Interview

Farook Mowlabucus, hydrologue : «Les autorités sont les grands responsables des inondations»


La capitale a été particulièrement affectée par les inondations, après les averses du 24 février. Comment l’expliquer ?
En 2013, lors des inondations à Port-Louis, on avait enregistré une intensité de pluie jusqu’à 130 mm/h, soit dépassant la quantité maximale de 85  mm/h. On parle de changement climatique, mais je me demande si les autorités compétentes, les mairies, les conseils de districts et la Road Development Authority, se sont concertés, pour revoir les infrastructures d’assainissement existantes. Surtout dans les régions où il y a des inondations fréquentes, comme Port-Louis, Cottage et Terre-Rouge.

Publicité

Comment expliquez-vous que le système de drains se retrouve dépassé ?
Avec les développements à travers le pays, il y a aujourd’hui moins de surface perméable et plus de surface de ruissellement. Les drains ont été conçus pour une capacité légèrement en dessous de la quantité de pluie habituelle. Mais lorsque la pluviométrie est bien au-dessus de la moyenne, cela engendre un ruissellement qui se répercute en aval.

En face du Caudan Waterfront, par exemple, des millions de roupies ont été dépensées pour la construction de drains. Pourtant, il y a eu des accumulations d’eau à cet endroit une fois encore, une partie de la route ayant même été fermée.

C’est à se demander à quoi a servi l’argent dépensé en 2013. S’agit-il d’un problème de volume d’eau ou de niveau ?

Est-ce la topographie ? L’impact aurait peut-être été pire sans les travaux. N’empêche, le problème n’a pas été résolu !

À Cottage, par exemple, un endroit situé dans un bas-fond, si des drains sont construits, il faut que l’eau soit acheminée jusqu’à la mer, qui est assez loin. Le coût des travaux sera élevé. Est-ce pour cette raison que rien n’a été fait ?

Faut-il s’attendre à ce que d’autres endroits, jusqu’ici épargnés, connaissent le même sort ?
C’est certain. Dans les endroits où les drains et cours d’eau ont été obstrués, il y aura des répercussions. Le risque d’inondation est aussi élevé dans les morcellements construits sans exutoire approprié. Il arrive que la distance de l’exutoire, qui est censé terminer sa course dans un cours d’eau, par exemple, est réduite. Mais si tout est fait d’après les lois et vérifié par les autorités avant, pendant et après les travaux, il ne devrait pas y avoir de problème.

Les morcellements de plus de cinq arpents nécessitent un permis Environment Impact Assessment (EIA), de même que d’autres permis. Mais est-ce que les autorités s’assurent que l’exutoire du morcellement n’occasionne pas d’inondations pour tous les morcellements existants ?

Ce sont les collectivités qui émettent les permis de construction, n’est-ce pas ?
Certes, mais un inspecteur a-t-il pris la peine de quitter le confort de son bureau pour vérifier le site avant de rédiger son rapport ? A-t-il inspecter le ruissellement d’eau de pluie dans cette région ? A-t-il consulté la Water Resources Unit, lorsqu’il s’agit des endroits inondables ? À mon avis, les autorités sont les plus grands responsables.   

Aurait-on pu prévenir les récentes inondations ?
Prenons le cas de ceux dont les maisons avaient été inondées en 2013 et qui, depuis, rencontrent le même problème à chaque grosse averse. Ma question est : pourquoi ? Et cette question, c’est à la National Development Unit, qui est responsable de la construction de drains, d’y répondre.

Il est vrai qu’un rapport singapourien, suivant les inondations de 2013, indique qu’il est « difficult to predict and design any viable flood management system to deal with such events ».

Suivant un rapport de Gibbs datant de 2000-2001, la Road Development Authority, responsable des routes « classified », a augmenté le temps de retour de pluie de certaines infrastructures comme les ponts. Il y a donc déjà des démarches entreprises pour s’attaquer à ce problème, du moins, pour les nouvelles infrastructures. Ce que disent les Singapouriens n’est pas vrai, car lorsqu’on parle d’infrastructures, on parle de civil engineering et là tout est une question d’argent.

Il aurait fallu injecter plus d’argent, selon vous ?
Est-ce que les infrastructures existantes ont été revues ? Est-ce que les autorités se sont demandé pourquoi le problème d’inondations perdure là où des travaux ont été entrepris et des millions de roupies dépensées ? Il s’agit de poser les bonnes questions et ensuite de prendre des actions. Je pense sincèrement qu’en sus de la construction de nouvelles infrastructures, il faut aussi revoir celles existantes.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !