Ce serait environ 30 % de la population qui ne bénéficieraient pas encore d’eau potable sans interruption. Ce pourcentage représente, selon le ministre des Utilités publiques Ivan Collendavelloo, un nombre de 75 000 abonnés.
Ces gens sont domiciliés en hauteur, dans de nouveaux morcel-lements ou encore ne bénéficient pas de titres de propriété, car ce sont des squatters. « Il y a encore du travail à faire avant l’approvisionnement en eau 24/7. Mais rien n’est impossible, car 70 % de la population bénéficie d’une distribution régulière. L’approvisionnement en eau 24/7 sera bientôt une réalité. C’est une question de temps », rassure la CWA.
L’ancien président du conseil d’administration de la CWA, Prem Saddul, abonde dans le même sens que le CWA. « Seul 30 à 35 % de la population n’auraient pas accès à l’eau potable. Ces personnes sont domiciliées dans les régions où les conduits traversent la route Royale », souligne-t-il. Selon nos renseignements, parmi les régions situées en hauteur se trouvent Petit-Sable, Grand-Sable, Le Morne et Chamarel.
Les abonnés y sont approvisionnés entre deux et trois fois par semaine. Le village de Grand-Gaube, dans le nord du pays, est sur la liste de la CWA comme étant pourvu de nouveaux morcellements qui ne sont pas encore raccordés au réseau. Les habitants sont approvisionnés par le biais des citernes.
Pourquoi le pays est-il toujours à court d’eau ?
Le gouvernement et le ministère de l’Énergie et des Utilités publiques font tout depuis 2014 pour soulager les Mauriciens du problème récurrent d'approvisionnement en eau. Les infrastructures ont été améliorées, des kilomètres de tuyaux vieux et défectueux ont été remplacés, des stations de traitement mobiles ont été installées, sans oublier les nouveaux puits de forage et les nappes phréatiques, mais rien n’y fait. Les vannes sont automatiquement régulées en période de sécheresse quand le niveau d’eau devient inquiétant.
Pourquoi souffre-t-on toujours de ce problème en fourniture d’eau, malgré les infrastructures mises en place par la Central Water Authority ?
6 milliards de roupies d’investissement
De 2014 à 2019, 6 milliards de roupies ont été allouées à la CWA pour l’amélioration des infrastructures. À juin 2019, 438 kilomètres de tuyaux ont été remplacés, trois réservoirs de service ont été construits et la station de traitement de Bagatelle Dam a été inauguré en septembre 2019. 10 stations de filtration ont été installées et la capacité de 10 puits de forage a été doublée. Sans oublier huit nouveaux trous de forage mis en opération. Toutes ces infrastructures ont permis à plus de 245 000 foyers de bénéficier du service 24/7. Comparativement, les investissements de 2005 à 2014 étaient seulement de Rs 556 millions. Ces chiffres peuvent être obtenus dans le rapport annuel (2018 - 2019) du corps parapublic.
À ce stade, le pays dispose de cinq principales nappes phréatiques, qui sont toutes utilisées pour alimenter 50 % des foyers mauriciens. Il y a aussi 429 puits de forage, dont 133 sont dédiés à un usage domestique, 157 pour l’irrigation et 139 à des fins industrielles. Le pays dispose également de sept réservoirs.
La réforme de l’eau
Le rapport de la Banque mondiale sur la fourniture en eau de Maurice a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Soumis en 2017, elle avait provoqué l’idée de la réforme de l’eau avec un contrat d’affermage avec une compagnie privée pour la gestion de l’entité. Il y avait ainsi le spectre d’une privatisation et surtout, l’annonce de l’augmentation du prix de l’eau. Ce, avant que le Premier ministre décide de mettre l’idée d’augmenter le prix au placard. Cependant, le mal qui ronge la CWA, comme listée par la Banque mondiale, demeure. Parmi les problèmes auxquels fait face cet organisme, on retrouve une fourniture d’eau intermittente et une situation financière dans le rouge. Cette situation, d’ailleurs, avait aussi été déplorée par le directeur de l’Audit dans le rapport 2017 - 2018, publié en mars 2019. Avec 3 milliards de roupies de dettes, la CWA est le mauvais élève.
La Banque mondiale avait également prédit que Maurice tomberait dans la catégorie des Water Scarce countries d’ici 2020. Le pays dépend trop des nappes phréatiques, qui sont surexploitées, et des pluies, qui sont imprévisibles. Plusieurs mesures ont été prises pour contrer ces prédictions, notamment l’inauguration du Bagatelle Water Treatment Plant en septembre 2019, la multiplication des puits de forage pour pouvoir capter beaucoup plus d’eau, sans oublier un début de restructuration à la CWA pour éliminer au maximum le phénomène de Non-Revenue Water. Ce terme désigne l’eau qui est gaspillée en cas de rupture de tuyaux, de fuites et d’autres soucis techniques.
Deux projets phares
La CWA a deux projets phares : l’agrandissement du réservoir de La Nicolière et de La Ferme et la construction du Rivière-des-Anguilles Dam. Ces deux projets ont déjà été annoncés, mais prennent du temps à démarrer. Le projet de Rivière-des-Anguilles a fait l’objet de plusieurs questions parlementaires et a été la raison de bon nombre de conflits entre Ivan Collendavelloo et l’ancien député Bashir Jahangeer.
Pour le projet de La Nicolière, la phase de consultation étant terminée, les travaux devraient bientôt démarrer. À Rivière-des-Anguilles, des études géotechniques sont en cours. Sur la longue liste des projets en cours, on en note une trentaine. Ils devraient être complétés en 2020, tandis que plusieurs autres projets ont été alloués.
Le rôle des consommateurs
Pour que la totalité du pays puisse bénéficier d’une fourniture en eau 24/7 tout au long de l’année, il y a le facteur clé de la surconsommation. Plusieurs experts expliquent que, tant que les Mauriciens ne seront pas conscients de la nécessité de préserver cette ressource en évitant le gaspillage, on n’arrivera pas à avancer.
Les nappes phréatiques à sec ?
Depuis plusieurs mois, l’île Maurice vit un paradoxe en ce qu’il s’agit du captage d’eau. En novembre 2019, les réservoirs affichaient un taux de remplissage de plus de 80 %. Fin décembre, pendant la période de grosse demande, ce taux a dégringolé, mais grâce aux récentes averses, elles affichent maintenant un taux global de remplissage de 66 %. Mare-aux-Vacoas affiche un taux de remplissage de 73 %. Cependant, le problème des coupures en eau potable dans le Nord et l’Ouest ne vient pas d’un manque d’eau dans nos réservoirs, mais des nappes phréatiques. Ces réservoirs naturels, situés sous terre, peinent à se remplir. Selon certaines sources à la CWA, il ne reste environ qu’un tiers de la capacité maximale de ces nappes. C’est pourquoi les vannes ont été fermées.
Central Water Authority : nos réservoirs sont remplis à 70%
Les différents réservoirs du pays sont remplis à 70 %, alors qu’au même moment de l’année dernière, ils affichaient un niveau nettement inférieur. Avec les grosses pluies que le pays reçoit en ce moment, la situation dans nos réservoirs sera plus au moins stable.
Selon Statistics Mauritius, en 2018, le volume total d’eau potable traitée par les différentes stations était de 285 millions m3, ce qui est une hausse de 9,2 % par rapport aux 261 millions m3 de 2017. La production moyenne à partir des eaux de surface et des forages représentait respectivement 51,8 % et 48,2 % en 2018.
Le volume total d’eau que la Central Water Authority (CWA) a vendue en 2018 était de 123 millions m3, dont 88,3 % constitués d’eau potable et les 11,7 % restants d’eau non traitée. Quelque 83 millions m3 d’eau ont été vendus sous un tarif intérieur, ce qui représente 67,5 % du volume total d’eau vendue.
Entre 2017 et 2018, le volume total d’eau vendue est passé de 120 millions m3 à 123 millions m3, ce qui constitue une hausse de 2,5 %. Le montant des recettes à percevoir des ventes d’eau pour l’année 2018 était de Rs 1 570 milliards, soit une hausse de 4,4 % par rapport aux Rs 1 504 milliards de 2017.
Prem Saddul, ancien président du conseil de la CWA : «Le projet d’eau potable en mode 24/7 implique tout le monde»
Prem Saddul, ancien président du conseil d’administration de la CWA, explique qu’environ 60 % des régions bénéficient d’eau potable en mode 24/7. Prem Saddul parle aussi du gaspillage d’eau potable par la population. L’ancien président de la CWA est d’avis que les Mauriciens ont leur rôle à jouer dans le projet d’eau potable en mode 24/7 : celle d’utiliser l’eau non consommable pour les besoins domestiques tels que pour le jardinage et les toilettes, entre autres.
« Combien de personnes détiennent un conteneur qui peut capter l’eau de pluie pour leurs besoins ménagers ? » demande Prem Saddul. « Nous devons », précise-t-il, « prendre des leçons des Rodriguais s’agissant de la conservation d’eau. Les Mauriciens ont tendance à utiliser l’eau potable selon leurs envies et non selon leurs besoins. Le projet d’eau potable 24/7 n’implique pas uniquement la CWA et le gouvernement, mais la population en général. Notre consommation d’eau par tête d’habitant est plus élevée qu’en Afrique, en Angleterre ou encore à Singapour. Il y a beaucoup de gaspillage d’eau à Maurice », fait ressortir Prem Saddul.
