
- La décision vise à soutenir l’économie, selon le Conseil des ministres
- Une volte-face critiquée par plusieurs observateurs
La Fair Share Contribution on High-Income Earners, mesure budgétaire ciblant les hauts revenus et les entreprises, fait l’objet d’un réajustement. Le gouvernement invoque le besoin de préserver l’attractivité économique du pays. Cette décision est toutefois loin de faire l’unanimité !
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Les mesures telles qu’annoncées dans le Budget
Une « Fair Share Contribution »…
…pour les hauts revenus
- Les contribuables concernés : Toute personne dont le revenu annuel net dépasse Rs 12 millions, incluant les dividendes perçus.
- Ce qu’ils devront payer : Une Fair Share Contribution au taux de 15 % de son revenu imposable après y avoir ajouté les dividendes reçus au cours de l’année de la part de sociétés nationales.
- La durée de cette mesure : Cette contribution sera perçue dans le cadre du système PAYE (Pay As You Earn) sur les revenus perçus à partir du 1er juillet 2025 et sera applicable pendant trois années consécutives, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2028.
- Un cas de figure : Si une personne perçoit un revenu annuel de Rs 20 millions, soit Rs 7 millions comme salaires et Rs 13 millions de dividendes, elle devra s’acquitter d’une Fair Share Contribution de Rs 1,2 million.
…pour les entreprises
- Les firmes concernées : Toutes celles dont le revenu imposable annuel est supérieur à Rs 24 millions.
- Ce qu’elles devront payer :
- 5 % du revenu imposable pour les entreprises soumises au taux standard d’imposition de 15 % ;
- 5 % également pour les banques, y compris sur les revenus générés via des transactions avec les non-résidents et les Global Business Companies ;
- 2 % pour les entreprises bénéficiant du taux réduit d’imposition de 3 %.
- La durée de cette mesure : Trois ans, soit jusqu’au 30 juin 2028.
Bon à savoir : Le paiement se fera sur une base trimestrielle, selon un mécanisme similaire à l’Advance Payment System et sera introduit dans le cadre de la Value Added Tax Act.
Les ajustements apportés
Lors de la dernière réunion du Conseil des ministres, le gouvernement a pris une nouvelle décision. « En vue de soutenir la croissance économique », la Fair Share Contribution sur les hauts revenus et les entreprises a été « ajustée et clarifiée en tenant compte de la nécessité pour notre juridiction d’attirer les investissements et les talents étrangers ».
Quels sont les ajustements apportés ? Cet impôt sera-t-il enlevé ? Le taux d’imposition sera-t-il revu à la baisse ? Quid de la durée de cette mesure ? S’appliquera-t-elle pour trois ans voire moins ? Les détails n’ont pas été communiqués. Au sein du gouvernement, on indique qu’il « faut attendre le Finance Bill pour avoir les détails ».
Cette décision…
…reçoit un écho favorable
Roomesh Ramchurn, associé chez Forvis Mazars : « C’est bon signe ! »
Roomesh Ramchurn, associé chez Forvis Mazars, trouve « encourageant » que le gouvernement envisage de revoir sa copie. « C’est bon signe. Dans sa forme actuelle, cette mesure risquait de décourager les investisseurs et de nuire à l’attractivité du pays. Beaucoup auraient pu se tourner vers Dubaï, notre concurrent direct, où ni les salaires, ni les dividendes ne sont imposés », explique-t-il.
Il ajoute que cette contribution vise aussi les entrepreneurs, dont la rémunération est souvent partagée entre salaires et dividendes. « Le problème est que les bénéfices des entreprises sont déjà soumis à l’impôt. Taxer ensuite les dividendes reviendrait à imposer deux fois les mêmes revenus, ce qui aurait été dissuasif », ajoute-t-il.
Roomesh Ramchurn suggère ainsi d’exclure les dividendes et les intérêts de l’assiette de la Fair Share Contribution et de concentrer la taxe uniquement sur les salaires. « Une approche plus équilibrée aurait été d’introduire un taux additionnel de 5 % à partir du seuil de Rs 12 millions de revenus, portant ainsi l’imposition totale à 25 %. Ainsi, ceux qui gagnent plus contribuent davantage », conclut-il.
Imrith Ramtohul, analyste financier : « Une baisse de cette contribution serait bien accueillie »
« Nous ignorons encore les détails des changements à venir. Toutefois, à la lecture du résumé du Conseil des ministres, il semble que la Fair Share Contribution sera revue à la baisse. Pour les entreprises, c’est une évolution positive puisqu’elles auront une charge fiscale réduite. Cela pourrait améliorer leur rentabilité et encourager davantage d’investissements », avance Imrith Ramtohul, analyste financier et consultant en investissement.
Cependant, il nuance ses propos : « Une telle révision aura un impact direct sur les prévisions budgétaires du gouvernement. Les recettes fiscales attendues devront être ajustées en conséquence. »
Dans le cas des particuliers, notamment ceux à hauts revenus, Imrith Ramtohul estime que la baisse de cette contribution sera « bien accueillie », car elle réduirait la pression fiscale sur cette tranche de contribuables. « Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais cette orientation semble aller dans le sens d’un meilleur équilibre entre attractivité économique et équité fiscale », dit-il.
…est aussi vivement contestée
Nalini Burn, observatrice : « L’influence des puissants lobbys a pesé »
« Lorsqu’on examine la structure des revenus de l’État, il apparaît clairement que la plus grande part provient de la taxe à la consommation – incluant la TVA et les droits d’accise. Cela signifie que ce sont principalement les consommateurs qui portent le poids des revenus. D’ailleurs, depuis deux décennies, Maurice fonctionne comme une juridiction à faible taux d’imposition, au bénéfice des entreprises et des hauts revenus. En quoi c’est fair alors que des High Net Worth Individuals ont des avantages fiscaux favorables ? », se demande Nalini Burn.
De plus, poursuit-elle, la Fair Share Contribution, comme annoncée dans le Budget, est d’une durée limitée de trois ans, alors que les réajustements pour ceux au bas de l’échelle (comme l’augmentation des pensions) sont permanents. « Il y a un déséquilibre flagrant, d’autant que l’Income Support ne vise qu’une minime portion de la population », dit-elle.
Elle ajoute que selon les chiffres officiels, seulement 0,7 % des personnes perçoivent moins de Rs 10 000 et 13,3 % des ménages gagnent moins de Rs 20 000. « C’est dérisoire. On instaure le ciblage des plus vulnérables alors qu’on renforce les exemptions des plus fortunés. Attendons voir les nouvelles modalités du gouvernement », souligne l’observatrice.
Pour elle, la révision de la Fair Share Contribution ne relève pas uniquement d’une stratégie économique. Elle serait le résultat de « l’influence des puissants lobbys, notamment du secteur financier pour sa contribution importante au PIB du pays ». D’ailleurs, poursuit Nalini Burn, « le gouverneur de la Banque de Maurice est issu de ce milieu – mais aussi des plus fortunés et de ceux qui gèrent leur fortune depuis Maurice ».
« Cette pression rappelle ce qui s’était produit lors de l’introduction de la Corporate Social Responsibility. Le recul du gouvernement sur la Fair Share Contribution est en contradiction totale avec sa volonté affichée de passer d’une économie fondée sur la consommation à une économie productive. On privilégie l’investissement dans l’immobilier et non dans les secteurs productifs. Cela envoie de mauvais signaux », conclut Nalini Burn.
Jane Ragoo, syndicaliste : « Le climat de confiance est brisé »
Jane Ragoo dénonce un double discours et un net favoritisme envers les intérêts du grand capital. « Notre compréhension est que cette contribution sera revue à la baisse. C’est révoltant. Lorsqu’il s’agit du grand capital, sans aucune mobilisation, le gouvernement répond favorablement à leurs doléances. Ashok Subron avait pourtant dit que les syndicalistes devaient saluer le fait que le gouvernement impose une taxe aux plus riches. Aujourd’hui, le gouvernement fait marche arrière. Alors, pourquoi ce silence de sa part ? », martèle la syndicaliste.
Selon elle, cette volte-face est d’autant plus injustifiable qu’elle intervient alors que les syndicats continuent de se battre pour le gel de la réforme des pensions, sans ouverture au dialogue. « Nous avons envoyé ces représentants au Parlement pour améliorer nos conditions de vie. Une fois de plus, c’est le grand capital qui en sort gagnant. » La preuve, selon elle, « que nous avons affaire à un gouvernement ultra-libéral ».
Pour elle, cette volte-face a un coût bien plus profond que celui des mesures fiscales. : celui de la confiance citoyenne.
« Nous devons rester vigilants. Le climat de confiance est brisé. C’est profondément regrettable pour la population. »
Ram Seegobin, membre de Lalit : « Plus rien de positif dans ce Budget si on enlève cette mesure »
Cet impôt visant les hauts revenus est l’un des rares éléments positifs du Budget, estime Ram Seegobin. « Le reste n’est que négatif et n’apporte rien en termes de développement et de création d’emplois. C’est un exercice où l’on coupe une dépense ici et on ajoute un revenu là-bas. Si on remet en question cette mesure, il ne restera plus rien de positif dans ce Budget », dit-il , dépité.
Lindsey Collen, membre de Lalit : « Il faut augmenter davantage la taxe sur les riches »
Au sein de Lalit, on se demande si le gouvernement reverra à la hausse ou à la baisse cette contribution, indique Lindsey Collen, membre de Lalit. « On est pour qu’on augmente davantage la taxe sur les riches et les entreprises. Dans le passé, ce n’était pas un tabou. Aux États-Unis, le taux supérieur d’imposition sur les riches oscillait entre 70 % et 94 % à un moment donné », fait-elle ressortir.
Le secteur financier réclame plus de clarté et d’équité
Après les réactions mitigées suscitées par l’introduction de la Fair Share Contribution dans le Budget 2025, le gouvernement mauricien annonce des ajustements. La clarification du dispositif est désormais envisagée afin de préserver l’attractivité de la place financière et de rassurer les acteurs économiques.
Le gouvernement mauricien semble infléchir sa position sur la Fair Share Contribution, une mesure fiscale introduite dans le Budget 2025-2026, après une levée de boucliers du secteur privé et des acteurs de l’investissement. Le Conseil des ministres du 11 juillet a confirmé des ajustements destinés à préserver l’attractivité de la juridiction tout en maintenant les objectifs d’équité fiscale.
Annoncée comme un levier pour mieux répartir l’effort fiscal, cette contribution vise les hauts revenus et certaines entreprises. Toutefois, sa mise en œuvre a soulevé des inquiétudes, notamment quant à l’impact sur les investissements directs étrangers (IDE) et la perception de Maurice en tant que centre financier stable. Le recul des flux d’IDE, passés de Rs 37,01 milliards en 2023 à une estimation de Rs 32,99 milliards pour 2024, selon la Banque de Maurice, vient renforcer ces préoccupations.
Plusieurs sociétés de conseil et opérateurs du secteur financier ont exprimé leurs réserves quant à la direction prise par la politique fiscale du pays. Ils estiment que la taxation des dividendes et la pression accrue sur les grandes fortunes pourraient compromettre le développement des services de gestion de patrimoine, un secteur identifié comme stratégique.
Fazeel Soyfoo, associé en fiscalité internationale chez Andersen, estime que le manque de clarté autour des intentions du gouvernement crée de l’incertitude, en particulier pour les entrepreneurs et investisseurs étrangers. « Le traitement des dividendes reste flou, et l’absence de distinction entre citoyens et non-citoyens ne favorise pas l’attraction de talents ou de profils fortunés venant de l’étranger », observe-t-il.
Dans ce contexte, l’annonce d’une révision de la Fair Share Contribution a été perçue comme un signal de réajustement. Selon Ryan Allas, directeur général du département fiscal chez Rogers Capital, la clarification des modalités, l’introduction d’un moratoire ainsi que des dispositions sur les droits acquis visent à sécuriser davantage les acteurs du marché, notamment dans l’immobilier.
« J’espère que les dividendes exonérés seront exclus de l’impôt supplémentaire. Cette correction de trajectoire est un signe encourageant que le gouvernement est à l’écoute », déclare-t-il, tout en soulignant que « la clarté, la stabilité et l’équité seront essentielles pour restaurer la confiance des investisseurs ». Fazeel Soyfoo évoque, pour sa part, l’éventualité que certaines conditions, comme la période de référence de trois ans, soient révisées. Selon lui, même un prélèvement sur les hauts revenus peut être acceptable, à condition que le système soit perçu comme équitable et prévisible.
L’exécutif semble donc chercher une voie médiane : répondre aux impératifs budgétaires sans compromettre la compétitivité économique du pays. Dans l’attente des détails législatifs, les acteurs économiques restent prudents, mais attentifs à l’évolution du cadre réglementaire.

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