant la plus vieille loi sur la liberté d'information au monde. La loi suédoise sur la liberté de la presse, connue sous le nom de ‘Freedom of the Press Act’, a été adoptée en 1766. Cette loi garantit l'accès du public aux informations détenues par les autorités publiques en Suède. 

Son système est aussi connu sous l’appellation « maison de verre », tellement elle est transparente, car pour les Suédois, rien ou presque ne doit être caché de la vue du public et tout doit être accessible à n’importe qui aussi rapidement que possible. Outre l’accès aux documents d’État, aux dépenses et antécédents détaillés des élus, la Suède permet aussi de connaître le salaire et le montant payé aux impôts du commun des mortels à travers un annuaire publié chaque année sous le nom de « Taxeringskalendern ». Celui-ci existe aussi en Finlande. 

Freedom of Information Act : énormément d’avantages… mais pas que

La mise en place Freedom of Information Act (FOIA) comporte à la fois des avantageset des désavantages. Voici les principaux points positifs et négatifs associés à une telle législation :

  • Pourquoi il faut une FOIA

Transparence gouvernementale. La FOIA favorise la transparence en permettant aux citoyens d’accéder aux informations détenues par le gouvernement. Cela permet de rendre compte des activités gouvernementales, de prévenir la corruption et de renforcer la confiance du public dans les institutions.

Responsabilité. En donnant aux citoyens la possibilité d’examiner les documents gouvernementaux, la FOIA renforce la responsabilité des gouvernements en les obligeant à rendre des comptes sur leurs actions et leurs décisions.

Participation citoyenne. La FOIA facilite la participation citoyenne en donnant aux individus et aux groupes la possibilité de se renseigner sur les politiques, les programmes et les décisions gouvernementales, ce qui leur permet de s’impliquer davantage dans le processus démocratique.

Recherche et analyse. L’accès aux informations gouvernementales peut être précieux pour la recherche, l’analyse et la formulation de politiques publiques plus efficaces. Les chercheurs, les journalistes et les organisations de la société civile peuvent utiliser ces informations pour évaluer les politiques en place et proposer des améliorations.

  • Problèmes qui peuvent surgir avec une FOIA

Protection de la vie privée. La divulgation de certaines informations gouvernementales peut compromettre la vie privée des individus. Il peut y avoir des conflits entre le droit du public à l’information et le droit à la vie privée des personnes concernées.

Coûts et ressources. La mise en œuvre de la FOIA peut être coûteuse pour les gouvernements en matière de personnel, de technologie et de temps nécessaire pour traiter les demandes d’information. Cela peut entraîner une charge financière supplémentaire. Cela dépend cependant du modèle adopté. Certains pays sont parvenus à avoir un système très performant à moindre coût. 

Sécurité nationale. Certaines informations sensibles peuvent être limitées pour des raisons de sécurité nationale.

Manipulation et désinformation. Il existe un risque que des acteurs malveillants utilisent la FOIA pour manipuler ou déformer les informations dans le but de désinformer le public. Les gouvernements doivent mettre en place des mécanismes de vérification et de protection contre de telles manipulations.

Mesures qui ont, selon le PM, aidé à consolider la démocratie

  • Citizen Support Portal

Le gouvernement a introduit le Citizen Support Portal (CSP) en tant que plateforme Internet innovante, via l’application mobile Citizen Support Unit (CSU), qui permet à tout citoyen de déposer une plainte, une suggestion ou une demande en ligne, et d’en suivre l’évolution à tout moment. Depuis sa création en avril 2017 et ce jusqu’au 18 mai 2023, le portail a enregistré 268 723 cas, dont 245 897 ont été résolus. Les activités de la CSU offrent aux citoyens la possibilité de rechercher des informations ou de demander de l’aide au sujet des politiques et des programmes gouvernementaux.

  • Electronic Procurement System

L’utilisation obligatoire de l’Electronic Procurement System dans la fonction publique. Le but : moderniser le système d’appel d’offres et renforcer la transparence ainsi que la responsabilité dans le processus.

  • Amendement des Public Procurement Regulations

Les Public Procurement Regulations de 2008 ont été amendées pour exiger des organismes publics la publication, non seulement sur leur site Web mais également sur le portail du Public Procurement Office (PPO), d’une copie du contrat signé, de la lettre d’acceptation et du formulaire de soumission des offres.

  • Accès à la liste des soumissionnaires exclus

L’Independent Review Panel publie sur son site Web la liste des soumissionnaires disqualifiés et exclus, ainsi que les décisions qu’elle a prises. Des informations qui sont accessibles au public.

  • Public Sector Transformation Scheme

Le gouvernement a approuvé la mise en œuvre du Public Sector Transformation Scheme dans le but de moderniser la fonction publique et de fournir un service efficace et performant aux citoyens.

  • Diffusion en direct des travaux parlementaires

Autre mesure-phare pour renforcer la transparence : l’introduction de la diffusion en direct des débats de l’Assemblée nationale à partir de mars 2017.

  • Initiative du GIS

Le Government Information Service (GIS) a pris un certain nombre d’initiatives pour une plus grande transparence ainsi qu’une diffusion plus large et plus efficace de l’information auprès du public.

  • Déclaration des avoirs des élus disponible sur le Web

À la suite de la promulgation de la loi sur la déclaration des avoirs, certaines informations sur celles faites par les membres de l’Assemblée nationale, de l’Assemblée régionale de Rodrigues et des conseillers des collectivités locales sont accessibles au public via le site Web de l’Independent Commission against Corruption.

  • Finance and Audit Act amendée

La Finance and Audit Act a été modifiée afin d’exiger des ministères et départements gouvernementaux qu’ils préparent un rapport annuel sur les performances et de rendre obligatoire l’inclusion, dans ce rapport annuel, d’un plan de mise en œuvre visant à prévenir la récurrence des lacunes signalées par le Directeur de l’Audit.

Lovania Pertab, présidente de Transparency Mauritius : « Il y a eu de timides tentatives pour consolider la démocratie »

« Il y a eu quelques timides tentatives pour consolider la démocratie, mais il est absolument nécessaire d’aller plus loin en adoptant des législations sur le financement des partis politiques, la protection des lanceurs d’alerte et bien sûr la loi sur la liberté d’information. Nous croyons fermement que la Freedom of Information Act est essentielle pour renforcer la démocratie et lutter spécifiquement contre la corruption. Les citoyens doivent comprendre en quoi consiste ce droit à l’information. Chaque citoyen a le droit de demander des explications sur n’importe quelle décision prise par une autorité publique ou parapublique qui le concerne. Par exemple, si quelqu’un demande un permis au niveau local et que sa demande est refusée, il a le droit de demander les raisons de ce refus à l’autorité compétente. Pour que cette législation fonctionne, il est impératif que nous adoptions des méthodes technologiques et informatiques permettant de conserver toutes les informations en vue d’une éventuelle explication. »

Quelques grandes révélations rendues possibles grâce à la Freedom of Information Act

Les lois sur la liberté d'information ont permis de innombrables révélations significatives à travers le monde avec un impact significatif sur la politique, la transparence gouvernementale et les droits de l'homme. Voici quelques exemples notables de grandes révélations rendues possibles grâce à l'application de lois sur la liberté d'information :

  1. L'affaire des dépenses des parlementaires britanniques : Des informations détaillées sur les dépenses des parlementaires britanniques ont été rendues publiques grâce à la FOIA en 2009. Cette affaire a exposé des abus de dépenses et a entraîné des réformes importantes dans la manière dont les parlementaires utilisent les fonds publics.
  2. Les documents de la Commission Vérité et Réconciliation : La FOIA en Afrique du Sud a permis en 1996 la divulgation de documents liés à la Commission Vérité et Réconciliation. Ces documents ont révélé des atrocités commises pendant l'apartheid et ont aidé à la réconciliation nationale et à la recherche de justice.
  3. Les fichiers de la Stasi : Après la chute du mur de Berlin, en Allemagne, la FOIA a été utilisée en 1990 pour accéder aux archives de la police secrète est-allemande, la Stasi. Ces fichiers ont révélé l'étendue de la surveillance et de la répression exercées par le régime est-allemand sur ses citoyens.
  4. L'affaire des cigarettes et des dangers pour la santé : Des documents internes de l'industrie du tabac ont été rendus publics en 1994 grâce à la FOIA, révélant que les grandes entreprises du tabac étaient conscientes depuis des décennies des dangers pour la santé liés à la consommation de cigarettes.
  5. L'affaire du massacre de My Lai : Des photos et des documents relatifs au massacre de My Lai pendant la guerre du Vietnam ont été divulgués grâce à la FOIA americaine en 1969. Ces révélations ont révélé des atrocités commises par les troupes américaines et ont eu un impact significatif sur l'opinion publique et la perception de la guerre.
  6. Les essais nucléaires français en Polynésie : Des informations sur les essais nucléaires menés par la France dans le Pacifique ont été divulguées par la presse grâce à des documents rendus publics par l’État français aux alentours de 2009. Cela a permis de révéler l'ampleur des essais et leurs effets néfastes sur la santé et l'environnement.
  7. Les documents sur le scandale des dépenses de la Chambre des communes : La FOIA canadienne a permis en 2010 de rendre publics des documents détaillant les dépenses excessives et inappropriées des députés fédéraux, ce qui a entraîné des réformes et des enquêtes sur la gestion des fonds publics.

 

 

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