Notre interlocuteur soutient que l’approvision-nement en eau en mode 24/7 prendra du temps, car tout repose sur le montant injecté par la CWA dans le renouvellement des conduits. Prem Saddul ajoute ensuite qu’il faut bâtir plus de réservoirs de service et d’autres réservoirs à travers le pays. « 50 % de notre eau provient des nappes phréatiques, 30 % des réservoirs et 20 % des rivières. Je suggère l’installation des mini barrages dans les rivières principales du pays (GRNO, GRSE, Rivière-des-Créoles, Rivière-du-Rempart, Rivière-Patate et Rivière-du-Poste), des régions qui se situent à proximité des agglomérations villageoises. Une fois traitée, l’eau doit être desservie à travers les réseaux de la CWA. Je propose également la réalisation de châteaux d’eau dans les régions à problème, telles que Chamarel. Ces structures de 10 mètres de diamètre et 15 mètres de haut ont pour but de stocker l’eau déjà traitée », dit Prem Saddul.
Harry Booluck, ancien directeur général de la CWA : «L’approvisionnement en eau 24/7 est irréalisable sur le long terme»
L’ancien directeur général de la CWA, Harry Booluck, est d’avis que l’approvisionnement en eau en mode 24/7 est « irréalisable sur le long terme » en raison du changement climatique. D’où le fait que, selon Harry Booluck, garantir une telle promesse ne serait « pas recommandable ». « Le gouvernement et la CWA ont promis une distribution d’eau 24/7. Cependant, une telle promesse paraît difficile à réaliser en raison du changement climatique, qui est accompagné d’averses diluviennes. Cela a tendance à produire une fluctuation dans la fourniture d’eau potable dans le pays », dit l’ancien DG de la CWA.
Harry Booluck s’interroge ensuite sur les nappes phréatiques et les rivières, dont le pays dépend largement lors des périodes de sécheresse. « Que se passera-t-il s’il y a une période de sécheresse qui perdure ? Je pense qu’il sera difficile de pallier la demande des consommateurs, surtout durant les mois de septembre et d’octobre. D’ailleurs, combien de temps est-ce que l’approvisionnement 24/7 va durer avec l’évaporation et les fuites dans les nappes phréatiques ? » se demande-t-il.
Conduits renouvelés, augmentation des stations de traitement et capacité des réservoirs renforcée : la CWA rassure qu’il n’y a « aucun problème d’eau » dans le pays
La Central Water Authority (CWA) fait ressortir qu’il y aurait « très peu de demandes d’eau en raison d’un approvisionnement régulier, l’exploitation de nouvelles nappes phréatiques privées, la mise en opération d’une vingtaine de stations de traitement, la substitution des anciens conduits à travers le pays et le renforcement du réservoir de La Nicolière ». La CWA soutient ensuite que 70 % de la population bénéficie d’eau potable en mode 24/7 à ce jour.
« Il n’y a aucun problème d’eau dans le pays. Depuis le 1er janvier à ce jour, la CWA a alimenté toutes les régions du pays. L’eau est en train de couler dans les robinets ! Les seules demandes que nous avons réceptionnées proviennent des locataires de campement, où l’utilisation d’eau destinée aux piscines est très élevée. Nous avons exhorté les locataires des campements de solliciter des opérateurs privés pour l’approvisionnement en eau », explique la CWA.
Le représentant de l’organisme soutient, par exemple, que les régions de l’est seraient approvisionnées en 24/7. Les régions du nord, ajoute notre interlocuteur, bénéficient d’un approvisionnement de 4 à 11 heures et de 16 à 22 heures, et parfois sur une base individuelle par le biais des citernes de la CWA. Il n’y aurait, selon notre interlocuteur, « aucun problème d’eau dans les régions de l’ouest, tout comme pour le sud du pays ». Pour les régions du centre, la CWA s’attend à une meilleure distribution en raison de l’installation des nouveaux conduits placés dans le courant de l’année.
« Il y a encore du travail à faire avant l’approvisionnement d’eau 24/7. Cependant, rien n’est impossible, car 70 % de la population bénéficie d’une distribution régulière. Les 30 % restants qui ne bénéficient pas d’eau sont les régions situées en hauteur ou encore les zones qui sont habitées par les squatters dépourvues de compteurs d’eau. L’approvisionnement en eau 24/7 sera bientôt une réalité. C’est une question de temps », rassure la CWA.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !